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EAN : 9782226187185
377 pages
Albin Michel (06/01/2010)
4.25/5   2 notes
Résumé :
Après des décennies de gouvernement autoritaire,les pays d'Amérique latine ont progressivement rejoint le camp démocratique depuis les années 1980. Mais ces démocraties restaurées ne sont pas des régimes représentatifs connue les autres : elles sont les héritières des dictatures,quand elles n'en sont pas les prisonnières. Du coup,tantôt le pouvoir élu est tenté de s'affranchir des règles strictes de la démocratie libérale,le principe de majorité ouvrant la voie à la... >Voir plus
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Alfonsín va d'abord tenter de démocratiser les syndicats, afin d'assurer sinon un minimum de transparence et la compétition interne que le « verticalisme » péroniste ne permettait pas, du moins une certaine représentation des minorités. Pour les indéracinables leaders des grandes fédérations sectorielles, il s'agit d'une véritable déclaration de guerre, ou, pour le dire dans le langage syndical, d'une « agression caractérisée contre la classe ouvrière et ses conquêtes ». Par voie de conséquence, le gouvernement radical devra affronter rien moins que treize grèves générales d'une journée ou plus en moins de six ans … Et en l’occurrence, même si les problèmes salariaux ont joué un rôle certain dans la réussite de ces mobilisations, la CGT péroniste poursuivait essentiellement des buts politiques.
Le patronat industriel et agricole n'a pas tarder à s'élever contre la politique fiscale, pourtant modérée, d'un gouvernement jugé peu compréhensif à son égard. Il est vrai qu'en septembre 1983, à quelques semaines des élections, une centaine d'institutions patronales, et non des moindres, de la Société rurale à la Bourse de commerce, avaient publié un communiqué d'appui à la dictature et à la guerre antisubversive.
Quant à l’Église, elle a, aussitôt rétablie la démocratie, pris ses distances d'avec un gouvernement qui se déclarait hostile aux « vainqueurs d'une juste guerre contre le marxisme athée ». Pour ses plus tonitruants prédicateurs, ce gouvernement laïque et sans Dieu avait partie liée avec la subversion, la délinquance et la « pornographie ». D'autant qu'il se refusait obstinément à confier l’Éducation nationale à un ministre choisi par la hiérarchie, et qu'en outre il engageait des réformes destinées à moderniser la patriarcale société argentine. La loi sur la divorce, le projet de loi sur le partage de l'autorité parentale seront condamnés sans appel par une Église qui était pourtant restée silencieuse face aux crimes contre l'humanité commis par la dévote dictature.
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Les dictatures n'ont pas seulement laissé des traces dans la vie politique ou dans l'organisation de l'économie. Elles ont aussi profondément marqué le tissu social dans la mesure où elles ont durablement affecté la vie quotidienne. C'est ainsi que les régimes « anti subversifs » des années 70 et 80 ont innové en pratiquant « l'invasion du public dans la sphère privée ». Dans la lutte « totale » (et donc totalitaire) contre l'ennemi révolutionnaire, tout alors est politique : les livres, bien sûr, mais aussi la musique, les vêtements, le corps. L'existence personnelle se politise aussi quand un regard, un salut, peuvent être mortels. En septembre 1973, à Santiago du Chili, un jeune architecte est arrêté et exécuté pour port de barbe suspecte. Il n'a pas été le seul. Les militants du Mouvement pour la gauche révolutionnaire (MIR), au même moment, pour échapper aux rafles, "militarisaient leur tenue ". Ils arboraient cheveux courts, joues rasées et complet veston.
Mais le corps n'est pas seulement objet d'autodiscipline. Il est victime d'un autre trait de politisation, terrible et inavouable celui-là, la torture. Comme le signale un psychanalyste, lorsque l’État touche au corps, il dévient illégitime, car il anéantit la loi et partant abolit sa nature d'agent de réalisation du droit. Cette violation d'un interdit qui définit aussi la « civilisation », c'est-à-dire l’auto-contrainte, est donc inavouée. C'est pourquoi le tortionnaire nie représenter l’État. C'est pourquoi aussi la torture est décentralisée, clandestine, quasi-privatisée. C'est pourquoi enfin les corps victimes de la terreur d’État ne sauraient réapparaître – d'où le sinistre phénomène des « disparus ».
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L'Argentine, comme toujours, se singularise en donnant en même temps une impression désespérante de déjà-vu. Les militaires du Proceso de « réorganisation nationale » vont, comme leurs prédécesseurs, quitter le pouvoir en catastrophe. Mais cette fois, le bégaiement de l'histoire a de quoi surprendre. Jamais, en effet, un régime fort, caractérisé par son extrême violence, n'aura aussi bien réussi à se mettre en déroute : le sombre bilan de sept années d'omnipotence et la discorde au sein du pouvoir martial ont rendu inévitable la retraite peu glorieuse des sauveurs en uniforme. Les « réorganisateurs » ont cumulé la débâcle économique et la déroute militaire dans l'Atlantique Sud, les règlements de comptes interarmes et le terrorisme d’État. Le coup d’État purificateur de 1976 a finalement sombré dans la criminalité décentralisée … Le projet de construire une société hiérarchique et sûre, régulée par le marché, a en outre conduit le pays à la banqueroute. L'inflation, en 1982, a dépassé 300%, le PIB a reculé de 10% entre 1980 et 1983. Le revenu par tête a baissé de 15% par rapport à 1975, la production industrielle de 25%. Le tissu économique s'est appauvri, les structures sociales se sont « tiers-mondisées ». Grâce à un dollar bon marché et à l'ouverture économique, la dette extérieure a bondi de 7 milliards de dollars à 40 milliards et n'a alimenté que la spéculation et l'achat d'armes. Une économie sale a accompagné la « guerre sale ».
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La démocratie représentative est une création culturelle continue caractérisée, selon Samuel Huntington, par un « haut degré de créativité et d'élaboration dans l'institutionnalisation des pratiques et des procédures politiques ». Les régimes constitutionnels pluralistes reposent sur la stylisation et la codification des luttes politiques. Les campagnes électorales, les rites parlementaires sont l'expression symbolique de rivalités qui pourraient tout aussi bien être violentes. Mais le jeu politique démocratique est justement marqué par « l'imposition de règles strictes, le maintien d'un cadre spatial et temporel à l'intérieur duquel les acteurs doivent se tenir », signalait Raymond Aron. Car, ajoutait-il, « la tentation est forte pour ceux qui sont au pouvoir de ne pas s'exposer au risque de le perdre et pour ceux qui en sont exclus d'utiliser les moyens légalement interdits pour s'en emparer ». Et cette tentation constitue l'horizon maudit du mystère démocratique, qui porte les acteurs à s'affranchir des butoirs institutionnels. Car le pouvoir absolu est absolument naturel et la démocratie un fragile miracle culturel.
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D'un côté se place l'origine légale et majoritaire du pouvoir, conforme aux règles constitutionnelles. En face - on pourrait presque dire au-dessus parce qu'il s'agit d'une légitimité supérieure en terme de rapports de force, ou au-dessous tant elle est implicite et sous-jacente, parfois même souterraine -, s'érige une légitimité élitiste de nature socio-économique dont la forme de justification fait appel à l'histoire ou à la tradition. Les partisans du pouvoir aux plus capables dénoncent ceux du pouvoir aux plus nombreux. L'élite ne reconnait le principe de majorité que lorsqu'il répond à ses intérêts. Toute politique qui pourrait à terme mettre en cause les relations de domination entraine l'illégitimité, quel que soit le niveau de soutien électoral de l'exécutif constitutionnellement en place.
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