En réfléchissant aux livres que j'emporterais sur une île déserte, pourquoi n'y avais-je pas pensé avant ? le
dictionnaire historique de la langue française sous la direction d'
Alain Rey est une évidence pour moi. Il est chez moi en permanence ouvert sur une petite table, offert au premier regard qui passe. Et je dois dire, que c'est un vrai bonheur d'observer l'étonnement sur les visages, d'entendre les «ah bon ?», les «ça alors !» les «tu savais ça toi ?»
Chaque occurrence est une petite merveille, et se lit comme un roman. C'est dommage que ce «roman» soit trop long à transcrire.
Donc au hasard, carotte.
Carotte : n.f, d'abord garroite (1393) et carotte (1564), est emprunté au latin carota, lui-même emprunt tardif et populaire au grec karôton, l'un des noms de la carotte - avec staphulinos, dérivé de staphulê «raisin» (staphylo-) peut-être apparenté à kara «tête» (chère)
L'expansion sémantique du mot est tardive et limitée à quelques emplois figurés et analogiques. Utilisé essentiellement pour désigner la racine comestible et non la plante entière, - carotte - entre dans la phraséologie avec l'ancienne locution -ne vivre que de carottes- (1694) «mesquinement», puis - les carottes sont cuites - «c'est fini», que l'on trouvait antérieurement sous la forme - avoir ses carottes cuites - (1878) «être mourant».
L'expression - la carotte et le bâton - (d'où - politique de la carotte -) est récente (1966) et viendrait de l'anglais.
Par analogie avec la forme de la racine, on désigne par - carotte - un rouleau de feuille de tabac (carotte de tabac, 1723) d'où l'enseigne rouge des bureaux de tabac français.
Toujours par analogie de forme dans le vocabulaire technique, carotte désigne un échantillon cylindrique tiré du sol (1890).
Par analogie à la teinte orangée de la racine, il fournit un adjectif de couleur (1846) notamment pour qualifier des cheveux (1858), seul ou dans «
poil de carotte» expression diffusée par le livre de
Jules Renard -
Poil de carotte - (1894).
Par allusion à la prudente lenteur avec laquelle on tire les longues carottes du sol - tirer la carotte à qqn - signifie, dans l'argot de la police (1784), «tirer les vers du nez».
Tirer une carotte (1831) a plus particulièrement le sens de «soutirer un peu d'argent» et, dans l'argot des casernes, «simuler pour obtenir une exemption de service». de là l'emploi de - carotte - à propos d'un avantage accordé pour obtenir la confiance d'un catégorie de subordonnés (1966).
Les principaux dérivés utilisent les valeurs figurées. CAROTTER v. s'emploie d'abord (1732) au jeu pour «jouer petit, mesquinement», sens repris en terme de bourse pour «jouer peu» (1835,
Balzac) et qui semble provenir d'expressions comme «ne vivre que de carottes» (ci-dessus ). le verbe a disparu dans ces emplois ; il s'est maintenu à l'intransitif pour «escroquer (qqn)» (v. 1840) et «escroquer (de l'argent) à qqn» (1842).
Dans l'argot des casernes, il avait pris le sens de - tirer une carotte -. /.../
Et ...Patati, Patata ... onomat, recouvre plusieurs onomatopées tirées d'un radical expressif - patt- qui évoque un bruit de choc, de coup, de galopade, de bavardage etc...
On relève d'abord - patatin-patata - (1524) puis - patati, patata- (1727) pour indiquer un galop, une course. Avec le sens moderne de « long bavardage», on rencontre d'abord la forme - patatin patatac (1650), - pati, pata - (1651), - patati ! patata ! - (1809) et - et patati, et patata - (1816). C'est le même radical qu'on retrouve dans le français d‘ Afrique du nord «patin couffin», de même sens.
Tout un pataquès ! qui vient d'une faute de liaison - je ne sais pas-t-à qu'(qui) est-ce- .... mais ça, c'est une autre histoire.