Gregor von Rezzori est un écrivain autrichien né à Tchernivtsi (Bucovine) le 13 mai 1914 et mort en Toscane le 23 avril 1998.
J'avais lu
Neiges d'antan qui est une autobiographique, le récit d'une enfance dans une famille longtemps exilée et qui retrouve son "pays" alors qu'il a 5 ans. Mais ce pays n'est plus leur pays, l'Autriche et sa culture, mais appartient alors à la Roumanie ( actuellement, la ville dans laquelle von Rezzori a passé son enfance ,Czernowitz, est en Ukraine..).
Portrait d'une société , d'une passionnante culture qui tend à complètement disparaitre ( quel gâchis..),d'une époque ( "Jadis, je ne vivais pas par moi-même, c'était mon époque qui vivait en moi").
Récit d'une enfance dominée par certains personnages tous féminins, la mère anxieuse et autoritaire,la nourrice, personnage haut en couleurs, et puis, plus tard, l'ex-préceptrice de sa mère qui le guide lors de son adolescence. Et puis la soeur, constamment réfugiée dans ses lectures et qui meurt très jeune d'une tumeur au cou qui la déforme complètement..
Je l'ai lu il y a quelques années, donc il m'est difficile d'en dire beaucoup plus, mais je me souviens que ce livre est un des premiers à avoir éveillé mon intérêt sur l'histoire de cette fameuse Mitteleuropa, tant les analyses étaient fines ..
Murmures d'un vieillard, donc!
"Le chirurgien m'assure que j'ai encore un peu de temps. Ce temps ne devrait plus être très long. Que l'on n'attende cependant pas de moi le sérieux moral qui sied communément à un homme au bord de la tombe."
J'y comptais bien, Mr von Rezzori, dont j'avais pu déjà apprécier l'humour ! Là, l'écrivain est encore parmi nous, le livre date de 94. Et bien parmi nous, en fin observateur de son époque et de ses contemporains. Même s'il est réfugié ( on l'envie!) dans une maison en Toscane, point final du voyage d'un apatride involontaire. C'est dans cette maison, il en parle beaucoup et avec émotion que
Bruce Chatwin, son ami, , a écrit quelques chapitres de son livre
Les jumeaux de Black Hill .
Il est malade, donc, plusieurs fois opéré, quelques notes de temps en temps, on sent que c'est grave mais que ce n'est pas sur ce sujet qu'il veut s'attarder.
Murmures d'un vieillard est la suite du récit d'une vie , par le biais de notes prises ça et là , dans des environnements géographiques différents , notes faites de souvenirs, d'observations et de réflexions. Les sujets d'intérêts sont si divers que c'est bien sûr impossible de les résumer, mais il y a un point commun dans cet exercice de mémoire très brillant et merveilleusement écrit ( et traduit) , c'est la question du pouvoir dans un monde disons légèrement en déliquescence .
Comme l'écrit son traducteur dans la préface,
Gregor von Rezzori montre à partir des cinq entités politiques qui ont servi de cadre à son existence - la Double Monarchie, la Roumanie, le Troisième Reich, la République fédérale d'Allemagne et l'Italie- comment l'individu aux prises avec
L Histoire est sans cesse menacé par la formation de la masse, qui aveugle et paralyse le jugement et entraîne ces individus à ne suivre que leurs plus mauvais penchants, suivant les beuglements des fanatiques de tous bords.
Religieux y compris, bien sûr, et c'est l'occasion , lors d'un séjour à Pondichéry et de la découverte d'un gourou et de sa compagne, surnommée La Mère qui commande et interdit au gré de son bon vouloir, de revisiter tous les dégâts occasionnés par les potentats de toutes sortes .
En chapitres qui semblent des souvenirs dispersés- alors qu'en réalité, on le voit au fil de la lecture, la construction du texte est rigoureuse, et l'auteur sait parfaitement où il va- tous précédés d'extraits des Mille et une nuits-
Gregor von Rezzori nous fait pénétrer dans son monde plein de culture et d'attention.
Je n'en ai pas fini avec lui!
Une citation d'
André Breton à la fin:
"J'aimerais que ma vie ne laissât après elle d'autre murmure que celui d'une chanson de guetteur: une chanson pour tromper l'attention. Indépendamment de ce qui arrive, n'arrive pas, c'est l'attente qui est magnifique."