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EAN : 9782366243734
432 pages
Cambourakis (07/11/2018)
4/5   9 notes
Résumé :
De la ZAD à la Palestine, de la marche pour le climat de New York aux camps de réfugié·es de La Chapelle en passant par le tarmac des aéroports londoniens, Juliette Rousseau, militante altermondialiste, coordinatrice de la Coalition contre la COP 21 en 2015, part à la rencontre de collectifs en lutte contre les rapports de domination liés à la classe, au genre, à la race ou encore à la condition physique et mentale à l’œuvre dans la société, collectifs qui ont aussi... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Les rapports de domination liés à la classe, au genre, à la race ou à la condition physique et mentale, et plus généralement l'oppression dérivée des privilèges systémiques, n'épargnent pas le monde du militantisme. Par conséquent, les militants des collectifs de lutte sont appelés à partager leurs efforts entre l'amélioration interne de leurs structures d'organisation et d'eux-mêmes d'une part – en commençant par la prise de conscience de leur propre position située par rapport à ces privilèges – et d'autre part le combat externe relatif à leur(s) cause(s) spécifique(s), sous peine de divisions intestines et de discrédit qui constituent certaines parmi les armes principales du pouvoir. L'intersectionnalité des causes, l'aménagement d'espaces de non-mixité au sein des mouvements, la responsabilisation et prise de parole voire le leadership des « premier.es concerné.es », la conscientisation des militant.es par des formations internes, la règle de « s'exposer plus quand on risque moins », ainsi que les principes contenus dans les dénommés Accords de Jemez ('Jemez Principles') élaborés en 1996 aux États-Unis par des collectifs écologistes en lutte contre l'ALENA (Accord de libre-échange nord-américain), constituent les principaux acquis visant à « lutter ensemble » par des moyens de démocratie interne. Voici six des dix principes des Accords de Jemez cités (pp. 355-358) : #1 : Être inclusif.ves ; #2 : Mettre l'accent sur l'organisation par le bas ; #3 : Laisser parler les gens pour elles.eux mêmes ; #4 : Travailler ensemble dans la solidarité et la réciprocité ; #5. Construire des relations justes entre nous ; #6. S'engager à changer.
Néanmoins l'autrice, qui bénéficie elle-même d'un passé nourri de nombreux terrains de lutte depuis celle contre la loi du CPE lorsqu'elle était étudiante, et en particulier d'une riche expérience à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, renonce à rédiger un vade-mecum de bonnes pratiques à l'usage des militants. Composant ici un ouvrage qui se situe à mi-chemin entre l'essai et la recherche sociologique de terrain, sa méthodologie a consisté à aller à la rencontre de différents collectifs de lutte en France, Grande-Bretagne, Israël, États-Unis, afin d'explorer les pratiques adoptées pour mener cette transformation sur les deux fronts, interne et externe. du caractère hybride de cette méthodologie découle une imbrication entre réflexions théoriques, prévalentes dans la première partie de l'ouvrage mais repérables tout au long du texte, et empirisme, notamment par les témoignages restitués dans les chap. consacrés à chaque organisation (témoignages ayant leur point d'orgue dans la partie terminale intitulée « Entretiens »), mais également par quelques expériences personnelles particulièrement appréciables, dont le livre est parsemé et qui servent aussi à situer l'autrice. Il est probable que le choix des collectifs ait été effectué précisément en fonction de leur représentativité en termes d'intersectionnalité et/ou d'une réflexion plus poussée sur ces problématiques de pratiques internes.
La conclusion, néanmoins (cf. cit. 10), invite à la nuance, au refus du dogmatisme, à l'exportation mécanique et obtuse de principes figés. Si la partie empirique m'a semblé perdre du tranchant des réflexions théoriques parce qu'elle n'est pas du tout succincte, elle force néanmoins l'admiration par la hauteur éthique des préoccupations et des tentatives de solution envisagées et justement par la synthèse opérée sur des terrains, des causes et des contextes très divers, tous nécessaires et complémentaires. On notera aussi les très belles réflexions sur les motivations individuelles du militantisme.



Table [avec appel des cit. ]

Intro : L'antre de la violence [cit. 1]

I. Prendre acte :

1. Nommer puis agir

Explorer les termes
Penser les oppressions structurelles et les systèmes de privilèges en contexte français [cit. 2]
Agir face aux oppressions [cit. 3]

2. Cartographier les entraves, circuler dans les décombres

Féministes blanches
De la marge vers le centre : 2005-2006, soulèvements [cit. 4]
D'autres mondes sont possibles : l'altermondialisme en héritage

3. Humour, imaginaire, sémantique et mémoire au sein des luttes

L'humour des dominant.es
L'imaginaire et ses horizons [cit. 5]
Réinventer une sémantique partagée
Nos mémoires sélectives
Des mondes plutôt qu'un

II. Faire communauté :

4. Défendre un territoire et se défendre des oppressions : expériences de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes

Fais pas chier, bois mes règles : le sexisme à la ZAD et dans le mouvement de lutte anti-aéroport
Survivre dans un océan de blancheur
Se retrouver comme condition nécessaire de survie

5. Lutter pour l'autonomie : l'organisation entre personnes concernées par le handicap physique et mental

Validisme
DPAC : front de lutte des handicapé.es et de leurs allié.es
Manifeste du CLHEE [cit. 6]
S'affirmer collectivement comme sujets politiques autonomes

6. Faire avec les oppressions dans le groupe

Faire communauté [cit. 7]
Faire avec les oppressions dans le collectif
Répondre collectivement aux oppressions lorsqu'elles se manifestent
C'est parce qu'elles sont perméables et qu'elles se laissent caresser par le vent que nos digues tiennent
Règles pour un espace plus safe

III. Organiser des fronts :

7. Solidarity forever : s'exposer plus quand on risque moins [cit. 8]

London City Airport : la crise climatique est une crise raciste
Stansted : en finir avec les déportations de réfugié.es
Complices ou allié.es ? [cit. 9]

8. Palestine : l'anti-normalisation comme carnet de route

"The western way of feeling better" ou la fabrique d'un terrain de lutte inégal en Palestine
Régime colonial et répression
Anti-normalisation : une grille de lecture et des outils d'autodéfense au service des luttes pour l'autodétermination du peuple palestinien et ses complices
Colonialisme

9. Les luttes de long terme requièrent des allié.es de long terme : une histoire des accords de Jemez

Grassroots Global Justice Alliance : s'organiser entre concerné.es pour la justice climatique et environnementale
Les accords de Jemez
Garantir la parole des permier.es concerné.es
Forcer l'apparition d'allié.es
Les principes de Jemez pour une organisation démocratique

IV. Entretiens :

Fathi : s'organiser entre réfugié.es, Paris, 2015
Le Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires du Nord : autodéfense des quartiers populaires et lutte contre les oppressions classe/race/sexe
Les Lesbiennes et les Gays Soutiennent les Migrant.es (LGSM) : une histoire de solidarité à l'ancienne

Outro [cit. 10]

Collectifs
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Comment lutter sans écraser ? Militer pour l'écologie, par exemple, ou pour les droits LGTBQI+ sans risquer de renforcer des oppressions (classisme, sexisme, racisme...) au sein du groupe de militance ? Créer des alliances fécondes entre différentes luttes sans que l'une prenne le dessus, aliène ou utilise un autre ? Ce sont des questions qui se posent de plus en plus dans les espaces militants dont les plus mainsteams commencent petit à petit à s'interroger sur les oppressions qui les traversent. C'est un champ de réflexion très riche, complexe également, qui doit sans cesse s'expérimenter et se redéfinir.

Alors, Juliette Routeau prend le temps de l'explorer : sur pas moins de 500 pages. Mais cette longueur permet d'aller au-delà de la théorie pour nous montrer tout le champ de la pratique, s'imprégner du sujet, le digérer. Aller dans le concret, tout en restant humble sur le chemin à parcourir. de la structuration d'un pôle féministe dans les ZAD à la lutte contre la colonisation Israélienne des deux côtés des frontières en passant par les collectifs LGTBQI+ défendant la cause des personnes migrantes, l'autrice - militante elle aussi - donne une large place aux témoignages de différents collectifs qui expérimentent ces questions d'alliance et de prise en compte des rapports de domination au sein des groupes militants. C'est dense, et cela ouvre le regard, pour nous aider à aller de l'avant et formuler des communs réellement émancipateurs.
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Un livre percutant pour tou.te.s les militant.e.s progressistes. Essentiel !
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Parler de systèmes d'oppression, de rapports de domination et de privilèges n'est pas chose facile. Quiconque tente de le faire dans son entourage prend rapidement la mesure de la virulence avec laquelle ce genre de discussion peut être accueillie. Questionner nos privilèges nous heurte. Nommer nos oppressions aussi, d'une autre façon. Lorsque quelqu'un·e pointe du doigt nos identités sociales, qu'elles soient dominantes ou dominées, nous pouvons avoir le sentiment d'être enfermé·es dans des cases de bourreaux ou de victimes. Nos réactions n'en sont que plus passionnées.
Une des questions qui se pose alors est : qui peut nommer qui ? Dominant·e, j'ai été socialisé·e pour nommer tou·tes les « autres » à l'exception de moi-même, qui suis la norme. Ce qui fait alors de moi et de mes paires le groupe social le plus inconscient de lui-même. Dominé·e, j'ai toujours été défini·e par celles et ceux qui m'oppriment, revendiquer de me nommer moi-même aux côtés de mes pair·es est une lutte en soi. Et pour avoir été contraint·e de leur ressembler sans jamais vraiment réussir à ce qu'iels m'acceptent (l'assimilation étant une fable), je connais celles et ceux qui me dominent mieux qu'elles et eux-mêmes. La question de la définition, de savoir à qui revient le pouvoir de définir, est intrinsèquement liée à celle de la domination. Défendre que ce pouvoir change de bord est un premier pas essentiel. (47)
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10. « Prendre la mesure de la violence comme elle nous habite, comprendre qu'aucun de nos espaces de sociabilité n'en est épargné, et voir peu à peu combien nous sommes nous-mêmes les instruments de sa reproduction peut générer de l'effroi et une grande insécurité. La tentation qui se fait alors le jour, pour contrer cette insécurité, est de se saisir de la lecture des oppressions, des concepts et notions de l'intersectionnalité et de la "déconstruction" militante, pour les élever au rang de nouvelles normes. Outre le fait que ces outils, largement récupérés par le monde académique pour la plupart, peuvent eux aussi constituer une forme de dépossession de leurs propres outils et d'exclusion pour les premier.es concerné.es, notamment celles et ceux issu.es des milieux populaires, le moralisme, voire le dogmatisme que cette tentative de normalisation génère se révèlent vite impropres à toute possibilité de transformation émancipatrice et risquent plutôt de conduire à la réduction permanente de nos espaces de lutte et à leur fragilisation, tout en y instituant de nouvelles formes de légitimité et de pouvoir. À l'opposé de la fausse sécurité que peut laisser imaginer un ensemble strict de concepts et de normes de fonctionnement, l'invitation qui nous est faite par quelques mouvements ici et là est la suivante : "Prenez des risques !" Tant les un.es vis-à-vis des autres, parce qu'en dehors d'une prise de risque mutuelle, nous ne saurons jamais si nous sommes véritablement capables de nous transformer, qu'ensemble dans la lutte contre les structures du système de domination. » (pp. 419-420)
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Plus que jamais, il nous faut vivre et lutter dans un monde exsangue : militarisé, aliéné, exploité, en partie détruit et en prise avec sa propre finitude. Aux violences spectaculaires (guerres, contre-révolutions, attentats) dans lesquelles il s’étouffe répondent en sourdine d’autres violences, continues et ordinaires, mais qui tuent plus sûrement encore. Quinze personnes par an, presque toujours non-blanches, sont en moyenne tuées par la police en France. Tuées par balles ou à coups de techniques d’immobilisation qui écrasent la cage thoracique et étouffent à petit feu. Pourtant, la police est toujours impunie et elle peut même
bénéficier de divers allégements du cadre légal dans lequel elle intervient, lui permettant ainsi de tuer plus encore.
En France toujours, six femmes continuent de mourir par mois sous les coups d’un conjoint ou d’un proche sans que ceux-ci soient qualifiés de terroristes. C’est pourtant chaque année l’équivalent d’un Bataclan qui meurt dans des conditions qui
s’approchent souvent de la torture, les coups précédant la mise à mort. La haine des femmes n’est pas moins effrayante ni idéologique que celle qui anime les auteurs d’attentats.
Chaque année, la mer Méditerranée charrie toujours plus de corps sur les côtes de l’Europe et, une fois passée l’émotion suscitée par les images d’un petit corps d’enfant fuyant la guerre, les morts continuent dans le silence.
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"Cette attitude anesthésiée [...], c’est la nécessité des blanc.he.s de se «dissocier d’eux-mêmes » face à la violence du système raciste dans lequel ils et elles vivent et qui leur bénéficie, auquel ils et elles contribuent plus ou moins activement. Quel est le coût de cette dissociation sur le long terme ? Quelle part en nous d’anesthésie nous revient-il de déceler pour y remédier et accéder à un rapport plus immédiat à ce qui se joue dans notre rapport au reste du monde ? La suprématie blanche créé chez les blanc.he.s une certaine idée de soi, de sa supériorité, qui dépend finalement de la perpétuation du système raciste et la domination des populations non-blanc.he.s. Il en va de même pour les autres formes de domination".
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Se retrouver, c’est-à-dire pas seulement ni nécessairement dans les mêmes collectifs, mais aussi en choisissant de faire front commun à certains moments. Ce qui implique d’affronter de nombreuses questions : peut-on se rencontrer de part et d’autre d’une oppression pour s’y attaquer ensemble ? Peut-on se rencontrer entre concerné·es par différentes oppressions sans entrer dans des logiques de compétition ? Comment
continuer de lutter ensemble lorsque l’on a nommé les dominations qui jouent entre nous ? Comment abolir l’indistinction des situations sans tomber dans un morcellement sans fin des causes ? Comment se positionner les un·es par rapport aux autres, de l’alliance à la complicité, en passant par l’amitié ?
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Vidéo de Juliette Rousseau
Au sommaire :
Mathieu Magnaudeix et Mathieu Dejean reçoivent Clémentine Autain, députée LFI en Seine-Saint-Denis. Alors qu'un accord électoral a été conclu cette nuit entre La France insoumise et Europe Écologie-Les Verts pour les élections législatives des 12 et 19 juin, il pourrait s'élargir dans les prochaines heures au Parti communiste et même au Parti socialiste. Alors à quoi cette « Nouvelle Union populaire écologique et sociale » pourrait-elle ressembler ? Tous les partis cités vont-ils s'allier ? On en discute avec notre invitée.
Reportage dans le cortège de la manifestation du 1er mai, à Paris, où se sont rendus Nassim Gomri et Christophe Gueugneau. Une manifestation durant laquelle le mot d'ordre était « contre Macron » mais aussi dans la perspective attendue de l'union de la gauche pour les élections législatives.
Et enfin on parle d'espoir avec des citoyen·nes engagé·es. Mathieu Magnaudeix reçoit Lauren Lolo, élue municipale à Fosses dans le Val-d'Oise et cofondatrice de la Cité des chances, Juliette Rousseau, éditrice, autrice et traductrice, et Stéphane Ravacley, boulanger, fondateur de l'association Patrons solidaires et candidat aux élections législatives dans le Doubs. Face à la crise climatique, à la montée de l'extrême droite et au règne du néolibéralisme, comment nos invités gardent-ils espoir ?
#LFI #Gauches #Législatives
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