À ma connaissance, il n'existe aucune traduction française de cet ouvrage, ce qui explique peut-être pourquoi aucune critique n'est encore disponible à son sujet sur Babelio. J'en rédige donc une première pour les bilingues amateurs du Caravage qui auront le courage de s'attaquer à cet ouvrage en anglais riche d'un demi-millier de pages. Il s'agit ici d'une biographie particulièrement vivante et moderne (qui a quand même plus de vingt ans) de Michelangelo Merisi da Caravaggio, simplement rebaptisé ici sous le nom de « M ». Si vous recherchez une iconographie riche et somptueuse pour accompagner les descriptions de la vie et des tableaux du Caravage, vous ne la trouverez pas dans cet ouvrage (du moins l'édition que je possède, Bloomsbury 2000). Nous sommes aussi loin d'une biographie académique, même si les recherches documentaires sont scrupuleuses, car l'auteur semble éprouver un plaisir jouissif à se rire des codes du monde de l'art, en se permettant des libertés, en adoptant un style et des positions parfois iconoclastes.
On doit concéder à
Peter Robb une écriture énergique et entraînante, quoique parfois sujette aux longueurs, qui s'égare avec délectation dans les frivolités et les noirceurs d'une vie « caravagesque », tout en extirpant des toiles du maître des interprétations freudiennes sur les idiosyncrasies de ce peintre aussi terrible que fameux. Je ne crois pas qu'il faille voir systématiquement dans l'oeuvre d'un artiste une biographie dissimulée voire subconsciente, qu'il faudrait déchiffrer avec des codes et des clefs. En cela, j'ai trouvé que le travail de
Peter Robb accordait parfois trop d'importance à cette interprétation psychologique, voire psychanalytique, reléguant au second plan la valence religieuse des toiles qui est même escamotée au travers des titres que l'auteur réinvente pour rebaptiser les oeuvres. Même si le Caravage fut un artiste révolutionnaire et provocateur, souvent décrié pour sa propension à mêler le vulgaire (du latin vulgaris, au sens populaire) au divin, ses connaissances théologiques et sa sensibilité religieuse furent le plus généralement reconnues et appréciées par les congrégations commanditaires de ses oeuvres. Un autre point qui peut rebuter est l'usage de contractions, d'anachronismes linguistiques, de mots d'argot et d'expressions familières (parfois inspirées par les origines australiennes de l'auteur). Malgré ses libertés stylistiques, cet ouvrage reste une intrigante et très instructive biographie du maître du tenebroso ; mais ce n'est pas celle que je conseillerais comme première lecture à qui voudrait découvrir la vie et l'oeuvre du Caravage.