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L'ethnie des Kawésqars, soit des « Hommes », encore appelés Alakalufs, a aujourd'hui disparu. Installé sur la Terre de Feu depuis plus de six mille ans, ce peuple nomade de la mer vivait sur des canots le long du versant pacifique des Andes méridionales, dans un redoutable labyrinthe de chenaux et de fjords reliant une multitude d'îles et de presqu'îles inhospitalières, sous un climat instable et glacial, réputé pour la violence de ses tempêtes et la permanence de ses intempéries. Lorsque Magellan « découvre » cette région en 1520, le choc culturel est une déflagration pour ces Amérindiens restés à l'âge de pierre dans un complet isolement. La colonisation de leur territoire ne commence réellement qu'au cours de la seconde moitié du 19e siècle, mais entre les maladies, les persécutions et l'incompatibilité des deux mondes qui se rencontrent, leur population est quasiment anéantie en quelques décennies seulement. Elle finit par s'éteindre inexorablement au cours du 20e siècle.


Sensibilisé par ses voyages au sort de ces diverses populations que la modernité voue à la disparition, l'auteur n'a jamais pu oublier le canot kawésqar et ses misérables occupants, croisés en Terre de Feu en 1951. Ses explorations de témoignages historiques l'ayant choqué par leur manque total d'empathie envers ces êtres trop primitifs pour demeurer humains aux yeux de leurs observateurs, il entreprend ici de leur rendre hommage dans un récit romanesque, construit à partir des connaissances de l'ethnologue José Empéraire mais aussi de ses propres recherches et réflexions, et destiné à nous faire imaginer et ressentir le point de vue de ces hommes et de ces femmes, jetés directement du paléolithique à l'ère moderne.


Si la somme de leur ahurissement et des incompréhensions mutuelles prêtent parfois à rire, l'histoire de leur confrontation à nous, les hommes modernes, est une tragédie accablante qu'on ne peut lire qu'étreints d'un mélange d'effroi, de tristesse et de honte. Pourtant longtemps et dramatiquement éprouvés par l‘environnement naturel dantesque où les Kawésqars évoluaient à leur aise, les colons ont, là comme ailleurs, tiré parti sans vergogne du déséquilibre des forces en leur faveur. Mais, entre les indigènes et les Pektchévés – les étrangers -, c'est surtout l'irrémédiable incapacité à communiquer et à se comprendre que Jean Raspail met en évidence, au fil d'épisodes tous plus confondants les uns que les autres. Souvent cruelle comme lorsqu'elle transforme en bêtes de foire les individus qu'elle emmène en Europe sans se préoccuper de leur terreur si loin de leurs repères, ou encore stupide quand elle déplore leur sur-mortalité sans se sentir responsable des épidémies qu'elle leur inflige, naïve aussi dans ses tentatives d'évangélisation et d'éducation à l'emporte-pièce, la « civilisation évoluée » se montre incapable de sortir de ses référentiels, de faire preuve d'empathie, et tout simplement, d'humanité.


Aussi passionnante que consternante, cette étonnante confrontation entre deux mondes séparés par plusieurs millénaires d'évolution a de quoi faire réfléchir. Ferions-nous mieux aujourd'hui ? On peut en douter. Mieux vaut sans doute que notre route ne croise jamais celle d'éventuels extra-terrestres, à moins que ces derniers n'aient quelque avance sur nous en matière d'humanité et d'empathie… Coup de coeur.

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Lire Jean Raspail est déjà un privilège. Bien sûr, tout un chacun peut se saisir d'un de ses livres et il découvrira, au-delà d'une écriture très riche, la force du témoignage d'un homme qui aime le voyage et l'humain. Mais Jean Raspail sort des sentiers convenus du roman et livre, me semble-t-il, autre chose : une empreinte d'humanité et de poésie, tragique pour celui-ci, mais si prenante.

Son texte est court, mesuré, ciselé, il emmène immédiatement le lecteur à bord d'une pirogue où les ultimes survivants d'un peuple se serrent les uns contre les autres, emportés vers une destinée inexorable, celle de la mort et de la disparition de leur peuple.

Ces Hommes, les Alakalufs, qui vécurent aux confins de la Patagonie, à l'extrémité de la Terre de Feu, sont confrontés à toutes les puissances dévastatrices de la nature, violence de l'océan et de ses tempêtes, froid glacial de ces contrées extrêmes, pénurie alimentaire, bref une survie de chaque jour qui mène peu à peu vers la fin inéluctable de leur peuple.

Jean Raspail, par son écriture flamboyante, grave dans nos mémoires le destin de Lafko et des siens. Ainsi, si on a lu ce livre bouleversant par moments et même dans son ensemble, on se souviendra de cette lecture et des Hommes. Et on pourra dire à Jean : merci de m'avoir fait connaître les Alakalufs, je m'en souviendrai.
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J'ai lu plusieurs livres de Jean Raspail ( le Président, L'anneau du pêcheur, le camp des saints ). Ce livre est celui que je préfère, et de loin . C'est une parabole de la condition humaine, les Alakalufs c'est nous, jetés sur cette coque de noix perdue dans L Univers qu'est notre petite planète que nous nous acharnons à détruire. Ce livre m'a mis des images magnifiques dans la tête, les paysages austères, grandioses, glacials de la Terre de feu et les malheureux indiens nus condamnés par un Dieu indifférent à y vivre et à y mourir petit à petit jusqu'au dernier, jusqu'à ce que leur souvenir lui même disparaisse de la mémoire des autres hommes, de toute façon eux aussi condamnés à disparaître dans un hiver nucléaire ou la canicule fatale du réchauffement climatique.
On a dit parfois que le camp des saints était un livre prophétique, je pense plutôt que le vrai livre prophétique de Raspail c'est celui-ci.
Un cinéaste pourrait faire un grand film à partir de cette oeuvre magnifique et inspirée (mais j'imagine mal un producteur assez fou pour tenter de financer une telle adaptation !)
"Le ciel se brise en pluie d'étoiles dans un vacarme d'épouvante. La nuit resplendit d'éclairs rouges et de lueurs de feu. Les glaciers fondent. Les montagnes se fendent. Réfugié au bord de sa grève, sur le dernier coin de sable encore sec, Lafko voit passer des vagues énormes charriant des carcasses de navires comme si une tempête formidable avait arraché du fond des mers toutes les épaves des temps anciens.
[ ... ]
Tout est calme désormais. Lafko marche sur des nuages, environné de silhouettes blanches qui lui font escorte par milliers et dont le ciel est entièrement peuplé. Enfin, une voix lui dit :
" Te voilà. Sois le bienvenu chez toi, Lafko. C'est vrai que tu es petit et laid, que tu as l'intelligence misérable, que tu sens mauvais, que tu es sale.
" Mais voit comme tu me ressembles ".
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"Qui se souvient des Hommes ?" est un beau et très sombre roman. Il évoque les Alakalufs (« Les hommes », en dialecte autochtone), une peuplade en voie de totale extinction dont Lafko est le dernier représentant. Sur un mode presque épique, l'auteur évoque l'obscur passé de cette tribu d'Amérique, repoussée de plus en plus loin vers le Sud, finalement arrivée à l'extrémité du continent: en Terre de Feu. Une contrée rude, oubliée des autres peuplades, où les conditions de vie sont très difficiles. Mais les Alakalufs s'y sont adaptés et ont vivoté dans leur solitude pendant des siècles et des siècles. Un jour, pourtant, leur isolement a été troublé par l'arrivée d'étrangers. Les premiers à découvrir cette contrée hostile, ce sont les hommes de Magellan pendant leur tour du monde. Puis sont venus progressivement d'autres Européens, navigateurs, géographes, colons... le contact avec ces nouveaux venus est dévastateur pour les Hommes, qui perdent leur autonomie et leurs repères culturels. Et c'est le déclin qui s'installe peu à peu, jusqu'à la complète extinction. La tragique agonie de ce petit peuple est dépeinte comme si c'était la mort d'un homme. L'ambiance crépusculaire que l'auteur a su créer est vraiment saisissante. Je ne peux pas dire que j'ai "aimé" ce livre très pessimiste, mais il m'a laissé des souvenirs impérissables. Evidemment, la disparition des cultures indigènes - par exemple celle des Indiens de l'Amérique du Nord - est une question très générale, qui est de plus en plus débattue après avoir été trop longtemps ignorée. Mais le propos du livre ne relève pas d'une critique anti-impérialiste, ni d'une utopie des "bons sauvages". Il renvoie plutôt à un questionnement métaphysique sur la vie et la mort des civilisations.

L'auteur, Jean Raspail (né en 1925), est un écrivain atypique, éloigné des modes littéraires, qui s'est particulièrement intéressé à la Patagonie. Il est resté peu connu du grand public, malgré les prix qu'il a obtenus pour ses romans." Qui se souvient des Hommes ?" est paru en 1986.
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Ce roman est sorti en 1986, et rarement un titre convient aussi bien que celui là au texte.
Le nom actuel des hommes rencontrés par J.Raspail en Terre de Feu est "Alakalufs".Il nous fait vivre l'épopée malheureuse d'un peuple qui se retrouve au bout du monde à force d'être repoussés par ne nouveaux arrivants; Ils vivent dans des canots et dans des conditions apocalyptiques, ils sont de moins en moins nombreux, bientôt ne restera que Lafko, le dernier des hommes.
Ce roman lu et relu reste gravé dans la mémoire et prend soudain dans notre siècle une autre dimension, comme un présage venu de l'Histoire peut-être.
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Jean Raspail nous emmène très loin avec cet ouvrage, au fin fond de la Patagonie, chez les Alakalufs, premiers habitants de la Terre de Feu. Un peuple nomade qui vit sur un canot au gré des éléments (souvent hostiles) et survit grâce aux phoques, aux baleines et aux sternes, en toute quiétude depuis des milliers d'années. Mais voici que la civilisation salvatrice arrive avec les grands navigateurs ! La prostitution, l'alcool, les conversions forcées viendront à bout de ce peuple millénaire.
Une splendide histoire terrible et bouleversante sous la plume cinglante de Jean Raspail : grâce à lui, je me souviendrai de ces Hommes.
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«  (…) On s'aperçoit qu'on a trop ri et qu'on aurait pas dû tellement rire. A grand coup d'aviron les sauvages regagnent le pays de la détresse. Des enfants se tiennent au fond du canot, accroupis devant un maigre feu de bois qui ne fume plus qu'il ne chauffe. Les regards ont de la peine à se dépendre. Ceux des Indiens , à ce moment là, expriment une mélancolie animale insoutenable. Cela ne fait aucun bruit, sinon au fond de l'âme de chacun où éclate silencieusement le tumulte que produit la fission du temps. »

D'aucuns ont pu, par le passé, critiquer ce livre arguant qu'il manquait d'humanité. Il convient de le remettre dans son contexte. Raspail a réellement croisé le dernier canot des Alakalufs, ces Hommes, nomades de la mer, dont la litanie des noms perdus se rajoutent aux exactions héroïques de blancs civilisés…
Des milliers d'années séparent Lafko de la civilisation des derniers de nos siècles. Son évolution ne lui permet pas l'élaboration de sentiments, de projections… Lui et son peuple sont Hommes, de l'instant, de la vie, et cela leur suffit.
Aussi, quand les voiles, puis les moteurs des blancs apparaissent aux confins de ce monde infiniment désolé, se verront-ils emportés par une fracture temporelle impossible à gérer pour eux.

L'écriture est puissante, ensorcelante, à la hauteur de ces paysages indociles et de ces Hommes égarés. Aucun musée, aucun récit ni de Byron, ni de Darwin, ni de Bougainville ne touchera le tréfonds de notre âme autant que ces mots jetés en détresse.
Qui se souvient des hommes ? Très peu.
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« Qui se souvient des Hommes ? »
Avec un titre comme ça, on peut s'attendre à un exposé philosophique sur la destinée humaine, tels qu'en auraient pu écrire Sartre ou Camus ou Malraux ou Saint-Exupéry, ou tels qu'auraient pu l'illustrer des poètes comme Eluard ou Aragon (« Est-ce ainsi que les hommes vivent »). Il y a bien sûr un peu de cette poussière d'humanité dans ce roman : Les « Hommes » sont bien sûr un des composants de l'Univers, mais les composants uniques de « l'Humanité »
Mais les « Hommes » dont il est question ici répondent à une définition beaucoup plus restreinte : c'est le nom que se donnent entre eux des indigènes de la Terre de Feu, en voie de disparition, victimes de la civilisation, et de leur propre incapacité accepter une autre existence que la leur.
Le roman – car c'est un roman, bien que basé sur de solides références historiques – retrace l'épopée des Alakalufs (tel est leur nom moderne) ou Kaweskars (qui signifie littéralement « Les Hommes »), depuis cinq siècles : poussés sans cesse par des invasions, des persécutions, des guerres, des génocides, du nord au sud du continent américain, ils finissent par échouer au bout du monde (Jules Verne y situera son roman « le Phare du bout du monde ») : la Terre de Feu, ou plus précisément sur cet archipel d'îles désolées disséminées entre le Cap Horn et le détroit de Magellan. le roman raconte l'histoire du dernier de ces « Hommes », Lafko, qui cherche désespérément un endroit pour mourir.
« Désespérément » est le mot juste : ce qui ressort de ce roman terrible, immensément émouvant, c'est la double sensation d'un froid glacial, accompagné de vent et de tempête (le climat quotidien des « Hommes »), et d'une « désespérance » atroce. Désespérance plus que désespoir : le désespoir existe en réaction à une situation précise, et reste limité dans le temps ; ici la désespérance fait partie de la vie des Alakalufs, au même titre que le malheur, ou le froid, ou la mort. Au point que leur langue (oui, ils ont quand même une langue) ne compte pas de mot pour exprimer la joie, le bonheur ou même la beauté.
Tout est né d'une scène, en 1951, quand l'auteur a croisé, à l'occasion d'un voyage dans cette région, « sous la neige, dans le vent, l'un des derniers canots des Alakalufs. Je ne l'oublierai jamais. Cette rencontre au carrefour des temps est le fondement de mon livre : quelques braises au centre du canot pour faire renaître le feu, deux femmes en haillons, un enfant triste, trois rameurs aux yeux d'outre-monde… D'avoir mesuré le fossé qui me séparait de ces malheureux m'en a justement rapproché ».
Cela reste un roman : Lafko personnifie à lui tout seul tout son peuple. Les autres personnages (parfois historiques, comme Charles Darwin) sont remaniés. de la même façon, l'auteur évoque avec douleur l'échec de la conversion (au christianisme) de ces « sauvages » : leur refus de la civilisation est lié de façon très nette au refus de la religion : ils sont dans l'incapacité de croire à un dieu bon et miséricordieux, ces notions leur étant tout à fait étrangères.
Parmi tous les romans que j'ai lus (en 70 ans, ça commence à faire un sacré nombre !) rarement un livre m'aura fait un tel effet, m'aura autant navré le coeur, autant « glacé » presque physiquement, et encore plus mentalement… Un livre terrible qui ne peut pas vous laisser indifférent. La 4ème de couverture conclut : « C'est une immense et terrible histoire. Et c'est un livre comme il n'en existe pas aujourd'hui, et dont on sort transformé ».
Transformé, peut-être. Bouleversé, à coup sûr.


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Ce livre lu il y a plus de 20 ans m'a bouleversé! Tant de souffrance humaine générée par d'autres humains....Et puis les conditions de vie épouvantables que doit traverser l'humanité ,je me suis demandé si cela en valait la peine ....

Mais quelle écriture ,que du bonheur !Merci Monsieur Raspail
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En 1951, lors d'un voyage, Jean Raspail a croisé la route d'un des derniers canots Kaweskar. de cette rencontre est né ce livre, nourri par les travaux de José Emperaire – seul ethnologue (à l'époque du moins) à s'être consacré aux habitants du détroit de Magellan. C'est un roman aussi touchant que passionnant, qu'il m'a beaucoup plu de pouvoir comparer aux récits de voyage de Duplessis. D'un côté une vision romancée, romantique et érudite, basée sur des études scientifiques accomplies à la toute fin de l'histoire. de l'autre, effectuées presque 300 ans plus tôt, les simples observations précises et distanciées d'un esprit scientifique sans lien particulier avec ce qu'il découvre. le décalage est assez impressionnant, et l'on en viendrait presque à se demander parfois si c'est bien du même lieu et du même peuple que parlent les deux hommes... Or, ce genre de décalage me fascine : j'aime comme les choses deviennent mobiles et changeantes dès que deux regards se croisent au-dessus d'elles.

Au roman de Jean Raspail, je ne reprocherais guère que l'inclusion de Dieu et d'un dessein divin dans le fil de l'histoire, pour la rendre moins tragique. Même en argument romanesque, j'ai du mal à trouver ce genre d'idée autre chose que naïve, mièvre, faiblarde et agaçante, mais en l'occurrence elle m'a moins horripilée qu'elle ne l'aurait pu. La magie noire des paysages, le pouvoir de fascination de ce peuple en marge de l'histoire, l'intérêt des nombreux personnages - géographes, navigateurs, savants... - qui interviennent dans leur destin, rendent ce défaut assez facile à oublier, pour savourer ce qui reste un très beau roman.
Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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