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EAN : 9782072989766
221 pages
Gallimard (09/03/2023)
2.95/5   11 notes
Résumé :
« Parfois, je rêve, je me vois donnant des coups de pinceau, le sang me monte aux yeux, je reprends du poil de la bête, je saccage les verts, laisse tomber des chapes de bleus sur la toile. Je suis alors aux anges, au milieu des tubes, je patauge au milieu des flaques de couleurs, et l’homme qui est à côté sans y être ne devient plus qu’un lointain souvenir, un feu follet, un crissement sur le grain de la toile. »

Ce roman est le portrait d’Edward Hop... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Des mots magnifiques, autant que tristes, à l'ombre de ce grand artiste, qu'était Edward Hopper.
"Les jours avancent comme des murs froids. Dans tous les recoins, les silences s'enroulent, se lovent sur eux-mêmes, des nids de vipères, retors, tous crocs dehors. Ils attendent que l'on passe devant, qu'on les piétine, qu'on les mette à nu, les batte à mort, les heures crachent leur venin à chaque secousse, les jets, les crocs, les minutes tanguent, lèchent les plaies, avalent les couleuvres. La lumière comme une poignée de riz s'éparpille dans les pièces, se jette, folle, à nos cous, se cale contre nos ventres, nous farfouille les entrailles comme le ferait un couple qui s'aime en corps."

Josephine, nous décrit sa vie, auprès de son mari, le grand peintre Edward Hopper. En 1910, c'était cotillons, paillettes et guirlandes. Ils se sont vraiment mis ensemble en 1923. Tous les jours, c'était la fête, le bonheur, les sorties, puis petit à petit, tout à changer.
"Je te regarde. Mais tu es loin, toujours, encore loin de moi, loin de cette vie à deux qui n'en est plus une. tu aimes les fleurs, les pudiques, les éhontées, les boursouflées, tous les types de fleurs, et pourtant tu ne m'en a jamais offert, ou si peu, à peine quelques bouquets, composés à la va-vite. de même tu détestais les bijoux, les parures, les colliers, dans tes toiles on n'en verra d'ailleurs aucun, pas plus, avec les années, qu'on ne les verra à mon cou. A nos débuts, on allait aux bals, histoire de se dégourdir les jambes, puis on a cessé de le faire, ton corps devenant chaque fois plus grand, plus large, plus lourd."

Josephine, aussi peignait, mais elle s'était mise en retrait, pour être toujours prête à servir, son mari. Elle l'aimait au point de s'oublier. Pour pouvoir le garder, à défaut d'être sa femme, elle aura été toutes les femmes à la fois, ainsi que son modèle. Elle tenait les comptes, se promenait et était toujours là pour lui. Au fur et à mesure le silence s'est installé entre eux, plus de câlins, l'amour s'est égaré en chemin.
"Parfois, la nuit, tu te colles contre moi, les mains encroûtées, la paume qui râpe. Ta peau se frotte à la mienne, comme une grande allumette gelée, aucune envie que tu me prennes, que tu me levures, me lèves, me lèvres, encore moins que tu entres en moi. Tu te tournes, te mets alors sur le dos, puis sur le côté, rectifies l'angle, te lasses, et enfin te tasses."

Un pas de deux de Javier Santiso, c'est l'histoire belle mais âpre, de ce couple, à travers les yeux de Josephine, on découvre aussi l'ambiguïté de leurs sentiments. Elle aura tout sacrifié. A la mort de son mari, il laissera trois mille cent cinquante-six oeuvres, qu'elle fera don ainsi que deux cents des siennes au Whitney Museum of American Art.
La vente des toiles de Hopper, ont eu un succès fou, celles de Jo ont été données et il aura fallu de nombreuses années avant qu'elles réapparaissent.

Edward Hopper, aimait le bleu et en mettait partout.
"Ah, ces bleus. de toutes tes couleurs la préférée, la chouchoute. Tu l'as mise un peu partout. le bleu du ciel de cette femme, en tenue légère, qui semble flairer le soleil. le bleu de la mer, embusquée derrière les hautes herbes, elles couleurs fauves, tout en épis. Les bleus tantôt nus, tantôt durs, presque turquoise, saphir, émeraude, dans les sorties en voilier, presque nuit, décoiffés, hirsutes, au-dessus des villes. Les bleus plaqués au sol, aux murs, derrière les voies ferrées, les bleus embusqués sur les toits, ceux qui tirent, ricochent, te criblent de balles logées en plein coeur.

Ce huis clos, est beau et bien écrit, du moins c'est mon ressenti personnel. Je lis très rarement ce genre de livre. Ces phrases poétiques, décrivent superbement les sentiments de Josephine.
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J'ai déjà souvent évoqué mon goût pour Edward Hopper. Je crois même l'avoir chanté. le hasard, que je sollicite parfois à la bibliothèque de ma ville, ça consiste à prendre le premier roman, ou presque, qui vous tombe sous la main, m'a procuré une drôle de surprise. Pas si drôle en fait. Tout sauf drôle. Mais c'est un livre impressionnant que nous propose Javier Santiso, auteur d'origine espagnole qui écrit en français. Un pas de deux c'est, en stylo subjectif, la vie commune de Hopper avec sa femme, racontée par elle-même, Josephine.

Joséphine, elle-même peintre un temps honorée, puis éclipsée, vivra des décennies avec Edward. Et ce ne sera pas facile tous les jours. Amants orageux. Mais il y a autre chose. Edward apparait comme colérique, presque méprisant, un personnage glacial, arctique, ce qui ne surprendra guère. Josephine, en fait, deviendra son modèle, quasi unique et exclusif, ce qui exclura aussi son propre talent. Et tout le roman, toute la narration de Joséphine (et de Javier Santiso), épouse en fait assez vite la vie du couple et la difficulté d'être. Tous les amateurs de Hopper, et je les crois nombreux, savent que ce n'est ni la truculence, ni la joie de vivre, qui inondent l'oeuvre du maître. Les années de bonheur auront été fugaces. Et bien rudes les décennies suivantes.

Je trouve Un pas de deux assez fascinant et créant un vrai miracle. Ce livre ne retrace que le couple Edward-Josephine au long des jours. il semble que rien d'autre n'existe au monde. Hallucinante dissection que ces 240 pages durant lesquelles Josephine décrit son quotidien comme une spéléologue le gouffre où elle tente de survivre. Car c'est bien de survie qu'il s'agit tant l'acuité et la profondeur du regard de l'auteur sont saisissantes. Est-elle à peu près objective? La sinistrose qui nous guette devant les tableaux de Hopper est si prégnante qu'elle accompagne aussi le lecteur. Une petite dose de masochisme est requise, éventuellement, pour goûter cet ouvrage. Hopperien en diable depuis toujours, j'ai accueilli favorablement ce faux journal de Josephine.

On se sent si mal à voir certains tableaux que c'en est une joie rare. Il semblerait que cela ait été le cas pour Josephine. Paradoxal et contradictoire, comme l'oeuvre du peintre, ce roman est une sorte d'exploit, qui laisse cependant exsangue. Josephine qui, il faut bien le dire, aurait été elle-même difficile, ombrageuse, jalouse ô combien. Qui des deux fut prisonnier de l'autre? Bon d'accord...match nul pour ce pas de deux, un vrai tango morbido.

Notre chorégraphie pitoyable. Deux partenaires désajustés, l'un trop grand, l'autre trop petit, nos corps qui n'ont jamais réussi à s'imbriquer l'un dans l'autre, à s'ajuster aux creux, aux angles. Une vie à deux et seuls.

P.S. J'ai conscience de ne pas avoir été des plus clairs. Une minute de cabotinage peut-être. Reste le limpide, le catégorique:l'art d'Edward Hopper.
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Se mettant dans les pas de la femme de Hopper et lui donnant le statut de narratrice de sa propre vie, Javier Santiso offre un portrait très particulier du peintre auquel sa femme a tout sacrifié - même son oeuvre.

L'auteur dit de manière froide - quoique moins "arctique" que celle de Hopper pour sa femme - une vie de frustrations et de foirades.

Bref une vie de spoliations dans laquelle Jo ne fut femme qu'en devenant le modèle pour un mari exigeant et colérique.

Tout est évoqué dans le détail. le ressentiment est là mais non sans discrétion. Ce qui donne à une telle évocation plus de force.

Dans un couple d'artistes, y a t-il de la place pour deux (égos surdimensionnés) ? C'est la question que je me suis posée en lisant Pas de deux de Javier Santiso. Qui connait aujourd'hui Josephine dite Jo Hopper, la femme d'Edward Hopper, qui exposa pourtant aux côtés de Modigliano et de Man Ray ?
Javier Santiso, traducteur de Christian Bobin, met cette femme en lumière aujourd'hui à travers Pas de deux, choisissant de raconter plus que la vie d'un peintre, celle d'un couple.

Un couple qui s'est connu à 40 ans seulement, n'a pas eu d'enfants, s'est éloigné peu à peu de tous leurs amis, et vivant replié l'un sur l'autre, de caractère très différent, s'est déchiré mais ne s'est jamais quitté.

Ont-ils passé un pacte ? Elle a cessé de peindre mais a été son modèle unique, toutes les femmes présentes sur les tableaux, quelque soit la couleur de leurs cheveux, leur tenue, c'est elle.

"Pour toi, j'ai été toutes les femmes. D'une toile à l'autre, j'ai endossé toutes les jupes. Habillée, déshabillée, brune puis blonde, parfois même rouquine […] j'ai été l'amante, la passante, la cliente, j'ai tenu tous les rôles, moi qui voulais être comédienne, j'ai été servie."

le bonheur avec Edward Hopper a été de courte durée. Ce que nous raconte Javier Santiso est l'histoire d'un couple qui ne peut se passer l'un de l'autre mais qui manque d'air, qui suffoque, qui est deux solitudes qui cohabitent. Avec une plume très imagée, Javier Santiso dessine un couple où le désir est absent, où même les mots se sont taris.Jo Hopper n'est pas pour autant présentée comme une victime. L'auteur met en exergue une de ses citations « Bien-sûr s'il ne peut y avoir de la place que pour l'un d'entre nous, ce sera indubitablement pour lui.« .

Abandonnant la peinture, elle s'est tournée vers l'écriture, plus de vingt carnets ont été trouvés après sa mort (est ce sur ce matériau que l'écrivain s'est appuyé ?). N'est-il pas aussi un peu question de l'auteur lorsqu'il parle d‘écriture ou de l'importance des livres ?

De même, on n'écrit non pas pour vivre mais bien pour survivre, pour durer, pour perdurer, on écrit, pour ajouter à la vie vécue, une nouvelle vie, plus forte, plus neuve, pour s'inventer de toutes pièces, une ruelle étroite, un crime parfait qui nous fasse enfin renaître, qui ne se termine pas en cul de sac.

Effets collatéraux du roman Pas de deux
Si j'enrage d'avoir raté la rétrospective consacrée à Edward Hopper à Paris en 2020, si je suis fascinée par les jeux d'ombre et de lumière sur ses tableaux et l'immense solitude qui se dégage de chacun d'eux, j'ai une connaissance très à la surface de son oeuvre.

J'ai beaucoup aimé en apprendre plus sur la chronologie de certaines peintures, sur leur contexte et l'analyse très sensible qu'en livre Javier Santiso.

Cela m'a donné envie de replonger plus en détails dans les tableaux de Hopper.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Dans ce roman de Javier Santiso la narratrice est Joséphine, la femme d'Edward Hopper, qui raconte son mariage tumultueux avec l'artiste.
A la lecture de ce livre, l'expression « de l'amour à la haine il n'y a qu'un pas » prend tout son sens … Chien et chat, Edward et Joe ont vécu une relation où se sont mêlés l'amour, la tendresse (un peu), la passion (au début), l'admiration, la compassion, le soutien, les rancoeurs, le mépris, la colère, les cris, la violence …
J'ai été assez surprise par le style de ce premier roman, très poétique, peut-être trop pour moi. Je me suis un peu perdue dans les envolées dont on pourrait faire de chaque paragraphe une citation.
Écrit comme un journal, ce livre est néanmoins intéressant tant pour mieux connaître la vie conjugale de cet artiste que pour se rendre compte de la place de la femme en Amérique dans les années 50, et que les sentiments dans un couple sont souvent les mêmes bien que ceux de Joséphine soient vraiment très forts, sûrement à la hauteur de sa personnalité.
L'auteur nous rappelle que toute l'oeuvre de Joséphine, léguée au Whitney Museum avec celle d'Edward, a été dispersée car jugée moins intéressante que celle de son époux … il reste aujourd'hui très peu de pièces de cette artiste pourtant reconnue dans sa jeunesse.
Je suis donc plutôt mitigée sur cette lecture qui, bien qu'intéressante sur certains points, m'a semblé longue et pesante.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le plus difficile n’est pas de dormir seule mais à deux en étant seule. Dormir sans dormir. Se trouver à quelques centimètres l’un de l’autre, à quelques effractions de seconde mais qui sont infinies, autant d’années-lumière. Alors les souvenirs de l’enfance remontent à la surface, les choses de la vie, celles qui serrent la gorge, celles qui coulent de source, qui nouent, qui ne lâchent pas prise. Au début tout glisse, toi et moi sommes ce couple de patineurs, assortis, brillants, costumés, serrés, corsetés, la jupe s’envole, nos corps prennent leur élan, montent, retombent, tandis que toi, mon cavalier, les cuisses dures, tu me tiens par la ceinture.
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Cette toile, " Les Noctambules ", ce sont toutes les histoires possibles, tout le vide de nos vies, étalées à la vue du monde.Celles de deux tueurs à gages qui attendent leur victime, un ex- boxeur, dans une brasserie.Celle de la femme en rouge,moi, qui retrouve dans ce bar un amant disparu, revenu, tout se passe au ralenti, tout est dans le non-dit,dans les interstices, dans ce qui ne se passe pas et ce qui se passe.Ici pas de tourbillons ni de retrouvailles, juste des oiseaux de nuit, et un soir d'été qui tombe, qui traîne des pieds, tous, le regard dans le vide.

( p.33)
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Un jour, je me remettrai à peindre, c'est promis, juré, craché. Un jour je sortirai de ce trou, de ma vie avec toi, cette vie sans toi, même quand tu es là. Un jour je sortirai de terre, en remuant les os, je cesserai d'être petite et ronde, tassée comme un boulet de canon, sans berges ni grands larges, pleine de courbatures et de ratures. Un jour, je sortirai de cette maison qui n'en est pas une et, sur le seuil de la porte, le vent me giflera pour me réveiller une fois pour toutes, les nuits dormiront enfin debout et rêveront tout haut, très haut.

( p.19)
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Pour toi, j’ai été toutes les femmes. D’une toile à l’autre, j’ai endossé toutes les jupes. Habillée, déshabillée, brune puis blonde, parfois même rouquine […] j’ai été l’amante, la passante, la cliente, j’ai tenu tous les rôles, moi qui voulais être comédienne, j’ai été servie."
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Un pas de deux. Ainsi devait s’intituler notre histoire. Notre chorégraphie pitoyable. Deux partenaires désajustés, l’un trop grand, l’autre trop petit, nos corps qui n’ont jamais réussi à s’imbriquer l’un dans l’autre, à s’ajuster aux creux, aux angles. Une vie à deux et seuls.
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