L'intégrale de L'Arabe du futur retrace les souvenirs de
Riad Sattouf, lorsque, enfant puis adolescent dans les années 80-90, sa famille navigue entre la France et le Moyen-Orient, notamment en Syrie, dans un village près de Homs d'où son père est originaire. A l'occasion de la naissance de ses deux frères, Yahya et Fadi, il revient en France, où l'on découvre l'autre versant familial, breton cette fois-ci.
Avec ses souvenirs mêlés d'images, d'impressions et d'odeurs,
Riad Sattouf apporte un témoignage sur sa vie à la maison ou à l'école en France et en Syrie, ses premiers dessins lorsqu'il est, aux yeux de tous, « un homme parfait ». Il met en scène la tension permanente entre ses parents, la dureté de son père, la mélancolie de sa mère, la présence bienveillante et l'aide précieuse de ses grands-parents maternels.
Il aborde sans détours la religion montante et le négationnisme de son père, l'opposition entre juifs et musulmans, la violence et les rites du quotidien, sa propre circoncision.
De retour définitivement en France, à l'adolescence, il raconte de façon plus légère ses premiers émois mais aussi ses tourments de jeune garçon qui se cherche. Il découvre «
L'appel de Cthulhu » de
Howard Philips Lovecraft. Son corps change. Si à 14 ans, il dit de
lui-même qu'il n'est « pas terrible », il se décrit à 16 ans comme un « semi-psychopathe ». Après le bac, sa voie est enfin tracée. Il accède par concours aux meilleures écoles de dessins. La réussite est au bout du chemin. Les derniers passages qui constituent l'intégrale raconte, en effet, les étapes qui ont permis à
Riad Sattouf d'asseoir son talent et sa réputation tant dans le monde de la bande-dessinée que du cinéma.
Le récit se termine en 2011, année marquée par les retrouvailles émouvantes et tant attendues avec son plus jeune frère, enlevé vingt ans plus tôt par son père et ramené en Syrie.
Sur le plan émotionnel et culturel, le récit est très riche. A travers le regard et la psychologie d'un enfant puis d'un adolescent, nous suivons, en réalité, le monde avec une focale bien plus large. le chemin de vie atypique de l'auteur, parsemé d'images et de récits drôles et terrifiants constitue une toile fond évocatrice sur le contexte du Moyen-Orient, entre la Lybie de Kadhafi, le régime d'Hafez al-Asad puis de Bachar al-Asad en Syrie, l'Irak de
Saddam Hussein, ou encore l'Arabie Saoudite et le Liban. Dans les méandres de la grande Histoire, des petits plaisirs et des grandes blessures de la vie quotidienne, on voit se construire le jeune homme puis l'auteur de bande dessinée. Et on se réjouit que l'ombre du père finisse par s'éloigner. Seule, reste l'image du taureau porte-bonheur, dessinée sur la couverture.
Un témoignage au long cours particulièrement touchant et dont la force est amplifiée à la lecture de cette intégrale. J'espère que
Riad Sattouf pourra un jour publier sa bande-dessinée dans le monde arabe comme il ne souhaite.