Seuil.
Seuil, enfin. La cité indocile, évasive, hermétique. L'objet d'une si longue quête — dont nous autres lecteurs auront pu apprécier la route, et les multiples et passionnantes étapes, constellées de défis posés aux quêteurs, en premier lieu Angharad & Finstern : joutes d'esprit, duels au chant ou à l'épée, parties d'échecs, sacrifices mystiques et négociations essentielles. Seuil, clef de la résistance au projet despotique de la Haute-Reine de Féerie Titania — à condition de trouver les clefs pour en ouvrir les portes, et, plus encore… pour lui parler, et l'apprivoiser.
Les portes sont ouvertes, à l'heure où Kelis rédige les premières pages de cet opus. Son récit, démarré aux premiers jours du retour de Seuil, alors qu'arrivent les nouveaux hôtes de la cité, va nous mener sur huit années, jusqu'aux portes de la guerre, prédite pour la neuvième.
Ce sont des temps étranges qu'il nous relate, une parenthèse pour les plus guerriers des fées, une période de transition, d'ajustements, de tensions pour les habitants qui doivent apprendre à vivre ensemble (y compris avec des humains !), et peinent, pour nombre d'entre eux, à renoncer tant à leur Cour qu'aux millénaires coutumes de Féerie.
Une période de test, aussi, de la part de Seuil, féroce et fantasque comme un fauve, au point qu'il devient dangereux d'y vivre. Qui saura la convaincre de rentrer ses griffes, et la faire ronronner ? La réponse tira un grand sourire à cette féline de lectrice, qui guettait depuis longtemps la rencontre qui s'ensuivit.
J'ai perdu le compte du nombre de relectures, intégrales ou partielles, que je fis de cet opus.
Revenant méditer sur les échanges et réflexions autour du pouvoir, de son poids dans un monde féerique figé et structuré de longue date par l'adoration du souverain par son peuple, des chaînes et de la solitude que cela implique. Sur l'utopie, sa force dynamique et ses failles critiques…
Passant saluer, encore et encore, les personnages de cet opus, en ces temps d'épreuve. Des êtres connus, soumis au creuset de l'évolution (ou refusant de s'y soumettre) ; de nouvelles rencontres qui furent autant de coups de coeur, qu'il s'agisse de prometteurs oisillons, corbeaux ou pinsons, ou de personnes marquées par la beauté de l'adéquation…
Aimantée par la puissance narrative des coups de tonnerre qui vinrent secouer le statu quo de ces huit années. Les confrontations avec Titania et ses allié.e.s, magistralement orchestrées ; l'intensité d'une scène d'attaque contre des populations civiles, du point de vue d'un témoin et combattant qui n'a rien d'un guerrier mais refuse, et il n'est pas seul, de tourner les talons et détourner le regard ; la tension dramatique d'un procès sur lequel se joue le devenir de Seuil — ou sur lequel Seuil joue l'avenir de ses hôtes…
Me lasserai-je un jour de cette « queue du paon », cette étape alchimique délicate, et de ce qui s'y reflète dans l'espoir que représente Seuil ? Comme dirait dans Cauda Pavonis un certain A. : je ne crois pas, non.
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