Il y a eu des instants lumineux. Un autre lien s𠆞st tissé entre nous. Toi comme le Renard, enfin apprivoisée. Et moi comme l𠆞nfant découvrant tout ensemble ce trésor inattendu et la peur de le perdre.
Tant que tu respirais, tu étais immortelle.
Cette maison, c'était un livre ouvert, qui racontait cinquante ans de ta vie, de la nôtre.
Mais il a fallu s'y résoudre, l'âge venant. Tu en es partie.
Partir, à quarante ans, ça promet l'aventure.
À quatre-vingt-trois ans, ça résonne autrement.
C'est plutôt le mot «fin » qu'on entend.
Aujourd’hui, on sauve les gens, au lieu de les laisser partir.
Dans ma famille, c'est la tête ou le cœur, en principe. Crise cardiaque ou AVC. Lignée de tragiques marins, de pathétiques capitaines, ce sont toujours ou presque nos vaisseaux qui nous lâchent.
Je retourne chez moi avec, une fois de plus, le sentiment d’avoir raté un entretien d’embauche, de ne pas t’avoir dit ce que j’aurais dû te dire, de n’avoir pas posé les questions qu’il fallait. (p.38)
Comment aurais-je pu lutter contre ces morts qui t’appelaient si fort, que tu voulais rejoindre. Comment aurais-je pu lutter contre la pesanteur de ce temps inutile, qui te semblait si long. Stérile. (p.97)
La vie est un bien précieux. C'est aussi un mal incurable. Personne n'en guérit jamais.
p. 84 Ton rire faisait partie des pertes, des deuils irrémédiables.
Eteint depuis longtemps.
Après ta mort, je me suis demandé depuis combien de temps je ne t’avais pas entendue rire. Rire vraiment. Je n’ai pas su. Je ne sais plus.
P. 19 Et puis voilà, la vie qui passe, se détricote peu à peu, une démence légère se profile et s’installe en sourdine, attaque ta mémoire, la ronge à coups de dents, la troue, ici et là, comme un vieux plaid en laine attaqué par des mites.
Au fil des mois ton comportement change, je te trouve plus froide, certains jours un peu agressive. Je n’identifie pas les signes avant-coureurs.
Ce qui est trop près de nous, on ne le voit pas bien.