Après un prologue mystérieux et accrocheur, présentant Stéphane aux mains des autorités israéliennes, nous retournons aux sources des événements l'ayant conduit dans une prison en Israël. Stéphane, un homme de la cinquantaine perdu dans sa vie, reçoit de son oncle et sa tante un tableau peint par Eli
Trudel, un peintre juif disparu pendant la Seconde Guerre mondiale. Avec ce tableau, il découvre un pan complétement ignoré de l'histoire de sa famille : ses grands-parents auraient hébergé le peintre et sa femme, et auraient également fait partie d'un réseau de Résistance. Pourtant, quand il fait expertiser le tableau à Jérusalem, il est placé en garde à vue et traité en criminel car l'oeuvre aurait été volée à son auteur. Commence alors une enquête passionnante.
Une fois passée la présentation, un peu longue, des faits et des objectifs de Stéphane, le récit démarre réellement et bascule dans une enquête passionnante et bien rythmée qui nous fait voyager de Paris à Jérusalem, en passant par les Cévennes, l'Occitanie et l'Espagne. le récit suit une double temporalité, avec, d'un côté Stéphane qui tente de faire reconnaître ses grands-parents comme Justes parmi les Nations, de percer le mystère du tableau d'Eli
Trudel et de retracer le parcours du peintre et de sa femme en 1943, et, de l'autre, la fuite de ces deux derniers face à la violence de l'Occupation nazie.
J'ai adoré suivre l'enquête de Stéphane qui tente de reconstituer le puzzle du passé en interrogeant les rares témoins survivants, en écumant les archives du Musée de la Résistance et de la Déportation à Toulouse ou celle du Centro Sefarad à Madrid.
L'affaire historique est réellement captivante. L'auteur a fourni un beau travail de recherche et a parfaitement réussi à reconstituer l'ambiance pesante de l'Occupation, les difficultés des juifs et des réseaux de résistances, l'inquiétude face à des passeurs à qui l'on est obligé de confier sa vie sans savoir si l'on peut leur faire confiance, l'opportunisme des gens, l'ambiguïté du comportement des autorités espagnoles, entre collaboration et neutralité, ou encore le travail des archivistes, chercheurs et associations pour la Mémoire de la Shoah.
La quête de Stéphane, déçu par sa vie et son mariage, au chômage et sans réelle perspective d'avenir, prend presque des allures de quête initiatique, la recherche du passé se couplant à une recherche de lui-même et de l'homme qu'il voudrait être. En effet, il voit dans ce mystérieux tableau une occasion de rendre son grand-père fier de lui et de mieux le connaître. le récit à la première personne donne un côté touchant et immersif à l'histoire.
J'ai dévoré ce roman en à peine trois jours. L'écriture de
Benoît Séverac est fluide, visuelle et efficace. La précision des paysages parcourus m'ont presque donné l'impression de regarder la Sainte-Victoire, de me cacher dans les Cévennes, ou de marcher dans les pas de Stéphane, renforçant le côté immersif de cette lecture. La conclusion de l'enquête sur Eli
Trudel ainsi que celle de la quête de Stéphane m'ont beaucoup émue. J'ai également été touchée par la note finale de l'auteur qui explique que le point de départ du roman est réel : son oncle et sa tante lui ont transmis un tableau du peintre juif Willy Eisenschitz. le reste est de la fiction.