Une sorte de fable ou une IA (intelligence artificielle) se forme, sous le regard de superviseurs, en étant connectée à quelque humains choisis. Si l'idée est bonne, l'enchainement des chapitres avec toujours l'IA en contact avec l'un ou l'autre des personnages amène une certaine monotonie... Pour se terminer dans un final qui me laisse songeur... Je termine donc ce livre un peu déçu...
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Elle a deux passions dans la vie : avant tout sa progéniture qu’elle ne manque pas de brandir à la moindre occasion, avec la même ferveur qu’un prêtre du Moyen Âge brandissant sa croix pour donner la bénédiction aux troupes avant un combat. Et l’obsession de mener une vie saine, triée sélectivement, une vie santé-bonheur-forme-bien-être, une vie bio, vert pomme, hybride, éco-conçue, sans OGM, sans gluten, sans pesticides, sans colorants, cadencée par les dernières activités pseudo-sportives à la mode dans les magazines féminins ; bref une vie de pétasse bourge au livret A même pas rempli mais remplaçant les plaisirs qu’elle ne peut s’offrir via le fric par une philosophie soixante-huitarde « deux point zéro ».
À croire qu’elle le fait exprès : oublier quelque chose à chaque fois qu’elle fait les courses, probablement pour lui laisser l’opportunité de s'impliquer. Pour qu’il voie ce qu’elle endure dans ces supermarchés sans âme, ces mouroirs émotionnels. Caisses automatiques, paiement sans contact, l’appréhension que l’un des clients dans la file devant vous ne vous adresse la parole. Ne dire bonjour à la caissière que lorsqu’elle saisit votre premier article ce qui, lorsque vous croisez son regard alors que le client précédent retarde la file en cherchant sa carte bleue, conduit inévitablement à un malaise profond où chacun est conscient de l’humanité de l’autre tout en sachant que le système les conduit à ne considérer cet autre que comme une entité abstraite et utilitaire (client, hôtesse de caisse) avec laquelle les interactions sont régies par des conventions tacites.
Lucie ne semble pas apprécier que l’attention de l’assemblée soit entièrement captivée par cet inerte ovoïde de plastique trônant au centre de la table alors qu’elle est une mère fraîchement sortie de couche. Elle a donné la vie. Elle a dépassé la moyenne nationale de taux de natalité par femme. Elle perpétue l’espèce, rien que ça ! Elle favorise la croissance économique. Elle endure son chemin de croix. Elle sauve les pandas. Bref, elle est investie d’un pouvoir quasi divin. Une auréole rose fluo flotte au-dessus de sa tête. Les autres ne la voient-ils donc pas ? Pourtant, tous lui doivent respect et attention, dévotion et admiration. Il est temps de remettre le centre du monde là où il se doit
Dur de dire qu’on aime. C’est comme en management, le plus dur est de faire des compliments. Et si l’on n’aime pas, c’est encore pire : on n’osera jamais l’avouer à quelqu’un qui y aura consacré son temps, son énergie et souvent son argent. On se dira que c’est une affaire de goût. Point. On se sent obligé de mentir, tout en devinant que l’interlocuteur le devine. Bref, la confrontation n’est jamais agréable. (...) En interagissant avec son public, un artiste a finalement deux options : soit il met mal à l’aise, soit il déçoit.
Le langage n'est qu'une forme de mensonge. Les sens des mots sont nécessairement limités ou biaisés. Ils veulent rarement dire ce qu'on souhaite vraiment exprimer. Si on veut qu'elle parle, il taut accepter qu'elle mente.
(p.159)
Mais qui est Alexis Righetti ?