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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Quel roman, chers amis, quel force de l'écriture, quelle construction, quel style, le cri du beau qui naît dans la douleur, la faiblesse qui devient force ! C'est le premier livre que je lis d'Alexis Ragougneau et quelle découverte !
Un grand merci à Michèle pour m'avoir fait découvrir ce livre ! Suis K.O.!

Les Claessens sont tous musiciens, les parents et les deux enfants ne vivent que dans la musique, passion qui ne peut que les unir dans l'harmonie des sons et des accords. Mais sur leur parcours il y a des fausses notes et des silences, ceux qui font mal, des combats perdus, des pas en avant et beaucoup de pas en arrière.
La construction du roman suit les quatre mouvements du concerto pour violon et orchestre opus 77 de Dmitri Chostakovitch : le premier, la Nocturne, continue sur l'allegro démoniaque du Scherzo, l'andante de la Passacaille s'en suit sur un crescendo pour enchaîner avec la Cadence réservée au soliste, et arriver ensuite au quatrième mouvement, Burlesque.
Le premier mouvement commence par la fin, la fin du chef d'orchestre Claessens, et cette fin ouvre le début d'un chemin, celui du retour vers le passé sous la pluie acide des questions sans fin.
Ariane, la fille, au piano, attaque, non pas une marche funèbre, mais la version pour clavier du concerto n°1 pour violon, opus 77 de Chostakovitch.
Après, tout au long de l'histoire, elle nous attache à son fil et, au lieu de nous sortir du Labyrinthe, nous entraîne dans ses coins les plus obscurs, sur ses chemins les plus tortueux, nous laisse nous perdre, nous redonne le fil pour finalement nous montrer que sortis du Labyrinthe nous y sommes toujours...
La construction, disais-je, suit les quatre mouvements du concerto, en cinq chapitres, comme des éclats d'un miroir qui est L'Opus 77, le fil rouge du roman. La musique, à la fois tyran et sauveur, sangsue et souffle de vie, devinette et sens, douleur et joie suprême, vide et absence, est également possible reconstruction on ne peut plus instable et fragile dont l'épuisant effort essaie de faire vivre ensemble le passé et le présent. Et le fil rouge, l'Opus 77, a son histoire non moins douloureuse : son enfantement a connu une longue période de maturation forcée du compositeur, persona non grata aux yeux de Staline, le petit père des peuples, jusqu'à sa première interprétation magistrale par David Oïstrakh, des années après sa naissance, quand le tyran, aussi tyran fût-il, trouva la fin du commun des mortels.
Et là la dictature et la musique se retrouvent dans la plus compliquée des relations, duel inégal entre tyran et résistant, maître et esclave, où les armes aussi sont inégales.
"Pour jouer opus 77, il faut avoir été tout au fond, et y être resté un moment" ,est une phrase qui s'enchaîne tout naturellement avec "combat de la lumière face aux forces obscures", quelles qu'elles soient ces forces.
Le musicien et son art vivent une histoire paradoxale et sublime : une sensibilité à fleur de peau, le bonheur du musicien en fusion avec son instrument, d'une part, et de l'autre, et en même temps, une cuirasse gigantesque. Grand écart, immense tension nerveuse, grondement qui dit que quelque chose va se passer. Et nous voilà plongés en apnée dans le roman policier de la série noire.
Roman dense à plusieurs thèmes, on apprend, on apprend, on apprend.
La célébrité, la beauté physique admirée, enviée, désirée, les joies d'une famille harmonieuse ne sont que des biens fragiles et passagers, des moments qui, dans leurs courte vie, connaissent le contrepoids de leurs contraires, les écueils, les déchirements, le faux, les non-dits, les leurres, miroir omniprésent aux multiples reflets. le masque, cache-t-il un manque, un vide peut-être ?
L'instable cherche son contraire, l'équilibre, tout comme les parallèles cherchent à se rejoindre. La course vers l'inatteignable est condamnée à l'infini, un mouvement vers les quatre points cardinaux où les contraires vivent ensemble sur la scène des antinomies.
Le temps est éclaté, et ses éclats jonglent sur le fil du rasoir entre être et paraître, opposables, opposés et paradoxalement semblables quand la seule façon d'être est de paraître, quand le faux prend entière possession de la raison d'être, furtivement, sans prévenir et définitivement.
Ariane analyse les causes de la fin de l'amour de ses parents, de l'isolement et du mutisme de son frère, de la perte de la voix de sa mère, du passage du piano au chef d'orchestre de son père, de son chemin à elle. Tout au long du roman, sa vie défile dans un désordre soigneusement étudié, chaque bribe fait sens, le moindre détail est capital. Se mettre à nu et se blinder en même temps, les phrases jaillissent comme un coup de colère, et frappent jusqu'à l'épuisement du corps, et de la colère.
Sa froideur et le constat tout aussi froid des faits sont entretenus par un langage dont l'analyse se veut sans émotions, jusqu'à effleurer le cynisme, tout en se découvrant chargée d'une émotion et d'une sensibilité à fleur de peau.
Le vide qui laisse la perte d'un être cher, la solitude, la peur, le noir, la tyrannie nous rendent faibles, maniables, maîtrisables, mais personne au monde ne peut savoir comme notre faiblesse et forte, comme elle peut se braquer et jaillir pour fouetter en retour.
Alexis Ragougneau fait parler la musique par les mots, fait vivre les contraires, la dualité dans un combat sans victoire.
Un récit où chaque moment de lumière joue avec son ombre, l'une et l'autre ne cessant de s'attirer et de se rejeter, dans un duel souvent sauvage, tendu, mais sans lequel elles ne pourraient pas se compléter.
Le visage de la couverture, jeune fragile et farouche à moitié caché, - ou bien dévoilé? - par le corps du violon, a le regard perçant dont la force, à la mesure de sa fragilité, se tient, se maintient, meurtrie et endurcie. le visage est si lisse qu'il ne fait que rendre plus vive la colère dans ses yeux.
A la fin du roman l'image de la couverture prend tout son sens.
Marquée à vif.
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De la musique avant toute chose , écrivait Verlaine
Dans ce beau livre de' Alexis Ragougneau , elle est omniprésente
Ariane Claessens, la narratrice est une pianiste classique de renommée mondiale
Le père Claessens, pianiste génial, devenu un chef d'orchestre mythique et despotique
Yael, la mère d' Ariane,soprano jadis brillante autrefois, mais qui a sombré dans une douce folie
David ,le fils du grand chef de orchestre, le frère d'Ariane , violoniste virtuose mais fantasque
L'histoire est celle de toute la famille et surtout de David qui va prendre de court tout ce beau monde avec une décision stupéfiante qui va l'isoler du monde
Pourquoi ce choix incompréhensible, comment expliquer à travers le histoire familiale la réclusion volontaire de David
Celui-ci reviendra -t-il à la raison commune?
C' est tout le sujet de ce roman qui se lit comme une enquête policière
Avec , en toile de fond le fameux opus 77 de Chostakovitch
Alexis Ragougneau a la bonne idée de nous parler longuement de la vie tumultueuse,surtout sur le plan politique de Chostakovitch qui fut detesté par le pouvoir stalinien puis réhabilité puis à nouveau honni
Un immense compositeur souvent repris par les cinéastes
Tout le talent de l' auteur est d' écrire un roman basé sur la musique classique qui arrive à passionner un lectorat qui va bien au delà d' un cercle restreint de mélomanes
Inutile de être un fervent connaisseur
Ici, ce qui prime ,c'est l' intrigue et le suspense
C'est aussi une galerie de personnages originaux , remarquablent analysés sur le plan psychologique
Le livre est court et percutant . Une bien belle musique pour un roman subtil et passionnant
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Un énorme coup de coeur ! Un texte intimiste dans lequel une pianiste de talent raconte un épisode de la vie de son frère, violoniste virtuose, génie torturé. Mais comme tout est dans tout, elle parle de sa vie à elle, de leur père chef d'orchestre, de leurs relations, des maîtres et des concours, de leurs passions pour la musique. L'auteur nous plonge dans les pensées et les émotions de la pianiste. C'est magnifique !

Je remercie les éditions Viviane Hamy de m'avoir fait découvrir ce bijou, dans le cadre d'une Masse critique privilégiée de Babelio. « Opus 77 » est assurément l'un des meilleurs livres que j'aie lus récemment !

Funérailles de Claessens, chef d'orchestre réputé. Sa fille Ariane, pianiste virtuose, va interpréter, seule au piano, le concerto pour violon n° 1, opus 77 de Chostakovitch. Elle a choisi ce morceau parce qu'il a fait vivre événement important à son frère David. Cet événement est le centre du récit. Pour les Belges, j'ajouterai qu'il se passe au Concours Reine Élisabeth.

Je viens d'employer le mot récit, mais ce n'est pas exactement le mot qui convient. Ariane est en effet une sorte de narratrice, mais je ne dirais pas qu'elle raconte une histoire: le texte est une transcription de ses pensées pendant qu'elle joue l'Opus 77. Ses pensées suivent plusieurs fils: passé, présent, la musique, son père, son frère, sa mère, sa carrière, ses amants... Ces fils qui s'entremêlent ne gênent nullement la lecture. Au contraire, ils créent une ambiance extrêmement intime en plaçant le lecteur au centre même de la narratrice : on n'écoute la narratrice, on est la narratrice. Ce seul aspect de forme suffirait à rendre ce livre remarquable.

Mais le fond est tout aussi remarquable. Voici, en vrac, ce que j'y ai trouvé.

Trois personnalités très différentes de grands musiciens: Claessens, éminent, dominateur, carriériste; Ariane, douée, libre, qui ne cherche pas la célébrité mais joue à profiter de ses avantages; David, génial, torturé par sa perfection et sa relation fusionnelle avec la musique.

Les relations difficiles d'un père trop exigeant vis-à-vis de ses enfants doués (Ariane raconte combien de fois elle et son frère ont entendu leur père leur dire « Recommencez ! »). Et puis la relation fusionnelle d'un frère et d'une soeur, qui découle en partie des relations avec leur père.

La maladie qui anéantit un musicien: Claessens était pianiste de renom mais ses mains devenant déficientes l'ont poussé à devenir chef d'orchestre.

Les grands maîtres qui se font mettre à l'écart parce que leurs goûts ne sont pas les mêmes que ceux des dirigeants de son pays au régime totalitaire. Les pédagogies différentes de ces grands maîtres (le maître de David ne disait pas « Recommencez ! » mais « Nous allons nous arrêter et y réfléchir »).

Les grands concours, où l'on se demande si l'on juge les candidats ou leurs maîtres.

Et bien sûr, la musique et la passion pour la musique.

Et j'en passe.

J'ajouterai que l'oeuvre est complète: en plus d'être pris par l'émotion et la richesse du contenu, on est également pris par une sorte de suspense que l'auteur maintient avant de nous dévoiler les détails de l'événement qui a mis l'Opus 77 au centre de la vie de David.

Voilà tout ce m'a touché dans ce magnifique texte d'Alexis Ragougneau. Mais vous y trouverez sans doute d'autres trésors car moi, j'ai très probablement manqué quelque chose en accordant trop peu d'importance à l'Opus 77 lui-même, alors que l'auteur explique qu'il a voulu « retranscrire l'émotion qui peut nous bouleverser à l'écoute de l'oeuvre ». Chaque mouvement du concerto donne son titre à un chapitre du livre. D'autres lecteurs ont relaté sur Babelio combien ils ont été touchés par la musique dans le récit.

Bref, précipitez-vous sur ce magnifique texte, qui m'a touché autant que ceux d'Alessandro Baricco ! J'espère qu'Alexis Ragougneau, qui fut d'abord auteur de théâtre, nous offrira d'autres textes de la même. Mais peut-être qu'il l'a déjà fait... Je m'en vais l'ajouter sur ma pile !
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Chez les Claessens, il y a le père, ancien pianiste et chef d'orchestre, la mère Yaël, soprano qui ne chante plus, le fils David qui a choisi le violon et s'est enfermé dans un bunker, et la fille Ariane, pianiste de renommée internationale qui se fait la voix d'une famille tout autant unie qu'éclatée par la musique. Paradoxalement, le point de départ se situe au moment des funérailles du père où seule Ariane, la fille, est présente. Elle joue l'Opus 77 de Chostakovitch dont on comprend très vite qu'il rythme les nombreux drames de la famille Claessens. « Jamais peut-être musique n'a davantage symbolisé le combat de la lumière face aux forces obscures. » (p. 164) À mesure que la partition se déroule pendant l'office funèbre, Ariane remonte ses souvenirs. Elle parle de son admiration sans bornes pour son père et de son amour inconditionnel pour son frère. Après la disparition volontaire de ce dernier, elle a tout fait pour attirer son attention, le faire sortir de sa retraite. Dans cette famille d'artistes, on ne sait que jouer à en mourir parce que c'est la seule façon de vivre. « le vrai virtuose mondial, c'est celui qui a peur à s'en pisser dessus et qui avance seul devant trois mille spectateurs pour jouer du Ravel, Chopin, Rachmaninov, sans ciller. » (p. 23)

Je découvre Alexis Ragougneau avec ce texte et je suis immédiatement sous le charme. Immense violence, intense souffrance, entre silence et démence, chaque mot sonne juste et compose un opéra tragique d'excellente facture. En faisant de l'Opus 77 une oeuvre maudite à plus d'un titre, l'auteur donne à la partition une nouvelle profondeur : on l'écoute différemment, peut-être plus intensément. On la ressent au coeur et on voudrait la vivre. Mais pour rien au monde je ne voudrais être à la place du soliste. le roman d'Alexis Ragougneau est sans aucun doute un de mes chouchous de la rentrée littéraire.
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J'ai été très sensible à ce roman.
Touchée par la puissance infinie et le pouvoir de la musique qui en émanent.
Une musique tellement bouleversante, à en perdre la raison, à devenir fou, et tellement au-dessus de tout ; et "qui élève l'âme".

En Suisse, lors de la messe des funérailles du célèbre chef d'orchestre Claessens, sa fille Ariane, pianiste concertiste de renom, est sur le point d'interpréter seule au piano le concerto n°1 de Chostakovitch pour violon et orchestre, le fameux "opus 77".
Le monde de la musique classique est réuni, sauf le fils prodige David, violoniste talentueux, grand absent, qui vit reclus dans son bunker...

Le récit dépeint, à travers le fil des souvenirs déroulé par Ariane, une famille de virtuoses (père, mère, fille, fils) broyée par le père d'une intransigence excessive et par la complexité des relations.
Dans cette famille où la musique est dévorante ou destructrice telle une passion, une tragédie grecque, l'excellence est exigée.
Amour et haine s'expriment de façon toxique, névrosée, les fêlures sont profondes.

Alors laissons s'enchaîner les cinq mouvements de l'opus 77 : nocturne, scherzo, passacaille, cadence et burlesque, et découvrons ce microcosme musical où les silences sont autant fondamentaux à la musique que parfois maudits...

Solitude singulière de l'artiste.
Rapport fusionnel à l'instrument.

Roman riche, sombre et profond.
Éclairé par la beauté magique de la musique.

Je trouve la couverture de l'édition poche très belle, reflétant bien l'esprit du roman.

"Quand la main du pianiste est en souffrance, alors c'est le monde entier qu'il faut repeindre en noir".

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Un très beau roman dans lequel l'intensité de l'histoire se mêle à l'émotion de la musique.

Lors des funérailles de son père, Ariane, pianiste de grand renom, décide de jouer l'Opus 77, le concerto pour violon de Chostakovitch : un choix qui peut paraître déconcertant voire choquant aux yeux de l'assemblée venue assister à l'enterrement du grand chef d'orchestre, mais qui revêt une dimension symbolique très forte.
Avec ses cinq mouvements, l'Opus 77 va servir de fil conducteur à Ariane pour dérouler l'histoire de cette famille de musiciens de talent, peu à peu détruite par la tyrannie du père, Claessens. L'orgueil et l'emprise de cet ancien pianiste reconverti en chef d'orchestre s'accroissent avec son succès, jusqu'à en devenir écrasants.
Les effets de cette évolution sont dévastateurs pour les membres de sa famille :
Tout d'abord la mère, Yaël, une cantatrice lumineuse qui s'éteint peu à peu jusqu'à sombrer dans le mutisme et la folie.
Puis David, le fils rebelle, qui dès l'enfance fait un affront à son père en choisissant le violon plutôt que le piano. D'une très grande sensibilité, ce violoniste prodige va soudainement se couper du monde en se retranchant dans un bunker. Les relations entre le père et le fils sont jalonnées par l'amour et la haine. Véritables instants de grâce, les deux scènes où les deux hommes parviennent à communiquer à travers la musique sont d'une beauté bouleversante.
Et enfin, Ariane, l'enfant modèle qui joue le rôle qu'on lui a assigné sans se plaindre, qui a suivi les pas de son père en devenant une pianiste au succès international, qui prend soin de sa famille. Mais en dépit de sa réussite éclatante, la jeune femme est très seule, cachant sa vulnérabilité et ses blessures derrière un masque de froideur, toujours dans le contrôle d'elle-même.

Dans son récit, Ariane nous emmène aussi dans les hautes sphères de la musique classique et de ses concours, où seuls quelques musiciens parviennent à sortir du lot, au prix de grands sacrifices et d'un travail acharné pour atteindre l'excellence. Elle nous fait découvrir l'envers du décor de ce monde où la compétition est impitoyable, et où « la meute » peut anéantir en un instant une carrière.
J'ai aussi été très émue par le personnage de Krikorian, le professeur arménien, et par son histoire.

Je ne suis pas une grande amatrice de musique classique, et pourtant les notes de l'Opus 77 m'ont accompagnée tout au long de ma lecture. Ce concerto est comme le roman d'Alexis Ragougneau : superbe.

Lu dans le cadre du prix des lecteurs du livre de poche 2021
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Opus 77
Nul besoin d'être mélomane ou musicien pour savourer chaque ligne de cet extraordinaire roman écrit comme une partition à quatre portées dont chaque clé s'ouvre sur un univers envoûtant, célébrant la musique sous toutes ses formes….
Petit orchestre familial avec, à la baguette, Claessens, pianiste déchu qui régente et domine de sa stature de grand Commandeur, Yaël, sa cantatrice d'épouse, David, enfant prodige violoniste et Ariane, pianiste virtuose et narratrice qui joue sur son clavier les tranches de vies de chacun d'entre eux.
De la rencontre de ses parents au renoncement de son frère, de sa quête personnelle du bonheur qu'elle essaie de puiser dans la musique (son refuge), sans y trouver le réconfort espéré, à ses récitals course folle à travers la planète, on assiste ici à la lutte d'Ariane pour recréer l'harmonie de sentiments et de pensées d'un noyau familial éclaté par l'ambition, la folie et les non-dits.
Et c'est beau comme une tragédie shakespearienne, la musique en sus…. et quels invités d'honneur !! Listz, Ravel, Saint-saens,Tchaikovsky, Bartok, Prokofiev , et bien sûr Chostakovitch...dont l'Opus 77 est l'invisible lien entre le père et les deux enfants surdoués.
On notera au passage le personnage (magnifique) de Krikorian, violoniste arménien brisé par le système, figure emblématique et presque christique de ce monde impitoyable où l'académisme musical confine quelquefois à la dictature….

Quel immense talent d'écrivain il faut pour recréer avec autant de justesse et d'authenticité, comme si on en était les spectateurs avertis, l'ambiance de ces répétitions, de ces concerts, de ces récitals, de ces concours internationaux épuisants et quelquefois inhumains et mêler aux épisodes romancés des vérités historiques (le concert d'Horowitz au Japon, l'excommunication musicale de Chostakovitch par la gent stalinienne), nous faire partager le ressenti des virtuoses et enfin, nous inciter à découvrir des oeuvres d'exception…
Merci à Alexis Ragougneau pour ce morceau de bravoure littéraire, aux éditions Hamy pour l'avoir publié et à Babelio pour avoir créé la Masse critique.
Lire, est un cadeau.
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Ariane Claessens, pianiste internationale, enterre son père, chef d'orchestre reconnu. Alors qu'elle est au piano pour jouer l'Opus 77 – célèbre concerto pour violon de Chostakovitch – le jour des funérailles, elle nous conte son histoire : celle d'une petite fille qui a grandi dans l'univers rigoureux et impétueux de l'apprentissage de la musique, et d'un grand frère, David, qui a préféré se retirer du monde. La disparition de leur père va renouer ce contact perdu. Si Ariane a réussi dans la musique, David – qui en avait toutes les qualités – a été brusqué et a perdu toute confiance…

Ce roman épouse effectivement les différentes parties du concerto. On suit les différents thèmes, les variations. le tempo est effréné, puis quelques points d'orgue viennent prolonger la pensée des personnages. Ce roman permet de voir la dure réalité de ce métier : l'endurance de l'apprentissage, les professeurs qui peuvent parfois être odieux, la pression de la réussite, la sélection des concours… Opus 77 est bien ici une oeuvre musicallittéraire, où la voix du soliste, l'auteur ne fait plus qu'un avec l'orchestre, ses personnages.
Lien : https://hipelos.home.blog/
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J'ai tellement aimé ce livre, que cela fait plusieurs jours que je repousse la rédaction de mon avis. Je ne veux pas l'abîmer, je veux rester encore un peu avec cette mélodie dans la tête. Quiconque a déjà joué seul, devant tous, une pièce musicale difficile, peut comprendre comme j'ai lu ce livre. Pratiquement en apnée, ne mettant ma respiration qu'au service de l'histoire, comme lorsqu'en temps que flûtiste je ne mettais ma respiration qu'au rythme du morceau. Je ne sais pas si l'auteur est musicien, mais lire ce livre lorsqu'on l'est un minimum, c'est passer quelques heure avec cet Opus en arrière plan. Et pourtant, je n'ai jamais trop aimé Chostakovitch, un peu trop répétitif. Mais Alexis Ragougneau a réussi, avec uniquement des mots, sans une note, à me faire vivre une interprétation tellement grandiose que j'en suis venue à l'aimer.

En dehors de ce point musical, même s'il est central, il faut aussi saluer la construction du livre, qui suit la construction de l'oeuvre. Cet auteur viendrait du polar, vous savez, le genre de livre qui nécessite d'accrocher le lecteur pour qu'il tienne jusqu'au bout. Il réussit ce même tour de force dans ce récit, alors même qu'on pourrait croire que tout est dit dès les premières pages. Loin de là. Comme un thème se multiplie, s'enrichit, et revient parfois simplifié au cours d'un concerto, ce roman se complexifie, s'assombrit, puis s'illumine, nous éclaire au fil des pages. Chaque personnage a sa raison d'être, chaque personnage a sa partition à jouer. Même ceux qui n'interviennent que très peu. le silence est essentiel dans la musique, tout comme il l'est parfois dans la littérature.

Enfin, bien que ce soit un roman musical, et bien construit, je saluerai aussi ce roman d'une femme. Car c'est bien une femme qui est centrale, Ariane, la pianiste. L'accompagnatrice. Celle qui avance dans l'ombre, celle qui se bat contre le silence, et celle qui prend la place centrale ensuite. Voilà bien un des rares instruments qui peut se retrouver tout à la fois central, indispensable, et pourtant en arrière plan. Rien que pour cette femme ce roman est intrigant.

Je terminerai en disant que j'espère ne pas avoir abîmé ce livre magistral, et je vous envoie écouter cet Opus 77. Beaucoup l'ont joué, j'ai une préférence pour l'interprétation d'Hilary Hahn, mais à vous de choisir!
Lien : https://stephalivres.wordpre..
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Je viens de refermer ce livre,cette dernière note et en suis toute bouleversée.
Cette musique des mots,des accords,des désaccords au violon,sur un clavier,entre les membres de cette famille m'ont emporté,m'ont surélevé dans les hauteurs mais aussi les bas-fonds de l'esprit humain empli d'émotions...entre paradis et enfer...
Quelle belle partition de la vie,une vie de musique... et l'opus 77 qui résonnera pour longtemps dans mon esprit.
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