Laure Grenadier est une journaliste très connue, rédactrice en chef de la revue « Plaisirs de table ». Elle emmène son photographe Paco à Lyon, pour un reportage sur les célèbres « bouchons ». Mais, malheureusement pour eux, les grands chefs qu'ils comptaient interviewer se font assassiner d'une atroce façon. Y aurait-il un tueur en série spécialisé dans la gastronomie ?
J'aime beaucoup les bandes dessinées qui mettent en scène les plaisirs de la table : vin, chocolat, bière... C'est pourquoi cette série m'a tentée.
Il y a quelque temps, j'avais écouté avec intérêt une émission d'histoire centrée sur les « mères » à Lyon, un monde que je ne connaissais pas du tout. J'y avais appris que des cuisinières, renvoyées à cause de la crise dans les années 30, par les familles qui les employaient, avaient ouvert de modestes restaurants portant leur nom : la mère Brazier, la mère Fillioux, ou encore la mère Léa (une vraie personnalité qui allait faire les courses avec un caddie surnommé « Pouêt Pouêt » et un écriteau « Faible femme, mais grande gueule »). Ces enseignes ont connu un grand succès et leur tradition s'est perpétuée. J'étais curieuse de découvrir comment ce monde avait été transformé par le neuvième art.
J'ai déjà eu l'occasion d'apprécier les dessins de
Denis Chetville, et j'étais ravie de les retrouver ici. Beaucoup de plans larges permettent d'admirer les paysages et la ville de Lyon, alors que des gros plans nous font saliver en se focalisant sur les spécialités que préparent les grands chefs et que nos journalistes chanceux photographient avant de les goûter.
Laure est incollable sur l'histoire culinaire et c'est très intéressant pour le lecteur de l'écouter, tout comme le fait Paco, lorsqu'elle explique l'origine du mot « bouchon » ou raconte l'évolution de la cuisine élaborée par les « mères ». Les couleurs utilisées par
Antoine Quaresma à ces moments tranchent sur le reste de l'album en faisant penser à de vieux documents en sépia.
Paco est envoyé immortaliser l'empire d'un des restaurateurs les plus connus au monde, Paul Bocuse. En suivant le reporter, nous avons l'occasion d'admirer l'endroit dans ses moindres détails, car, en réalité, peu d'élus peuvent se payer une cuisine d'aussi grand luxe !
Parfois, des vignettes angoissantes présentent quelques détails des corps, les victimes sont frappées dans le dos par une main anonyme, et ensuite, on découvre leur cadavre supplicié. En revanche des moments d'humour détendent l'atmosphère. Nos deux héros vont parler avec Gilles Mandrin, le patron du « Gros Poussin », dont l'enseigne figure un volatile obèse coiffé d'une toque de chef. Des moments complices, où Laure et sa fille Amandine soignent un coup de blues en se préparant une orgie de madeleines au chocolat. Des moments raffinés nous convient à la table de « La mère Brazier », où Laure et son ami Jean-Philippe dînent en habit de gala, sirotent un grand cru et partagent une poularde demi-deuil.
L'intrigue policière se suit avec plaisir, mais ce n'est pas, à mon avis, le principal intérêt de l'album qui m'a beaucoup plu et dont je vais m'empresser de découvrir le deuxième épisode.