Le compositeur évoquait devant les deux jeunes filles en visite la sculpture posée sur son piano. Un couple dansant "La valse", presque plus vrai que nature, vibrant d'intensité. Les yeux du maître des lieux papillonnaient d'une émotion doucement perceptible, un trouble qui passaient dans ses mains puissantes de sculpteur, jouant avec une création de bronze. A l'évocation de l'adresse de la famille d'Hortense, Auguste ne pût réprimer la surprise. Oui, même
Claude Debussy savait qui habitait aussi à cette adresse, l'auteure de sa "Valse" amoureuse. Hortense et son amie Luce ne l'ignoraient pas non plus. On disait que
Auguste Rodin séduisit cette fille dont vingt ans les séparaient et l'avait honteusement abandonné. Les rumeurs circulant à Meudon disaient que Camille Claudel accusait Rodin de lui avoir volé autant le fruit de son travail que son coeur. La raison la quittait peu à peu ne supportant plus la trahison. Hortense et Luce ne savaient que croire. Chacun voulait savoir, connaitre le secret de cette histoire.
: de la même veine que les titres sur les peintres
Vincent van Gogh et Leornard de Vinci, dans la même volonté d'en approcher les conditions de vie d'
artiste et le caractère,
Marie Sellier livre la relation compliquée et passionnée d'
Auguste Rodin et Camille Claudel les sculpteurs. C'est toujours au travers des regards extérieurs de ses personnages de fiction qu'elle restitue une part du réel et nous fait entrer par une histoire dans l'Histoire de
l'Art. C'est la famille Bouchon au complet cette fois qui seront nos yeux et nos oreilles, brossant tant bien que mal les contours de ces deux caractères à la réputation sulfureuse. le métier d'
artiste n'est pas bien vu et Auguste et Camille ne font pas parler d'eux en grand bien dans
la ville de Meudon. Lui, est un impénitent et scandaleux séducteur, elle, n'est plus que l'ombre d'elle même, au bord de la folie. Et c'est l'amour qui en est la raison. Des personnages tels que
Paul Claudel, le frère, viendront apporter de l'eau au moulin des très curieux Bouchon, du père au petit dernier Émile.
Marie Sellier diversifie d'une manière originale sa narration pour reconstituer le puzzle sur les raisons de l'état de Camille et la drôle de réputation de Rodin, passant du récit au style épistolaire, de
l'article de journal au témoignage du petit Émile qui se fait coursier entre Camille et Auguste. L'ensemble est astucieusement lié, le dernier mot clé du chapitre devenant le titre du suivant. Un petit jeu littéraire léger qui va contraster avec le contexte dramatique. D'abord Pygmalion et professeur, ce maître de vingt ans son aîné va devenir son grand amour. Et puis, et puis la muse dépassera le maître, le ver s'installera dans le fruit. Ne gâchons pas la découverte à trop en dire.
Marie Sellier crée une intrigue douce-amère qui sème le doute devant cette touchante sensibilité émanant du créateur de la célèbre "Porte des Enfers" et devant la descente de la pauvre Camille. La question reste en suspens quant au titre, Qui de Rodin ou de la famille Claudel ?. Camille Claudel est-elle victime d'être une femme trop amoureuse ou trop
artiste? Les explications de
Marie Sellier à la fin sont intéressantes à ce sujet. Court et puissant.