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EAN : 9782081410695
425 pages
Editions Arthaud (17/05/2017)
4.03/5   17 notes
Résumé :
« À mesure que grandissent notre savoir et notre puissance matérielle, notre volonté d'homme se manifeste de plus en plus impérieuse en face de la nature. »Si l'homme était plus attentif à la beauté de la nature, il cesserait de courir et s'arrêterait pour cueillir le bonheur au détour d'un ruisseau. Le modeste ruisseau comme le fleuve majestueux, la cascade légère comme l'imposant glacier deviennent sous le regard d'Élisée Reclus des sources inépuisables de savoir,... >Voir plus
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La figure de Elisée Reclus (1830-1905) est pour le moins tutélaire pour les révolutionnaires français (mais pas que). Géographe anarchiste, végétarien, féministe, il fut de tous les combats d'avant-garde au XIXe siècle. Membre de la Commune de Paris (il est né et mort la même année que Louise Michel), il est rapidement fait prisonnier et enfermé dans pas moins de 14 prisons avant de connaître l'exil en Suisse où il va passer de nombreuses années. La vie de Reclus est d'ailleurs faites d'exils, mais le sujet n'est pas là.

En expert de la nature, Reclus a beaucoup écrit sur elle. Géographe de renom, botaniste, c'est un spécialiste reconnu des sciences naturelles. Dans ce livre (dans ces deux livres, devrais-je écrire), il nous entraîne au coeur de la nature. le XIXe siècle du naturalisme philosophique tourne surtout de nos jours son regard du côté des Etats-Unis, avec des personnages tels que Henry David Thoreau, Ralph Waldo Emerson ou John Muir, alors qu'il suffit de le laisser en place dans la vieille France pour voir en Reclus un contemporain et non des moindres de ces hommes illustres.

Reclus est connu pour avoir été un grand voyageur. Il a parcouru de nombreux pays, plusieurs continents, et surtout il en a exploré la nature, la flore, la faune. Dans « Histoire d'une montagne » de 1880, il nous livre à la fois un guide montagnard, une étude érudite et une bonne tranche de poésie. Ce livre que Kenneth White décrivait comme « Un monde à part » est d'une grande originalité pour son époque et entre directement dans le vif du sujet dès la première phrase : « J'étais triste, abattu, las de la vie. La destinée avait été dure pour moi, elle m'avait enlevé des êtres qui m'étaient chers, ruiné mes projets, mis à néant mes espérances. Des hommes que j'appelais mes amis s'étaient retournés contre moi en me voyant assailli par le malheur ; l'humanité toute entière, avec ses intérêts en lutte et ses passions déchaînées, m'avait paru hideuse. Je voulais à tout prix m'échapper, soit pour mourir, soit pour retrouver, dans la solitude, ma force et le calme de mon esprit ».

Libéré, respirant l'air pur, Reclus expertise. En grand marcheur, il se déplace au gré de ses envies sur les monts escarpés. Il en découvre de très nombreux qu'ici il décrit avec une immense méticulosité en vingt-deux tableaux poétiques sur la magnificence de la nature. Certains d'entre eux, surtout les premiers, s'avèrent particulièrement techniques et peuvent rebuter bien vite le lectorat novice. Mais une fois bien calé dans le récit, le voyage vaut le coup, même si bien sûr il faut remettre les propos dans leur contexte, celui d'un XIXe siècle bien moins avancé en science que ne l'est le monde contemporain.

Nous tenons là un bréviaire de premier ordre sur le minéral, le végétal, l'animal, les roches montagneuses et comment fonctionne une montagne. Celle-ci bouge, se régénère, évolue sans cesse, vit et meurt. « Ces masses énormes, monts empilés sur des monts, ont passé comme des nuages que le vent balaye du ciel ; les assises de trois, quatre ou cinq kilomètres d'épaisseur, que la coupe géologique des roches nous révèle avoir existé jadis, ont disparu pour entrer dans le circuit d'une création nouvelle ». Reclus se plaît à nous conter ses études sur le terrain, en passionné. Dans cette première partie, l'humain est quasi absent, même si Reclus s'applique à remémorer une quelconque tragédie passée causée par une nature toujours en mouvement. Adeptes de minéralogie, ce bouquin est pour vous ! Très érudit sur le sujet, Reclus donne des précisions tant et plus. Il se projette également, devient parfois visionnaire, et parfois à contresens de ce que le monde sera par la suite (je pense à son laïus sur les loups notamment).

Reclus invite la mythologie pour mieux nous faire rêver au sein du paysage, de ces grands espaces qu'il nous décrit, cette mythologie qui fait alors entièrement partie de la poésie. Il en profite pour nous parler du monde, mais celui d'avant, d'il y a bien longtemps, monde qu'il s'imagine, car « Malheureusement l'histoire, qui n'était pas encore née, n'a pu nous raconter tous ces va-et-vient des peuples », il entend par là les peuples végétaux.

L'homme ne s'invite en ces pages qu'au 2/3 du volume environ. Sur les humains, Reclus retient surtout que la montagne est la base des migrations humaines. Il montre d'ailleurs certains vestiges des activités de l'Homme montagnard.

Dans « Histoire d'un ruisseau » (1869) écrit plus de dix ans avant « Histoire d'une montagne », Reclus utilise déjà les mêmes ingrédients, à quelques exceptions près. Texte peut-être moins poétique, en fait plus contemplatif mais avec moins de recherche stylistique. Comme son nom l'indique, « Histoire d'un ruisseau » nous conte la vie liquide, de l'eau dans sa globalité. Reclus ne laisse rien au hasard, il dissèque le sujet avec volubilité : torrents, grottes, fontaines, cascades, inondations, bains, irrigations, fleuves, et j'en passe.

Le désert et son manque d'eau, les autochtones qui en comprennent mieux que nous sa rareté et sa préciosité. À l'inverse, d'après une scène qu'il a personnellement vécue, il décrit les dégâts provoqués par une inondation et un éboulement (qu'il appelle « avalanches d'eau »). Puis il s'étend sur une Histoire humaine teintée de darwinisme.

« Quand on aime le ruisseau, on ne se contente pas de le regarder, de l'étudier, de cheminer sur les bords, on fait aussi connaissance plus intime avec lui en plongeant dans son eau. On redevient triton comme l'étaient nos ancêtres ». C'est cette connaissance que Reclus nous fait partager, dans un texte influencé par les valeurs anarchistes naturalistes d'alors : contemplation, naturisme, respect absolu du monde naturel, observation et liberté partagée, volonté de ne pas gâcher les matières premières. C'est particulièrement vrai dans le chapitre intitulé « L'irrigation » où Reclus met en garde contre le gâchis, le gaspillage.

Sérieux et studieux, Reclus se laisse pourtant aller à évoquer le rapport de l'eau, du ruisseau, avec la navigation, le loisir, même si les activités professionnelles ne sont pas en reste : moulins, industrialisation. « Histoire d'un ruisseau » est un texte où l'écrivain se fait plaisir, il peut laisser une partie de son lectorat dans les champs, un peu loin du ruisseau par ces longues descriptions parfois un peu abstraites si l'on n'est pas sur place. Les sensations, les émotions sont également toutes personnelles, intimistes, mais presque comme jalousement perceptibles uniquement par l'auteur.

L'un des plus beaux moments de cette seconde partie est peut-être celui où Reclus compare les ruisseaux aux fleuves : « La masse entière du fleuve n'est autre chose que l'ensemble de tous les ruisseaux, visibles ou invisibles, successivement engloutis : c'est un ruisseau agrandi des dizaines, des centaines ou des milliers de fois, et pourtant il diffère singulièrement par son aspect du petit cours d'eau qui serpente dans les vallées latérales ».

Ce livre de plus de 420 pages ravira les spécialistes, intéressera les moins aguerris, mais il faudra une bonne boussole pour ne pas se perdre en ces pages. Paru en 2023 chez Libertalia, il est de ces textes historiques qui sont parfaits pour réaliser la vision du monde de la nature par les yeux d'un écrivain du XIXe siècle.

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HISTOIRE D'un RUISSEAU - de sa source d'eaux vives, dévalant les pentes neigeuses des montagnes et des glaciers, d'abord en filet d'eau, en cascatelles, puis en torrent charriant des pierres et des limons, le ruisseau creuse des grottes, des gouffres, des ravins, sculpte des falaises, se charge en minéraux, se transforme en rapides, en cascades, en chutes tourbillonnantes, et forme des fontaines dans les plaines ; le ruisseau par la force et la persévérance de ses eaux ravine et affaisse les montagnes, abaisse les continents, et finalement devenu fleuve, il terrasse de ses limons les estuaires, faisant apparaître de nouvelles terres qu'il fertilise par ses boues d'inondation, avant de se jeter dans la mer.
Comme dans Histoire d'une montagne, Elisée Reclus nous rappelle les incroyables forces géologiques à l'oeuvre, que nous sommes nous, êtres humains, constitués de cette eau primordiale puisque notre corps en dépit de son dur squelette est constitué de 80 % d'eau, et que nous retournons au ruissellement comme les gouttes primordiales constituées de deux molécules d'hydrogène pour une molécule d'oxygène, et que cette eau est indispensable à la vie animale et végétale terrestre. Un ouvrage humaniste à l'écriture magnifique.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
HISTOIRE d'un RUISSEAU - L'inondation, qui ruine ainsi l'espoir du paysan, est un grand malheur, et pourtant, dans ses eaux redoutées, le ruisseau apporte un trésor pour les années à venir : en détruisant la récolte de l'année présente, il dépose de la boue fertilisante qui nourrira les récoltes futures. Le sol de la plaine, constamment sollicité par le travail du laboureur s'épuiserait bientôt si les rochers de la montagne, triturés et tamisés par le flot, ne s'étalaient en couches sur les campagnes pour en renouveler la fécondité. Ainsi que le montrent les sondages géologiques, la terre végétale et le sous-sol tout entier sont des alluvions successivement amenées de siècle en siècle et déposées sur les assises de la roche : aucune plante n'aurait pu germer dans la vallée si la montagne ne se délitait pas sans cesse, et si le ruisseau n'employait pas chaque année ces débris à fournir un nouvel aliment à la végétation de ses deux rives.
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C'est ainsi que la montagne, dont la pointe aurait reçu les réfugiés du déluge, n'a cessé de cheminer à travers les continents. ... Jusqu'en France il est des montagnes où s'est arrêtée l'arche ; un de ces sommets divins est Chamechaude, près de la Grande Chartreuse de Grenoble ; un autre est le puy de Prigue, dominant les sources de l'Aude.
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Faibles comme nous le sommes, nous tâchons de mesurer la nature à notre taille ; chacun de ses phénomènes se résume pour nous en un petit nombre d'impressions que nous avons ressenties.
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