J'ai beau trouver le propos général de la série totalement flou et n'avoir aucune idée de là où nous emmène l'autrice, je ne peux que saluer l'émotion et la pudeur qu'elle met dans ce récit humain très complexe où chacun se cache derrière un masque dont il cherche à se débarrasser avec difficulté.
Takako Shimura nous offre ainsi dans ce nouveau tome plusieurs portraits à nouveau singulier qu'on se plaît à suivre. Il y a bien sûr les deux femmes phares de la série mais également le mari de l'une d'elle, la soeur de ce dernier, sa mère et même les petits filles de la classe de l'une d'elle. Tous ont quelque chose d'intéressant à raconter et l'autrice leur laisse la parole, ce qui est très beau.
J'ai toujours autant de mal à cerner l'histoire d'Ayano et Akari tant elle correspond à une façon de vivre que je trouve très japonaise dans la pudeur des sentiments non-exprimés et réprimés, mais aussi dans la dimension familiale de la vie d'Ayano qui se sent obligée d'accepter le refus de son mari de divorcer et de vivre avec sa belle famille par dessus le marché. Ainsi, on la voit de plus en plus s'effacer derrière lui. C'est flagrant dans ce tome où après avoir emménager près d'eux sans le savoir, Akari se retrouve à nouer une drôle d'amitié avec le mari ! L'autrice nous embarque ainsi dans une valse des sentiments qui sont une première dans un manga pour moi, avec ce triangle amoureux totalement contre-intuitif.
Cependant, je ne peux m'empêcher d'être touchée par la sensibilité qui est mise dans l'écriture des personnages et qui transparaît à chaque page. C'est notamment le cas avec Akari, qui est au coeur de ce tome, et qui nous raconte ses expériences passées avec émotion, que ce soit son amour à sens unique avec sa professeure ou ses expériences ratées avec ses ex-. J'aime la voir se relancer dans sa passion : la coiffure. J'aime la voir interagir avec les clients. C'est amusant de la voir aussi nouer des relations amicales avec le mari et la belle-soeur d'Ayano. Ça colle bien entre eux. J'aime train train quotidien qui s'installe entre eux même s'il est fait de beaucoup de non-dits, il me semble quand même y voir une authenticité dans le plaisir qu'ils prennent à se côtoyer.
La mangaka a cependant d'autres choses à dire que cette relation triangulaire qui s'en lise. J'aime beaucoup qu'elle aborde de manière sous-jacente la vie de la belle-soeur d'Ayano : Eri, qui vit enfermée chez elle très souvent parce qu'elle souffre de troubles psy probablement. C'est beau de la voir sortir, s'ouvrir, tenter de nouvelles expériences avec les autres, que ce soit les petits du quartier avec qui elle prépare une fête, ou Akari avec qui elle discute ce qui lui donne des idées. Je trouve ce personnage touchant et j'aimerais qu'on en montre plus de son genre dans les mangas, tout comme sa mère qui sous ses dehors de belle-mère envahissante est top avec sa fille, la comprenant parfaitement et n'en faisant pas trop.
Il y a aussi les petites de la classe d'Ayano, qui sortent ensemble en cachette. Et oh mon dieu, que ça fait du bien de montrer des petites d'une dizaine d'année qui peuvent être lesbiennes et s'aimer. On a tellement l'impression que c'est tabou de montrer des enfants avec de tels sentiments que leur pureté me met du baume au coeur. Bien sûr, tout n'est pas rose pour elle et elles se cachent dans cette société où l'homosexualité est encore pointée du doigt, mais elles ont trouvé quelqu'un de compréhensif en Ayano, qui s'est faite leur alliée.
Tout cela est comptée avec beaucoup de sensibilité par une autrice dont on sent que les questions d'intimités la touchent et qu'elle a envie de transmettre ses sentiments dessus. Elle nous offre ainsi une oeuvre multicolore où on retrouve aussi bien une lesbienne adulte assumée, qu'une encore dans le placard, un homme marié amoureux mais malheureux, une jeune femme qui a peur du monde extérieur et vit enfermée chez elle, une mère courage un peu à l'ancienne qui fait de son mieux pour ses enfants mais qui n'a rien de détestable, ou encore des jeunes enfants encore purs mais confrontés à une société qui pourrait les rejeter. Chacun a un mal être mais chacun est lumineux à sa façon. Tous ont des choses à nous apprendre et l'autrice leur offre un bel espace de parole. Je me demande juste où tout ça va nous mener car pour l'instant nous sommes dans une espèce de tranche de vie qui ne dit pas son nom avec leur vie au boulot, dans leur quartier, à la maison. Et je ne vois pas trop la direction finale que ça pourra avoir...
Je suis cependant émue par la finesse du trait et du travail psychologique fait par
Takako Shimura sur ses personnages et les situations compliquées qu'ils vivent. J'aime l'espoir qu'elle nous fait ressentir derrière. C'est émouvant et lumineux à la fois même avec ces personnages torturés par la vie.
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