Le conte, au travers de sa perspective poétique, propose souvent (avec plus ou moins de réussite) une thématique multidimensionnelle débouchant sur un plaisir pluriel. Aux premières émotions d'une lecture classique et candide, s'ajoute, pour les plus ambitieux, un bonheur intellectuel consistant à débusquer les sous entendus et à tenter de décrypter les paraboles (chacun n'y trouvant, dans la majorité des cas, que son propre message) pour créer ainsi une connivence jubilatoire (et illusoire ?) avec l'auteur.
Viktor présente certainement toutes ces caractéristiques. Cependant, je me suis régalé à seulement demeurer « naïf ». Dédaignant les aspects allusifs et les éventuelles réflexions sur l'espoir ou la quête identitaire, je me suis abandonné à l'onirisme de cette ballade mélancolique, bercé par le rythme d'une délicieuse linéarité narrative. Magie d'un texte délicat transcendé par l'esthétisme d'une ligne contrastée et nerveuse, scénographie torturée et oppressante d'un univers graphique en noir & blanc (ou plutôt gris, d'un si beau gris) dans lequel les faciès lunaires ou funèbres de personnages Burtoniens reflètent une douce et inquiétante tristesse. Une ambiance somptueuse et sombre éclairée de quelques instants plus lumineux, où, tour à tour, les mots, rares et précieux, se noient ou émergent pour mieux scintiller et nous envoûter.
Les réfractaires à la poésie passeront probablement leur chemin, les autres s'offriront une petite parenthèse de rêve, simple et pourtant magnifique.
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