Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde.
Un instant, j'enviai presque son ignorance totale du monde extérieur.
Illico, une vigilance de bon communiste réapparut dans les yeux du chef et sa voix se fit hostile :
- Comment elle s'appelle, ta chanson ?
- Ça ressemble à une chanson, mais c'est une sonate.
- Je te demande son nom ! cria-t-il, en me fixant droit dans les yeux.
De nouveau, les trois gouttes de sang de son œil gauche me firent peur.
- Mozart…, hésitai-je.
- Mozart quoi ?
- Mozart pense au président Mao, continua Luo à ma place.
Quelle audace ! Mais elle fut efficace : comme s'il avait entendu quelque chose de miraculeux, le visage menaçant du chef s'adoucit. Ses yeux se plissèrent dans un large sourire de béatitude.
Je ne suis pas une de ces jeunes filles françaises de Balzac. Je suis une fille de la montagne. J'adore faire plaisir à Luo, point final.
"à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais : Dickens, Kipling, Emily Brontë... - Quel éblouissement! - Il referma la valise et, posant une main dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara : Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde. "
Dai Sijie, Balzac et la petite tailleuse chinoise.
p.13: "Les visages des paysans, si durs tout à l'heure, se ramollirent de minute en minute sous la joie limpide de Mozart"
Nous nous approchâmes de la valise. Elle était ficelée par une grosse corde de paille tressée, nouée en croix. Nous la débarrassâmes de ses liens, et l’ouvrîmes silencieusement. À l’intérieur, des piles de livres s’illuminèrent sous notre torche électrique ; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts : à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais : Dickens, Kipling, Emily Brontë…
Quel éblouissement ! J’avais l’impression de m’évanouir dans les brumes de l’ivresse. Je sortis les romans un par un de la valise, les ouvris, contemplai les portraits des auteurs, et les passai à Luo. De les toucher du bout des doigts, il me semblait que mes mains, devenues pâles, étaient en contact avec des vies humaines.
— Ça me rappelle la scène d’un film, me dit Luo, quand les bandits ouvrent une valise pleine de billets…
— Tu sens des larmes de joie monter en toi ?
— Non. Je ne ressens que de la haine.
— Moi aussi. Je hais tous ceux qui nous ont interdit ces livres.
À l'intérieur, des piles de livres s'illuminèrent sous notre torche électrique; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts: à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais: Dickens, Kipling, Emily Brontë...
Quel éblouissement!
Le chef du village, un homme de cinquante ans, était assis en tailleur au milieu de la pièce, près du charbon qui brûlait dans un foyer creusé à même la terre : il inspectait mon violon.
La beauté d'une femme est un trésor qui n'a pas de prix.