Dans une lettre à un critique, Mahler écrit, à propos de sa conception de la musique, "C'est pour moi toujours et seulement le son de la nature... Je ne reconnais aucun autre type de programme, du moins pour mes oeuvres" . Je ne sais pas si
Robert Seethaler avait cette phrase en tête lors de l'écriture de son roman consacré au dernier voyage de Mahler, mais elle convient parfaitement.
Un garçon sans instruction et un homme instruit, au sommet du succès, regardent tous deux vers la mer lors d'une traversée de l'Amérique vers l'Europe. Ils observent la masse infinie de l'eau avec des nuances et des yeux différents. L'étendue, qui berce le navire, est source de réflexion pour le musicien. Sur le pont, enveloppé dans une couverture, il se perd dans l'immensité de l'océan qui « … n'a pas changé. C'était la grande indifférence. Taciturne et apathique". Témoin muet des images de sa vie qui, presque comme dans un film, défilent devant lui (Seethaler est aussi scénariste). La trame de ces tableaux de vie est toujours la nature. Qu'elle soit représentée par l'immensité de l'océan ou par la bordure lacustre plus rassurante ou, encore, par le paysage urbain ; la nature entre dans chaque mouvement de la partition de la vie de Mahler.
Une écriture lyrique tisse la toile, tendant les fils d'une existence pleine de douleurs, de joies, de travail. Au centre de la toile d'araignée, la musique, qui n'est pas le protagoniste à la première personne, mais, ayant fortement imprégnée l'existence du Maestro, devient l'une des couleurs avec lesquelles peindre cette toile. Les filles, et surtout la femme, sont le pivot sur lequel se vissent les couleurs jusqu'à l'épilogue où le jeune homme retrouve le vieil homme. Comme une sorte de relais de vie, dont la musique, non explicite, représente le témoin.
Élégance, poésie sans mièvrerie. Un nouveau cadeau pour les lecteurs de Seethaler,
une révélation pour tous les autres.
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