Récits du presque pays I : Sainte-Souleur

Des nouvelles variées, un ensemble surprenant, mélange d'histoire québécoise et de malheurs humains.

Le titre « Sainte-Souleur » intrigue. le recours au dictionnaire m'apprend que « souleur » est un terme vieilli qui signifie « frayeur subite, serrement de coeur » ce qui va avec les deux autres livre de la trilogie : Saint-Calvaire et Saint-Tourment.

On commence par un premier chapitre, une nouvelle qui porte le numéro 4. La suivant portera le 6, puis le 9, etc. sans que j'aie compris la logique de cette numérotation (s'il y en a une…).

La première nouvelle s'inspire de l'histoire des meurtres de « la Corriveau » dans la décennie 1760. La Corriveau a été pendue et son cadavre a été exposé, suspendu dans une cage de fer, au coin d'une route. On dit qu'elle hante les lieux depuis ce temps…

La deuxième traite d'événements marquants de l'histoire du Québec : la rébellion de 1836-37 et la répression qui a suivi. C'est raconté par un homme qui a vu ses amis être pendus en 1839.

Une nouvelle aux allures de conte où les corneilles annoncent la mort dans cette famille qui vivra non pas seulement des morts, mais aussi des départs, des émigrations dans les usines des États-Unis. (C'est aussi un élément de l'histoire du Québec, des centaines de milliers de « canadiens-français » sont allés vivre aux États-Unis au 19e et a 20e siècle.)

La nouvelle suivante se passe à St-Jean-Vianney en 1971. C'est l'histoire d'une jeune femme coincée dans le carcan serré d'une famille ouvrière. Mais son destin sera transformé par un drame qui détruira une partie du village (une tragédie réelle…).

Le ton change pour les nouvelles suivantes, il sera moins question d'événements historique que d'exemples de destinées individuelles.
En 2011, un homme est hanté par ce qui s'est passé dans son adolescence des années 1990. Harcèlement, maltraitance animale, masturbation collective, dénonciation et autres cochonneries. On y rencontrera d'ailleurs la truie qui orne la couverture…

En 2016, un étudiant en littérature suit les traces de Jack Kerouac à Lowell aux États-Unis. La famille des ancêtres de l'étudiant compte l'homme fort Louis Cyr qui a vécu aussi à Lowell. On découvrira des enjeux de santé mentale…

Finalement, une jeune femme d'aujourd'hui qui cherche des aventures sexuelles à travers des « appli » de rencontre. Elle rencontrera peut-être l'homme idéal…

Surprenant donc, mais un excellent recueil, où les protagonistes de chaque nouvelle vivent leur propre « souleur ».

Seconde incursion dans la série des récits du presque pays imaginés par François Racine, Sainte-Souleur débute avec la légende de la Corriveau (Marie-Josephte), la célèbre meurtrière de plusieurs maris qui, après la conquête de la Nouvelle-France par les Anglais, a été pendue pour ses crimes et son cadavre encagé à la vue de tous dans son village de Saint-Joseph-de-la-Pointe-de-Lévy. Les autres nouvelles s'inscrivent autant dans l'histoire ancienne du Québec (révolte des Patriotes de 1837-1838, l'exode des Canadiens français aux Etats-Unis entre 1840 et 1930) que dans le Québec moderne (le catastrophique glissement de terrain à Saint-Jean-Vianney en 1971). Certaines sont étonnantes, entre autres, celle qui pastiche le roman Cinquante nuances de gris ou celle de l'étudiant en littérature, descendant de l'homme fort Louis Cyr, qui, lors de sa résidence à Lowell (Massachussets), finit par se prendre pour son sujet, l'écrivain Jack Kerouac, écumant les bars du coin en jouant au matamore. Dans l'ensemble, Sainte-Souleur demeure dans la lignée du recueil éclectique qui tire justement son intérêt de cette diversité dans les récits.

C'est un recueil de nouvelles inspirées de l'Histoire du Québec, de ses mythes et de ses légendes, sur fond de souverainisme déçu. de la Corriveau à Jack Kerouac, en passant par la lutte des Patriotes, les légendes urbaines de cour d'école et l'histoire de Rose Latulippe façon Fifty Shades of Grey, les "récits du presque pays" fouillent notre mémoire collective de peuple colonisé et conjecture notre assimilation prochaine avec imagination et perspicacité.

Les textes sont très variés. Ils ne sont pas tous égaux, mais ils sont tous intéressants et plusieurs sont excellents. Un deuxième tome a déjà été publié, et je vais assurément le lire!