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Suivons le titre! L'itineraire y est indique mais le chemin reservera a coup sur des surprises. de quoi sera compose l'imaginaire de Marcel Schwob quand il s'institue biographe de personnages historiques illustres, d'autres oublies ou meconnus, et de quelques uns qui semblent n'avoir existe que dans sa tete?

Schwob revendique dans sa preface l'imagination comme compagne autorisee (et des fois plus competente) de l'erudition. Il faut verifier toutes les sources officielles, choisir, et rajouter ce qui fera de la vie qu'on raconte une vie "unique". Car seule une vie "unique" merite d'etre racontee. Toutes les autres vies devront se consoler avec un passage au purgatoire de l'histoire sociale et de la sociologie historique.

Les sources de Schwob sont diverses, qu'il les cite ou qu'il nous laisse les deviner: des poetes de l'antiquite classique, des chroniques moyennageuses, Les mille et une nuits, la Divine comedie de Dante, des contes philosophiques du 18e siècle, des contes pour enfants, des mythes et des legendes, et meme des manuscrits, des temoignages et des depositions qu'il aurait consultes a la Bibliotheque Nationale, aux Archives Nationales, ou dans les registres du Chatelet.


Schwob nous offre donc des vies ameliorees, des vies que ses heros auraient reve pour eux-memes dans leurs fantasmes les plus delirants. Dans ces contes (car ces biographies imaginaires sont pour moi des contes) les protagonistes poursuivent un projet chimerique, vain, eloigne de toute realite, aveugle a la materialite du monde, et qui les projette vers la mort. Tous les contes sont empreints de solitude et de merveilleux, de souffrance et d'etrangete, de vulnerabilite et de fantastique, de doute, de cruaute et d'angoisse, de l'ambiguite de toute existence, et surtout d'une obsessive interrogation sur l'identite humaine. A contrecourant de tout positivisme, de tout scientisme, Schwob insiste sur le mystere de la vie, sur les interrogations qu'exister exige. C'est comme s'il proposait des experimentations sur l'existence, des tests verifiant des possibilites de vie. Et le point d'orgue en est toujours la mort. le livre pourrait s'appeler morts imaginaires (et si j'appuie lourdement sur l'effet: morts exemplaires). Lui-meme, deja gravement malade, voyagea jusqu'a Samoa chercher une tombe (celle de Stevenson) qu'il ne trouva pas. Ce voyage faillit lui couter la vie, ce qui fit dire a Jules Renard: "Avant sa mort il vit ses contes".


Schwob est souvent traite d'auteur mineur, mais son influence est profonde. Chez Borges, Faulkner, Perec, Bolano, Michon, pur n'en citer que quelques grands. "Dans toutes les parties du monde il y a des devots de Marcel Schwob qui se constituent en petites societes secretes", ecrivait Jorge Luis Borges. Et ce sont peut-etre ces societes qui ont travaille secretement a l'occulter aux yeux des autres, pour mieux le garder pour leurs seuls membres.

Le style fastueux de Schwob, son long souffle poetique, sa somptuosite linguistique, servent admirablement son propos. C'est un plaisir de lecture, quoique je conseillerais de ne pas franchir ce petit livre d'une seule traite. L'abus de belles histoires, de beaux textes, risque de nous gaver, de nous faire rejeter une partie. A consommer donc avec moderation. Il me faut dire que j'ai eu la chance d'avoir sous la main la merveilleuse edition de le Livre Contemporain de 1929, avec les illustrations hautes en couleur de George Barbier, gravees sur bois par Pierre Bouchet, qui enrichissent encore plus le texte.

Pas une petite friandise, un regal; ce livre a ete pour moi un regal, pour l'esprit et pour les sens.
4 etoiles.

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Dans sa préface, Marcel Schwob déclare que ce n'est pas la vérité qui compte dans la biographie. La messe est dite. La suite est une ribambelle de personnages factices, à l'ombre de ceux dont l'historicité est attestée, croqués sur quelques pages, par ce mémorialiste de l'affabulation.

Ce qui frappe avant tout, c'est l'érudition. Schwob n'est pas une lecture aisée. le style résolument soutenu, les précisions historiques fouillées, le vocabulaire suranné exigent une lecture plus qu'attentive.

Le piège de ces vies imaginaires sur fond d'histoire avérée, c'est le doute. le doute s'immisce, tel un mirage, dans l'esprit embrumé du lecteur. L'auteur brouille les pistes avec son « mentir-vrai » - pour reprendre le mot d'Aragon - faisant interagir un personnage fictif avec Diogène, Jeanne d'Arc, Pocahontas ou Alexandre le Grand. Commence alors la traque de chacun des détails semés par le narrateur afin d'en séparer le blanc du jaune. Est-ce « seulement » un vaste délire mythomane génial ou bien des détails extrêmement précis et réels, fruits d'une méticuleuse besogne de chercheur, s'entrelacent-ils dans les creux des reliefs de ces vies inventées ?

L'auteur déroule le fil de ces existences, naviguant au gré des civilisations antiques ou de la renaissance italienne, de leurs parfums, leurs oracles, leurs horreurs et leur philosophie, le tout dans une prose poétique.

Ces contes, défis ludiques et accomplissements créatifs pour leur auteur, nous emmènent en balade, flâneuse et alerte, à travers les recoins les plus inattendus de l'Histoire et feront passer un moment agréable aux amoureux des auteurs oubliés.
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Avec le temps la mémoire se meurt mais les écrits reste bien vivants. Des vies disparaissent à jamais d'autres sont immortalisées par les écrivains.
Dans cet ouvrage, des auteurs connus ou anonymes nous racontent des vies réelles ou imaginaires.
A toutes les époques, des écrivains, parmi les plus « grands » se sont essayés à la biographie, certains s'en sont fait une spécialité. Précédés à chaque fois d'une intéressante notice expliquant l'histoire des textes, ces différents écrits montrent, s'il était besoin, le pouvoir de l'écriture. Certains auteurs prenant des « libertés » avec les faits.
C'est un peu la « biographie » dans tous ses « états », sous toutes ses formes, ou les auteurs s'en donnent à coeur joie. Les méthodes varient de la recherche à partir de documents, où l'improbable est éliminé au profit du plausible à l'invention pure et simple. L'on va de l'anecdote à la biographie complète, parfois sur le ton de la « raillerie »ou sur un ton comique. Les amateurs de biographie et de jeux littéraires seront comblés, ils trouveront un intérêt dans la vie d'un personnage ou dans la manière qu'a un écrivain de la raconter.
L'idée de regrouper diverses« biographie » est originale, on peut espérer un deuxième tome, même si celui-ci n'est pas présenté comme le premier d'une éventuelle série.
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Ah, voilà un excellent livre! Qui s'inscrit dans la longue tradition des recueils biographiques.
Dans la préface Marcel Schwob fait une sorte de profession de foi littéraire, il insiste sur l'importance de rendre avec justesse les traits d'un caractère unique, d'une personnalité. Mais plus on avance dans le recueil, plus on se doute qu'il y a bien d'autres choses dans ces petites biographies de quelques pages.
On peut tout de même faire des parallèles, donner deux ou trois grandes lignes directrices. La figure d'Empédocle, par exemple, qui ouvre le recueil, avec sa théorie des éléments, est évoquée plusieurs fois, comme une sorte de génie tutélaire.
Dans l'ensemble, ce sont surtout des personnages historiques qui sont mis en scène, pas les plus illustres ou les plus éminents, mais dont on trouve quand même des notices biographiques sur Wikipédia (en beaucoup plus ennuyeuses et moins colorées que celles de Schwob). L'auteur a choisi des Vies un peu obscures, secondaires : Cratès plutôt que Diogène, Publius Clodius Pulcher plutôt que Cicéron, Cecco Angiolieri plutôt que Dante, Gabriel Spenser plutôt que Ben Johnson. On trouve aussi deux ou trois illustres inconnues, les vies minuscules de prostituées. Et une ou deux histoires extraordinaires ou légendaires. Toutes sont édifiantes puisqu'elles se finissent invariablement par la mort des acteurs principaux, qu'ils soient pauvres, cupides, orgueilleux ou niais.
Plus on avance dans le temps, plus on se rapproche de la fin, plus on se rend compte que toutes ces vies sont de plus en plus imprégnées par l'infamie. de la décadence romaine aux tueurs en série modernes, en passant par les pirates, c'est sanglant, cruel et immoral. Et je pense surtout à la fantastique histoire de Cyril Tourneur, fils de dieu, athée et tueur de roi, un petit bijou de noirceur, magnifique du premier au dernier mot. Mais ça peut-être aussi très drôle, comme l'inénarrable et truculent pirate analphabète Walter Kennedy.
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Un bonheur de lecture presque constant. Vies contées comme des légendes, vies contées par des détails triviaux, poésie, ironie.... une promenade où picorer l'intelligence.
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Un ouvrage qui a notamment inspiré, selon ses propres dires, Jorge Luis Borges (L'histoire universelle de l'infamie) - et après lui, Pierre Michon - on pense notamment à ses "Vies minuscules" ou à "Vie de Joseph Roulin". Citons également la "Synagogue des iconoclastes", de J. Rodolfo Wilcock, les "Portraits réels et imaginaires" d'Alfonso Reyes, et Roberto Bolaño, avec "La Littérature nazie en Amérique".
On lit dans l'article de Philippe Lançon, publié dans Libé le 26-6-2003 (https://www.liberation.fr/livres/2003/06/26/69-raisons-de-danser-avec-bolano_437936/)
Bolaño aime Schwob : son humour, son élégance désespérée, son extrême curiosité. «Un jour, explique-t-il, Jules Renard et lui décident d'aller voir Verlaine, sorte de vagabond en phase terminale. Nul ne sait où il erre, sauf Schwob, qui le trouve immédiatement. Il fréquente les salons, il sait où vivent les clochards.»

C'est dire la puissance motrice de création littéraire de ces écrits, au-delà de leur modeste apparence !
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Folio propose une anthologie irremplaçable, où l'on trouvera des biographies variées, mais surtout introuvables, ou perdues dans de gros ouvrages que personne n'a envie d'ouvrir : Plutarque, les vies de saints, les vies médiévales des troubadours, etc ... La variété, aussi bien des individus que des auteurs et des époques, est très grande, ce qui est presque toujours un gage de plaisir.
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Dans sa préface, l'auteur traite de différents biographes et montre combien peu sont ceux qui s'intéressent aux détails de la vie des hommes dont ils racontent la vie – qui est alors faite d'un ensemble, d'une succession d'événements. Pourtant, ce sont ces détails qui particularisent un homme, le rendent unique, vivant dans l'histoire des êtres génériques et interchangeables. C'est le rôle du littérateur de compléter, de remplir ces biographies d'éléments particularisant, quitte à les inventer.
Marcel Schwob rejoint dans sa préface la critique qui sera adressée à l'histoire classique – une succession d'événements. L'histoire s'est depuis intéressée à la vie commune et courantes – les modes de vie des grands, des pauvres… Marcel Schwob propose de réaliser ce travail dans la fiction pour compléter par la suggestion ces vies de légendes, pour en faire devenir des personnages vivants et uniques.
Ces vies imaginaires semblent être volontairement courtes, faites uniquement de ces petits détails cruciaux qui font l'unicité du personnage. En jouant sur les détails historiques et légendaires, Schwob construit un filet de références littéraires et historiques, il intègre les personnages parmi l'imaginaire collectif C'est ce jeu littéraire qui inspirera si fort Les Fictions de Jorge Luis Borges.
Au delà du jeu littéraire sur le travail littéraire, ces biographies fictives présentent un caractère développé jusqu'à son terme, donc exemplaire comme un mythe, se présentant alors comme un support de réflexion sur un sujet. Par exemple, très brièvement : jusqu'où aller pour s'approprier le savoir ou l'amour (Erostrate, Septima), ou l'art (Paolo Uccello), jusqu'où l'application de préceptes philosophiques ou religieux (Cratès, Frate Dolcino), peut-on se détourner du désir physique (Lucrèce, Clodia), peut-on faire partie de deux mondes (Pétrone)…
Sommaire :
A partir de quelques indices de vie en grande partie inconnue, Marcel Schwob complète à l'imagination la vie de ces nombreux personnages divers.
-Empédocle, Dieu supposé : doté de pouvoirs divins qui guérissent et sauvent, il marche au milieu des hommes comme un dieu.
-Erostrate, incendiaire : se destinant à être prêtre d'Artemis et célèbre, il viola le temple d'Artemis à Ephèse pour lire les vers secrets d'Héraclite.
-Cratès, Cynique : qui se dépouilla de ses richesses pour vivre nu dans les ordures, et y eut même un disciple et une femme.
-Septima, incantatrice : esclave qui va pour se faire aimer d'un homme libre, jusqu'à invoquer sa jeune soeur morte.
-Lucrèce, poète : qui ne pouvant accomplir l'amour avec sa femme africaine, se plongea dans les écrits d'Epicure.
-Clodia, matrone impudique : qui ne put oublier ni avec son mari, ni avec Cicéron, son amour incestueux pour son frère l'effronté Clodius.
-Pétrone, romancier : qui fréquentait le bas peuple tout en étant cultivé.
-Sufrah, géomancien : sorcier qui échoua à prendre la lampe d'Aladdin, et qui tenta ensuite de s'approprier le grand sceau du roi Salomon.
-Frate Dolcino, hérétique : qui professe une nouvelle foi encore plus modeste, refusant le travail et prônant le retour à l'innocence de l'enfant.
-Cecco Angliolieri, poète haineux : laid et pauvre car il s'opposait à son père, il vécut dans l'ombre, en double négatif de Dante.
-Paolo Uccello, peintre : observateur des oiseaux, il se détache de la réalité pour la recherche de la pureté des lignes
-Nicolas Loyseleur, juge : moine dévot à la Vierge qui se charge de faire condamner Jeanne d'Arc.
-Catherine la Dentellière, fille amoureuse : orpheline ayant appris le métier de la dentelle, prend goût aux richesses faciles d'un sergent louche.
-Alain le Gentil, soldat : recruté à 12 ans quand une armée prit sa ville, et brigand tonsuré.
-Gabriel Spenser, acteur : né dans un bordel bien fréquenté par des acteurs, devint acteur travesti car il était beau et délicat.
-Pocahantas, princesse indienne qui sauve la vie d'un capitaine avant d'être enlevée par un autre.
-Cyril Tourneur, poète tragique, auteur de la Tragédie de l'athée, né d'une prostituée et d'un dieu inconnu, un jour de peste, détestant par orgueil les rois et les dieux.
-William Phips, pêcheur de trésor : qui fait fortune en repêchant le trésor d'un galion espagnol coulé près d'une île de pirates.
-Le capitaine Kid, pirate : hanté par le fantôme d'un camarade qu'il a assommé lorsque celui-ci lui a fait remarqué qu'il enfreignait ses propres règles de piraterie.
-Walter Kennedy, pirate illettré : qui par son intégrité condamne le traître et fait confiance à un homme de Dieu.
-Le Major Stede Bonnet, pirate par humeur : noble vantant la camaraderie des pirates.
-MM Burke et Hare, assassins : qui invitent un passant, lui font raconter quelque histoire, le coupe en cours et revende son corps au docteur Knox.
-Morphiel, démiurge : chargé de créer des cheveux, il tombe amoureux de son oeuvre.
Lien : https://leluronum.art.blog/2..
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Biographies fictives d'êtres authentifiés par l'histoire, la littérature, la peinture, ce livre se savoure comme un bon verre de vin...........
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Une féerie pour l'esprit. Ces Vies imaginaires ont plus de vérité que toutes les biographies savantes qui pourraient leur être opposées.
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