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3,39

sur 703 notes
J'ai relu Justine, mais c'est pas ma faute, M'dame, c'est la faute à Arte.
Blague dans le coin, Arte diffuse ces temps-ci une série de documentaires remarquables sur les livres et écrivains "chauds", des Liaisons dangereuses à Lolita, les réactions et les incompréhensions qu'ils ont suscitées. Jetez-vous sur les replay tant qu'ils sont disponibles.
Concernant Sade, outre les thuriféraires habituels, Michel Onfray détonne en disant en gros que c'est juste une ordure qui écrit des horreurs. Alors j'ai voulu me rendre compte.

Mais parlons de la forme d'abord : c'est un bonheur. Sade écrit dans un très beau français classique, peuplé de jolies formules délicieusement surannées (par exemple, "ayez pour agréable de me donner votre dernier mot" à quelqu'un dont on attend une réponse, c'est joliment dit, non ?). Avec parfois des phrases un peu longues, que ce soit dans l'exaltation des ébats pornographiques ou celle des débats philosophiques.

L'histoire, racontée par la protagoniste éponyme lors d'une longue nuit à l'auberge, est en fait risible. Pourvu que l'on ne soit pas rebuté par la crudité des descriptions sur les horreurs infligées, c'est même à se tordre. Soit Justine est une gourdasse intégrale, soit elle finit par aimer ça (ce que Sade nous suggère subtilement vers la fin, en fait). Sa constance à se jeter dans les antres les plus infâmes en suivant aveuglement ses tortionnaires nous laisse pantois. L'expérience venant, elle se dit souvent que c'est un peu louche, mais pas certain, alors qu'a-t-elle à y perdre... et pan! ça rate pas, ça recommence. La fin est un grand moment de n'importe quoi, Sade se moque ouvertement du monde, sans parler de la pseudo-justification de l'ouvrage en introduction et conclusion : cette litanie des malheurs de Justine serait écrite pour nous convaincre d'épouser la vertu !

Venons-en au sujet de ma critique : les échanges contradictoires entre Justine (la vertu outragée) et ses tortionnaires (la justification de leurs actes), dans lesquels Sade expose des idées formidables, mais aussi d'autres quand même bien moisies.

La principale défense des libertins, c'est que s'ils aiment violenter, c'est que la Nature (avec sa majuscule systématique) les a faits comme ça. Et ce serait donc vain de lutter. La civilisation ou la religion et les interdits qu'elle génèrent, les bonnes moeurs et les comportements acceptables... ne sont que des erreurs, leur relativité à travers les lieux et les temps en atteste. Il y a dans cette part des dénonciations audacieuses. Il y a une formidable liberté vis à vis des conventions, jusque dans la liberté de ton. le sort fait à la religion est violent. En gros : vu l'état du monde, soit Dieu n'existe pas, soit c'est une ordure ; le paradis et l'obligation de comportement vertueux qui en découle ne sont donc que des fables pour les faibles.

C'est là que ça devient douteux : le droit inaliénable des forts à exercer leur force sur les faibles est une constante justification. Quand on rapproche cela de la naissance de Sade et de ses agissements, on peut quand même penser que ça craint. Parce que ce n'est pas pour ses idées qu'il a fait de la prison : ses fredaines devenaient plus que gênantes, il était grand temps que sa belle-mère le fasse enfermer. Et sa reprise des idées du siècle des Lumières est très orientée.

Reste que c'est un bouquin formidable, parfois désopilant (la "carrière" de Juliette, celle qui a choisi le vice, brossée en deux-trois pages, est un moment fort), parfois émoustillant, et souvent fascinant. Qui mérite bien de ne pas être jeté en quelque enfer, quoiqu'en pense Onfray.
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Justine c'est le roman idéal pour comprendre ce qu'est Sade. Sade proscrit, vitupéré, condamné, emprisonné. Dans "Justine" il y a de la violence, du sang qui coule à gros flots, des pratiques immondes de la part d'êtres monstrueux qui déchainent une cruauté au-delà de tout sur de malheureuses créatures livrées à leur désirs les plus vils. Il y a de pauvres filles maltraitées dans des conditions qui dépassent nos pires cauchemars par des nobles soudards, des chevaliers menteurs, des moines libidineux, des notaires sans scrupules, des brigands sanglants. Il y a des fouets, des crochets, des chaînes. Il y a tout cela et bien pire encore. Pour qu'on n'oublie pas une seconde que c'est un livre du Marquis de Sade qu'on est en train de lire.
Mais il y a surtout un homme libre.
On découvre un homme qui pense, qui s'indigne, qui s'interroge sur son époque et ses excès, sur le système politique dans lequel il vit, sur la condition faite à ses contemporains. Un homme que révoltent l'injustice et les inégalités de la société qu'il a sous les yeux, un homme qui n'accepte pas que certains aient tout quand d'autres croupissent dans la misère, un homme qui crie et continuera de crier tant que tant de ses semblables connaîtront le malheur et la souffrance. Un homme qui rêve de liberté, de justice, de démocratie.
Il y a le fouet, les crochets, les chaînes, etc, certes. Il y a des scènes dont la cruauté inimaginable vous soulève le coeur. Et pourtant, celui qui a décrit ces scènes ignobles est un vrai humaniste, un vrai penseur du siècle des Lumières.
Alors on l'a combattu, emprisonné, enseveli dans les pires bastilles au motif de sa lubricité, en réalité pour le faire taire et l'empêcher de répandre des idées aussi dangereuses et mettant en jeu l'équilibre du monde.
Ma vision d'un marquis de Sade humaniste et victime heurtera certains - alors lisez "Justine", au-delà des fouets et des restes de mauvais romans pornos.
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Justine est orpheline à 12 ans. Elle fait le choix de la vertu. Sa soeur Juliette, 15 ans, suit la route du vice et ses petits arrangements.

Dans le monde de Justine, les ogres sont bien intégrés. Ils portent des beaux costumes, ils ont une belle situation et beaucoup de relations. Bon, en fait, c'est comme dans la vraie vie...

Sauf que chez Justine, le soleil brille peu sur la vertu : son chemin ne passe qu'au milieu de prêtres ignobles, de bandits sanguinaires , de notables sodomites ou de nobles parricides qui n'ont d'autre but que de jouir des effets de leur cruauté sur notre héroïne et ses soeurs de malheurs.

Sur son chemin de croix, Justine se voit proposer le choix du bien ou du mal. Elle choisit toujours le bien et le respect de l'autre et s'en trouve invariablement punie tandis que le mal prospère.

L'histoire de Justine a accompagné Sade durant toute sa carrière littéraire. Il en délivra trois versions. Celle présentée ici est la seconde. Elle est moins crue que sa troisième édition parce qu'elle bénéficie du vocabulaire châtié de Justine.

Sade n'a pas donné par hasard son nom à plusieurs langues pour décrire cette perversion sexuelle qui pousse quelqu'un à prendre du plaisir dans la souffrance de l'autre : il a lui même pratiqué un peu tout ce qu'il décrit. Notre pardon ne va à lui que grâce au temps, avec lequel on sait maintenant que va, tout s'en va : strangulations, saignées, pédophilie, morsures de chiens, que notre petite Justine subit, de même que tout ce qui a pu germer dans la longue vie du crâne puant du divin marquis.

Les contre-valeurs développées par Sade sont tranchées : égocentrisme et athéisme. Individualisme forcené. Epoque oblige, le parti de l'auteur n'est pas clairement énoncé, et Justine les traite sans cesse en sophismes, visant le bonheur dans un autre monde.

La qualité de l'écriture de Sade réduit à rien les 200 ans qui nous séparent de la conception du roman. Il envoie Bram Stoker et de quelques auteurs du début du 20ème dans des oubliettes poussiéreuses pleines d'un style désuet. Sade écrit bien. Son matérialisme exacerbé est parfaitement présenté et son traitement suscite toujours la controverse (voir critiques des babelionautes).

Justine ou les malheurs de la vertu est donc une très grande oeuvre immorale, d'une lecture très agréable. Quand au marquis, il a sans mérite échappé à la mort et fini chez les fous. Son âme ne connaît pas de paix : on l'a exhumé. Son crâne a illustré des conférences dans plusieurs pays. On lui prête des pouvoirs magiques. Il circule peut être -sûrement- encore quelque part, et il fait toujours l'actualité (Le Dernier Crâne de M. de Sade ; Histoires Chûchotées à Justine, etc)
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Un livre que je n'aurais pas ouvert si je n'avais pas relevé un défi littéraire foireux.
C'est l'histoire de deux soeurs orphelines, qui choisissent deux destins différents : Juliette joue de ses charmes criminels pour trouver le bonheur, tandis que Justine ne rencontre que le malheur en restant sur le droit chemin. le roman est le récit que Justine fait de la dizaine d'années au cours desquelles elle n'a croisé que des individus (majoritairement masculins) qui lui faisaient subir les pires outrages pour la pousser à renier ses principes vertueux.
Je n'ai rien trouvé de sulfureux dans ce texte ; c'est au contraire l'un des plus désespérants que j'aie lus. Partant du postulat qu'il vaut mieux céder au vice puisque la vertu n'est jamais récompensée en ce bas monde, Sade pulvérise à coeur de joie tous les interdits de la société, en ne renonçant à aucune ignominie. Si encore il ne s'agissait que de provocation, ou d'une forme de délire obscène d'un pauvre type lubrique et frustré -mais l'auteur justifie ces perversions par des considérations pseudo-philosophiques ou scientifiques, porté par un athéisme haineux. Dans ce conte pour adulte, peuplé d'ogres, de satyres et de monstres, il offre finalement une vision sinistre de l'humanité régie par le cynisme, l'égoïsme, et la cruauté. Car ce roman est hyper-violent : femmes et enfants y sont chosifiés, violés, torturés, tués, au nom de la liberté des hommes à jouir selon leurs désirs. Tout ce qu'il y a de beau et bon dans la nature humaine est systématiquement souillé, dénigré et ridiculisé avec moult détails ; d'ailleurs, Justine, malgré toutes ses qualités, n'en demeure pas moins une cruche.
Je ne comprends pas le culte que certains intellectuels vouent à Sade et à son libertinage qui n'a rien de raffiné. Certes, ce roman est bien écrit et se lit facilement, et on pourrait le considérer comme un voyage onirique et invraisemblable dans l'imagination d'un misogyne dépravé. Mais ça manque d'âme, de vie (mais pas de vits, ha ha !), et cet acharnement à combler en vain la satisfaction comme le vide de cette histoire finit par faire pitié et lasser.
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J'aime lire le marquis de Sade, bon, parfois il est lourd de lourd, on comprend bien que c'est la plume d'un prisonnier en manque, mais il n'en reste pas moins un écrivain. Il décrit un monde où la vertu ne cause que ruine et échecs. Dans les pyramides du pouvoir, c'est toujours le plus criminel qui arrive en haut, pas le plus vertueux. le marquis de Sade déploie ses oeuvres comme autant de tableaux très réalistes de l'humanité. Il est facile de comprendre pourquoi il a passé sa vie en prison. le marquis dérangeait les rois, les révolutionnaires, les empereurs et il dérange toujours. Il n'est toléré que comme un original, un descriptif des univers bdsm alors qu'au contraire, c'est un grand écrivain qui aborde des sujets cachés comme la libido du pouvoir, la libido du subir. Une grande intelligence qu'il a mise au service de sa plume, ce qui n'a causé que des malheurs dans sa vie.
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En tant que lubrique notoire, auto-proclamé, et assumé, qui a pour maîtres à penser Ellroy et Bukowski depuis de bien longues années, tous mes amis éclataient de rire et démolissaient ma crédibilité quand je leur disais que je n'avais encore jamais lu les écrits du Divin Marquis... Il FALLAIT que je comble cet... impératif. Voila qui est chose faite, et je m'en vais gloser à propos de Justine.

Je ne savais pas du tout que j'allais lire un truc pareil, je pensais à quelque chose de proche des Liaisons dangereuses, à un roman confiné dans les boudoirs luxueux... Que nenni! Imaginez un roman philosophique à la Voltaire, mais version trash. L'héroïne Justine n'a de cesse (et vraiment... c'est TRÈS répétitif, un des seuls reproches qu'on puisse faire à l'oeuvre) de tomber de Charybde en Scylla sur 360 pages. Partout où elle va, elle sera violée, torturée, victime de chantage, accusée de meurtre, etc. Avec à la clé, des joutes verbales incroyables, car chez Sade, les voleurs, criminels, pervers les plus dérangés, toute la lie de la société, sont de formidables raisonneurs et philosophes, qui défendent dans des argumentaires magistraux leurs pratiques et vues morales. le roman est ainsi structuré : Justine arrive quelque part, chez quelqu'un, elle se fait duper et se retrouve prisonnière des plaisirs et des infâmies de son hôte, mais avant ou après la scène orgiaque, nous avons droit à la justification par le forban de ses "affreux systèmes" comme Justine les appelle, avec même à la clé arguments d'autorité. Je dois dire que les premiers sont assez extraordinaires, on dirait presque du pré-Hugo, encore une fois version trash, car le grand Victor ne saurait voir cela : Sade justifie le crime, la légitimité à exercer le mal, à cause de la pauvreté terrible, des inégalités qui s'abattent sur ceux qui sont devenus des malfrats. Les tirades en faveur de l'athéïsme, qui montrent à la pauvre et vertueuse Thérèse (identité factice de Justine durant toutes ses aventures dégradantes) que Dieu est forcément absent ou mauvais vu ce qu'il arrive à sa plus fidèle disciple et à quel point les brigands triomphent toujours d'elle, sont également assez jouissives. J'ai pensé à La Fontaine aussi, lorsque la pyramide de la Création est remise à plat, que toute vie, jusqu'à la plus misérable, est défendue, justifiant ainsi le meurtre, puisqu'il nourrit les vers!

Mais au fur et à mesure que le roman se répète et que les délires des tortionnaires empirent, on se lasse et on adhère moins, particulièrement quand il s'agit évidemment de défendre l'infanticide, le sadisme à proprement parler, le plaisir du meurtre, etc. Mais l'exercice rhétorique, de la part de Sade, est tout de même louable. La fin est plutôt inattendue, et j'ai bien ri.

Par le caractère systématique des pièges et horreurs dans lesquels tombe Justine/Thérèse, et l'omniprésence du Mal, cela peut être une lecture difficile et rebutante pour beaucoup de lecteurs, âmes sensibles s'abstenir... Malgré l'humour gras à certains passages, le côté parodie des romans de l'époque et la naïveté incorrigible de Justine qui prêtent parfois à rire.

Sade est en effet souvent apparenté au roman noir, ou perçu comme un précurseur... Je ne suis pas vraiment convaincu par cette étiquette. Certes, il donne à voir une société ENTIÈREMENT gangrénée par le vice et la corruption, où Justine, et seulement deux ou trois véritables bienfaiteurs, sont des exceptions... Mais on reste tout de même dans une ambiance, une écriture (magnifique, soit dit en passant, bien qu'elle aussi répétitive) et une construction romanesque caractéristiques du XVIIIe siècle.

Ce qui est drôle, c'est qu'il existe trois versions de ce roman, de la plus soft à la plus hard. Celle-ci est l'intermédiaire. Je n'ose imaginer la troisième (La Nouvelle Justine)...

Me voila convaincu, malgré évidemment le petit lot de réserves! J'en lirai certainement d'autres plus tard, j'en ai quelques-uns... En attendant, je pense revenir à une de mes idoles de toujours...

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« Tout le monde veut savoir ce que c'est qu'un tel ouvrage ; on le demande, on le recherche, il se répand, les éditions s'épuisent, elles se renouvellent, et le poison le plus cruel circule avec l'abondance la plus funeste ». Voici ce qu'on pouvait lire en 1797 dans un article du Spectateur du Nord. Un poison des plus cruels la Justine de Sade ? Il est vrai que l'histoire est assez déroutante et bien loin de la catharsis morale définit par Aristote. Justine est probablement l'un des personnages de fiction les plus vertueux de toute la littérature française, tandis que sa soeur Juliette jouit d'un hédonisme mesquin immodéré.Bien loin respecter les valeurs morales (qui font gagner les « gentils » et perdre les « méchants ») si chères à la littérature du XVIIIème siècle, Justine connaîtra l'enfer sur terre à cause de ses bonnes actions. Soulignons-le, c'est bien à cause de ses bonnes actions qu'elle vivra un enfer : la causalité est bien mise en évidence. A chaque fois que la jeune fille aide un homme dans la détresse, il en vient à la séquestrer, à la violer et à lui faire subir les pires sévices sexuels, parfois en compagnie d'autres hommes. Justine va de tableaux d'horreur en tableaux d'horreur. Si bien qu'elle ne peut qu'abdiquer face à la folie et la terreur que lui inspirent de tels personnages. Souvent, elle n'est pas la seule esclave sexuelle au sein de ces demeures, ce qui renforce la personnalité abjecte des ravisseurs.

Mais Justine s'échappe à chaque fois. Et à chaque fois, sa vertu la pousse à aider un autre homme dans la détresse. Elle ne comprend pas la leçon. Aucun homme ne lui est redevable dans l'oeuvre. La causalité entre ses bonnes actions et les malheurs qui suivent est évidente mais la jeune femme ne s'en rend jamais compte. Et c'est en cela que la lecture de Justine est épouvantable. On lit l'oeuvre de Sade avec une quasi-fascination pour le masochisme manifeste de la protagoniste.A cette quasi-fascination s'ajoute un sentiment de trop-plein, de dégoût. le style de Sade est volontairement logorrhéique, étouffant, avilissant. Les péripéties se répètent selon un schéma identique : Justine aide un homme dans le besoin, l'homme en guise de remerciement lui propose un travail, un hébergement ou une récompense quelconque qu'il faut aller chercher dans sa « maison », Justine accepte, elle se retrouve séquestrée comme esclave sexuelle... Puis elle se libère in extremis, aide de nouveau un homme dans le besoin qui lui proposera une récompense etc. etc. etc. On en vient à la conclusion que Justine est masochiste. Elle pense agir pour le bien, mais en réalité, force est de constater que Dieu ne lui veut pas de bien et qu'elle désire – même inconsciemment- le mal.

Certes, le marquis de Sade arrive à imager avec presqu'élégance les scènes les plus terribles, mais l'intérêt de l'oeuvre ne réside pas uniquement dans ceci. En effet, à plusieurs occasions (généralement après la jouissance, quand l'esprit est apaisé), Justine discute avec ses ravisseurs. Elle leur demande notamment pourquoi ils sont si mauvais. Chaque ravisseur, quelque soit son degré de dépravation, assure sa propre défense à travers une rhétorique maîtrisée qui peut chambouler l'esprit des lecteurs les moins avertis. L'un de ces arguments consiste notamment à dire que c'est la nature qui a placé en eux de telles dépravations (la coprophagie par exemple), et donc, qu'ils ne font que suivre leurs pulsions naturelles. En trois lignes, l'argumentation semble peu solide, mais plongé dans le roman, le lecteur se surprend à chercher en quoi l'argumentation ne peut pas tenir. le malaise survient lorsqu'on ne sait pas quels arguments opposer face à de tels atrocités verbales. Sade renverse totalement les codes de la littérature morale. Les ravisseurs se font l'avocat du Diable et grâce à une rhétorique maîtrisée, les lecteurs les plus influençables risquent fort de se poser des questions. C'est pour cela qu'il n'est pas étonnant de parler de cruel poison en évoquant cette oeuvre. Il est un poison pour les esprits les moins solides. Pour les autres, Justine ou les malheurs de la vertu représente une lecture rare, qui peut mettre mal à l'aise, écoeurer, mais qui, ne l'oublions pas, comporte tout de même un humour noir audacieux et parvient à fasciner.
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Ce n'est pas parce que la réalité de l'histoire du 20e siècle a égalé en horreur les récits sadiens que cela justifie de considérer Sade comme génial, ce qui pour moi relève de la farce. La transgression pour toute philosophie génial effectivement !!! Pourquoi pas la réhabilitation et l'apologie d'Hitler pendant qu'on y est ! Mais au bon train où vont la sottise et la déliquescence des sociétés, ça ne saurait tarder. Comme disait ma grand mère « tu viendras pas me pleurer dans mon jupon après ! ».
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l'expo inspirée de Sade au grand palais me fait ressortir ce livre lu depuis longtemps;j'avais bien aimé découvrir cet esprit si particulier en parallèle avec ma découverte de la philosophie...quelque part de quel principe de base partons nous pour envisager nos relations aux autres
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J'ai beaucoup aimé ce livre, d'abord parce que Sade (modernisons son nom en enlevant son titre) écrit très bien. Il est de ces écrivains qui sont agréables à lire, qui ne lassent pas mais au contraire savent prendre le lecteur pour lui raconter une histoire. Sade est très moderne et aussi fort ancien, ce qu'il raconte est hors du temps. Il a résolu le problème d'Achille dans l'Iliade concernant l'immortalité. Sade n'a pas besoin d'une vie courte et glorieuse pour rester dans les mémoires, non, il lui suffit d'une plume. Sade c'est la prison, peu importe le régime, il déplait à tous les pouvoirs en place, sauf aux lecteurs. Pourquoi ne plait il pas à ceux qui sont en haut des pyramides de pouvoir? C'est tout simplement parce qu'il parle de ce qui ne devrait jamais être raconté. Seul le fou du roi pouvait ainsi parler librement mais pourvu que ce soit pour faire rire et jamais contre le roi. Sade montre que c'est le plus criminel qui est en haut, le plus cynique, le plus impitoyable. Les agneaux eux ont juste droit de bêler et de se faire tondre. La vertu conduit au malheur...Mais non, les moutons ont besoin d'illusions pour bien bêler. A eux l'herbe, aux dominants leurs viandes bien rôties. C'est amusant, pas de quoi mettre un Sade en prison, sauf que les dominants n'ont aucun humour et Sade connaîtra presque la prison à vie. Oui, j'aime cette liberté de l'écrivain, qui parle de ce dont il a envie de parler et ne se refuse rien, peu importe les conséquences. Ce courage là, méritait bien l'immortalité !
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