En ce mois de novembre, ce mois de novembre centenaire de l'armistice, en ces temps troublés et de plus en plus nationalistes, un livre s'impose à la lecture de tous.
L'ouvrage est dédié, en haine de la guerre, à Charles Müller qui y perdit la vie.
C'est un roman : "Les drapeaux" de
Paul Reboux.
A sa parution, en 1921, son auteur a dû se faire bien des ennemis.
Tant pis pour eux !
Jacques Réal est un célèbre auteur dramatique.
Chroniqueur avisé, il est pressenti dans certains salons pour "l'Académie".
Jeté dans la guerre comme caporal-chef, il en est sorti indemne et épargné.
Et comme si de rien n'était, il a repris sa vie mondaine.
Mais ...
Paul Reboux, ici, ne se sent pas une âme d'amuseur.
Sentant que là est le devoir de chaque homme qui tient une plume, il a voulu prouver que la guerre est immonde et que tout être se doit de la rendre méprisable, quelle qu'elle soit.
"Les drapeaux" est un livre profondément pacifiste.
C'est une réflexion, sur la guerre, sur les hommes qui la firent, sur ceux qui en profitèrent, sur les femmes qui en souffrirent et sur celles qui l'encouragèrent.
C'est un livre tellement contraire à ce que l'on a coutume d'entendre et de répéter, mais pourtant tellement sincère et juste.
Entre foie gras rosé et crème au kirsch, il s'ouvre avec un dîner mondain, sur fond de haine de l'allemand et d'enrichissement par la guerre, .
Il se poursuit par un défilé de "gueules cassées".
Le propos est sans concession.
Il se fait accusateur.
Le roman devient pamphlet.
Mais c'est un livre de bonne foi et d'intelligence.
C'est le parcours d'une âme, l'évolution d'un écrivain qui jusque-là s'imposait des concessions pour obtenir le succès, les honneurs et l'approbation du grand public.
Derrière
Jacques Réal, on ne peut s'empêcher d'apercevoir la silhouette de
Paul Reboux qui, en 1951, fut un des fondateurs de "La voix de la paix".
"Les drapeaux" est une profonde réflexion.
C'est un livre moderne où Reboux expose de grandes idées qui peuvent choquer aujourd'hui encore certains esprits étriqués.
Rien ni personne n'y est épargné : la presse, la banque, la politique, les combattants enivrés par le sang, les profiteurs de guerre, les grands auteurs bellicistes, l'épouse, la mère qui n'ont pas prêché la révolte et l'insoumission ...
Le patriotisme y est disséqué et réfléchi.
Ne faudrait-il pas instituer son procès ?
Doit-il inévitablement provoquer le rejet de l'autre ?
"les drapeaux" est un roman en deux tomes.
Ce premier volume est un récit fort et sensible, bien écrit.
Paul Reboux s'y révèle comme un auteur courageux, humain et éclairé.
Et l'instant de sa lecture vaut largement le temps d'une commémoration menée à la télévision par quelques chefs d'états chafouins ...