J'étais littéralement englouti par le fleuve puissant des centaines de pages. C'était pour moi le livre rêvé: une fois que vous l'aviez fini, ni votre sacrée vie ni votre sacré monde n'étaient plus les mêmes qu'avant.
— Tu lis ? lui demandai-je.
— Pas beaucoup, me répondit-elle sans complexe. Mais ne me prenez pas pour une idiote, j'aime bien bavarder avec des gens qui savent lire et écrire, des jeunes de la ville. Vous n'avez pas remarqué ? Mon chien n'a pas aboyé quand vous êtes entrés, il connaît mes goûts.
Admiratif, j'accompagnai Luo du regard jusqu'au bout du passage surnommé par moi "le purgatoire", puis il disparut derrière des rochers. Soudain, je me demandai, non sans appréhension, où allait le mener son histoire de Balzac avec la Petite Tailleuse, et comment elle finirait.
Cette histoire de littérature me déprimait à mort: nous n’avions pas de chance. A l’âge où nous avions enfin su lire couramment, il n’y avait déjà plus rien à lire.
Elle m'a dit que Balzac lui a fait comprendre une chose: la beauté d'une femme est un trésor qui n'a pas de prix.
- Le proverbe dit, vibra la gorge de Luo, qu'un coeur sincère peut faire s'épanouir une pierre. Mais dites-moi, est-ce que le coeur de cette "fille aux fleurs" n'était pas assez sincère ?
Cette histoire de littérature me déprimait à mort : nous n'avions pas de chance.
A l'àge où nous avions enfin su lire couramment, il n'y avait déjà plus rien à lire.
Pendant plusieurs années, au rayon "littérature occidentale" de toutes les librairies, il n'y eut que les Œuvres complètes du dirigeant communiste albanais Enver Hoxha.
Nous partîmes voir le Binoclard. Nous avions entendu qu'il lui était arrivé malheur : les verres de ses lunettes s'étaient cassés.
Mais j'étais sûr qu'il necesserait pas de travailler pour autant, afin que la grave myopie dont il souffrait ne soit pas perçue comme une défaillance physique par les paysans "révolutionnaires".
Il avait peur qu'ils ne le prissent pour fainéant. Il avait toujours peur d'eux, car c'était eux qui décideraient un jour s'il était bien "rééduqué", eux qui théoriquement, avaient le pouvoir de déterminer son avenir.
Dans ces conditions, la moindre faille politique ou physique pouvait être fatale.
Balzac m'a fait comprendre une chose : la beauté d'une femme est un trésor qui n'a pas de prix.
« Balzac m’a fait comprendre une chose : la beauté d’une femme est un trésor qui n’a pas de prix »