Des mots magnifiques, autant que tristes, à l'ombre de ce grand artiste, qu'était
Edward Hopper.
"Les jours avancent comme des murs froids. Dans tous les recoins, les silences s'enroulent, se lovent sur eux-mêmes, des nids de vipères, retors, tous crocs dehors. Ils attendent que l'on passe devant, qu'on les piétine, qu'on les mette à nu, les batte à mort, les heures crachent leur venin à chaque secousse, les jets, les crocs, les minutes tanguent, lèchent les plaies, avalent les couleuvres. La lumière comme une poignée de riz s'éparpille dans les pièces, se jette, folle, à nos cous, se cale contre nos ventres, nous farfouille les entrailles comme le ferait un couple qui s'aime en corps."
Josephine, nous décrit sa vie, auprès de son mari, le grand peintre
Edward Hopper. En 1910, c'était cotillons, paillettes et guirlandes. Ils se sont vraiment mis ensemble en 1923. Tous les jours, c'était la fête, le bonheur, les sorties, puis petit à petit, tout à changer.
"Je te regarde. Mais tu es loin, toujours, encore loin de moi, loin de cette vie à deux qui n'en est plus une. tu aimes les fleurs, les pudiques, les éhontées, les boursouflées, tous les types de fleurs, et pourtant tu ne m'en a jamais offert, ou si peu, à peine quelques bouquets, composés à la va-vite. de même tu détestais les bijoux, les parures, les colliers, dans tes toiles on n'en verra d'ailleurs aucun, pas plus, avec les années, qu'on ne les verra à mon cou. A nos débuts, on allait aux bals, histoire de se dégourdir les jambes, puis on a cessé de le faire, ton corps devenant chaque fois plus grand, plus large, plus lourd."
Josephine, aussi peignait, mais elle s'était mise en retrait, pour être toujours prête à servir, son mari. Elle l'aimait au point de s'oublier. Pour pouvoir le garder, à défaut d'être sa femme, elle aura été toutes les femmes à la fois, ainsi que son modèle. Elle tenait les comptes, se promenait et était toujours là pour lui. Au fur et à mesure le silence s'est installé entre eux, plus de câlins, l'amour s'est égaré en chemin.
"Parfois, la nuit, tu te colles contre moi, les mains encroûtées, la paume qui râpe. Ta peau se frotte à la mienne, comme une grande allumette gelée, aucune envie que tu me prennes, que tu me levures, me lèves, me lèvres, encore moins que tu entres en moi. Tu te tournes, te mets alors sur le dos, puis sur le côté, rectifies l'angle, te lasses, et enfin te tasses."
Un pas de deux de
Javier Santiso, c'est l'histoire belle mais âpre, de ce couple, à travers les yeux de Josephine, on découvre aussi l'ambiguïté de leurs sentiments. Elle aura tout sacrifié. A la mort de son mari, il laissera trois mille cent cinquante-six oeuvres, qu'elle fera don ainsi que deux cents des siennes au Whitney Museum of American Art.
La vente des toiles de Hopper, ont eu un succès fou, celles de Jo ont été données et il aura fallu de nombreuses années avant qu'elles réapparaissent.
Edward Hopper, aimait le bleu et en mettait partout.
"Ah, ces bleus. de toutes tes couleurs la préférée, la chouchoute. Tu l'as mise un peu partout. le bleu du ciel de cette femme, en tenue légère, qui semble flairer le soleil. le bleu de la mer, embusquée derrière les hautes herbes, elles couleurs fauves, tout en épis. Les bleus tantôt nus, tantôt durs, presque turquoise, saphir, émeraude, dans les sorties en voilier, presque nuit, décoiffés, hirsutes, au-dessus des villes. Les bleus plaqués au sol, aux murs, derrière les voies ferrées, les bleus embusqués sur les toits, ceux qui tirent, ricochent, te criblent de balles logées en plein coeur.
Ce huis clos, est beau et bien écrit, du moins c'est mon ressenti personnel. Je lis très rarement ce genre de livre. Ces phrases poétiques, décrivent superbement les sentiments de Josephine.