Je n'ai pas lu ce livre dans l'édition présentée ici, mais dans une édition datant de 1979. Je trouve que ce texte n'a pas vieilli. Reclus nous montre un anarchisme assez éloigné des casseurs d'aujourd'hui, mais, peut-être, tout aussi idéaliste, basé sur l'idée que l'espèce humaine n'est pas vouée à l'auto-destruction et à la haine de chacun contre tous, mais a sa place dans l'évolution naturelle de la planète et peut tendre à un idéal finalement assez proche de ce qu'on appelle les "valeurs de la république", liberté, égalité et fraternité, mais avec la vraie volonté d'en faire une réalité et non seulement une inscription au fronton des mairies !
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Excellent ouvrage d'un auteur pour lequel j'ai beaucoup de sympathie !
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Nous n'acceptons pas de vérité promulguée : nous la faisons nôtre d'abord par l'étude et par la discussion et nous apprenons à rejeter l'erreur, fut-elle mille fois estampillée et patentée. Que de fois, en effet, le peuple ignorant a-t-il dû reconnaître que ses savants éducateurs n'avaient d'autre science à lui enseigner que celle de marcher paisiblement et joyeusement à l'abattoir, comme ce boeuf des fêtes que l'on couronne de guirlandes en papier doré.
Il est cependant des esprits timorés qui croient honnêtement à l'évolution des idées, qui espèrent vaguement dans une transformation correspondante des choses, et qui néanmoins, par un sentiment de peur instinctive, presque physique, veulent, au moins de leur vivant, éviter toute révolution. Ils révoquent et la conjurent en même temps : ils critiquent la société présente et rêvent de la société future comme si elle devait apparaître soudain, par une sorte de miracle, sans que le moindre craquement de rupture se produise entre le monde passé et le monde futur. Êtres incomplets, ils n'ont que le désir, sans avoir la pensée ; ils imaginent, mais ils ne savent point vouloir.
En dépit du mot d'ordre, qui consiste à faire semblant de croire, même quand on ne croit pas, en dépit d'académiciens et de normaliens qui doivent à leur dignité de feindre, la foi s'en va et, malgré les agenouillements, les signes de croix et les parodies mystiques, la croyance en ce Maître Eternel dont était dérivé le pouvoir de tous les maîtres mortels se dissipe comme un rêve de nuit.
En cessant de croire, le catholique cesse d'être chrétien ; en changeant de système, le protestant ne fait que changer de secte, il reste chrétien, inconvertissable mystique.