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"L'histoire ne comporte pas réellement de héros dont on suit les péripéties, c'est en cela que l'auteur a pu être classé dans la mouvance du Nouveau Roman. On assiste à une déconstruction de la structure narrative et du personnage. Ici, le roman semble parler de lui-même, il décrit son propre processus, ce qu'il vise. C'est comme le déroulement d'un long rêve auquel nous assisterions; il ne faut pas prendre les phrases unes à unes et essayer de les comprendre, c'est une vision générale qu'on doit garder de cette lecture, non pas se souvenir d'une histoire quelconque mais du sentiment qu'on a éprouvé. Et ce qu'on en retire, c'est l'impression d'un voyage, pas le compte-rendu des visites qu'on a faites chaque jour, mais le sentiment général de dépaysement. Et c'est en ça que ce livre agit et réagit comme le ferait un être humain. On sent une longue respiration dans les phrases qui le composent, sa profusion fait référence au bouillonnement de la vie que nous expérimentons chaque jour, le côté alambiqué de ses phrase fait écho à la complexité de notre existence. En lisant ce livre, on se retrouve nous-mêmes. Mais, cette fois-ci, non pas en s'identifiant à un personnage lambda mais parce que les méandres de cette grande conscience qu'est le roman nous rappellent ceux dans lesquels nous nous perdons, à l'intérieur de notre propre âme."
Lien : http://chaaabert.com/2014/03..
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Un livre époustouflant que je n'oublierai pas. L'écriture est puissante, haletante avec des phrases qui font pourtant plusieurs pages, et encore je me demande si le livre n'est pas une seule et longue phrase ... L'histoire se déroule pendant la guerre et le narrateur, Georges, revient de façon insistante et à chaque fois différente sur 3 ou 4 moments clés de son récit : la mort de son capitaine, de Reixach, la mort de son ancêtre (celui sur la couverture), le passage des chevaux, la rencontre avec un groupe de fermiers. le fil conducteur du texte est l'interrogation de Georges et de ses compagnons, Blum et Iglesia, sur la vraie raison de la mort de leur capitaine, descendu par une balle allemande. Ne serait-ce pas un suicide déguisé se demande Georges, la femme de de Reixach l'ayant trompé avec Iglesia, alors jockey des écuries Reixach. J'ai été emportée par ce récit et je l'ai lu d'une traite. Quelques pages vers la fin m'ont déplu, lors de la rencontre (très) charnelle du narrateur avec la belle et jeune veuve de son capitaine mais elles n'enlèvent rien à la force du récit.
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Cyclorama hippique

Le long de la sinueuse route des Flandres, le capitaine de Reixach, piteux gradé et cocu à la ville, traîne après lui une troupe dont la mine est bien grise. Composée d'un nabot mesquin, d'un petit cousin et d'un semi-demeuré, elle est livrée à toutes les duretés de la guerre. le froid, la faim, le manque de sommeil tourmentent sans trêve ces soldats désoeuvrés, égarés dans une morne campagne pendant la débâcle de 1940. La situation bascule en un éclair, quand, pris dans une embuscade, le capitaine de Reixach s'effondre, le visage criblé d'une rafale de balles alors que, dans un dernier geste de défi, il dégainait son sabre. Dans les semaines qui suivent sa mort, ce perdant magnifique hante les songes de ses anciens subalternes, alors qu'ils tentent de ne pas finir eux aussi en bouillie sous un boulet de canon. le capitaine ne s'est-il pas jeté volontairement dans les bras de la mort ? Son corps, machine infernale aux rouages organiques, ne s'est-il pas brutalement élancé à la rencontre des tirs, livrant au néant l'âme accablée qui se débattait en son sein ? Reixach est-il un martyr, un sublime incompris, ou bien encore un misérable poltron ? « Comment savoir ? » s'interrogent obsessivement les multiples voix de ses compagnons désormais orphelins, qui vagabondent désormais au bord de la serpentine voie, esquissant dans ce triste décor en proie aux combats un fatras de souvenirs, d'altercations, d'étreintes et de désillusions.

Dans un ouvrage qu'elle a consacré à son oeuvre, Bérénice Bonhomme suggéra que Claude Simon « [conférait] au mot le poids d'une image en mouvement », entérinant l'idée que l'écriture simonienne était essentiellement cinématographique. le lecteur de la route des Flandres sera, en effet, nécessairement et concomitamment spectateur dans une salle obscure, à mesure que la fable en appelle à lui en tant qu'être visuel. Jusqu'à l'avènement du cinéma numérique, la perception de ce medium reposait pour une grande part sur un échange de bons procédés entre le septième art et ce noeud d'holothuries qui nous flotte dans le crâne. La persistance rétinienne nous faisait croire que nous ne voyions qu'une seule image en mouvement, effaçant pour notre plus grand confort les zones d'ombre présentes sur le film et qui ne nous racontaient rien. L'effet phi, quant à lui, nous donnait l'illusion d'un mouvement en interprétant pour nous cette fugitive succession d'images de manière à leur attribuer un sens. La narration de Claude Simon repose sur l'équivalent littéraire de ces mécanismes, réduisant à néant tout ce qui, dans la ponctuation ou l'attribution du discours, pourrait nous donner l'illusion d'un séquençage saccadé plutôt que fluide. Voici l'hippodrome et sa foule élégante, « jaune, toques bleues – le fond vert-noir des marronniers – Noire, croix de Saint-André bleue et toque blanche – le mur vert-noir des marronniers- Damier bleu et rose toque bleue Rayée cerise et bleue bleu ciel - le mur vert-noir des marronniers- Grenat toque grenat », enfiévrée devant le spectacle de la course effrénée de ces fringantes bestioles. Les tirets lient. On nous répète le nom des couleurs, pour qu'elles persistent en nous, s'impriment et se succèdent dans notre oeil intérieur. le lecteur est un cyclorama.

L'ancêtre de Reixach s'était déjà foutu en l'air pour une histoire de femme. Déjà cocus, déshonorés, les Reixach… Que nous importe, au fond, la répétition lamentable et congénitale d'un malheur, la transmission d'une malédiction familiale ? C'est beaucoup trop facile. Corinne, Georges, Iglésia (le mal nommé), et ce débile de Wack qui sait à peine aligner deux mots, qu'ont-ils à nous apprendre ? Ensemble, ils forment un choeur brouillon et parfois dissonant. C'est en réalité leurs mots qui nous les font aimer, d'un amour bien particulier, qui a en fait davantage partie liée avec notre mémoire de lecteur qu'avec une quelconque relation sentimentale avec des figurines en papier. La route des Flandres a gravé pour toujours dans mon esprit l'apparition de ce mot étincelant : « astragale », au détour d'une page. Réduction immédiate de la rétine. Impression mémorielle. C'est une farandole de tout ce que vous avez toujours rêvé d'entendre en français : « kaol », « « guilloché », « un truc postiche carnavalesque », « lunules », « Merde, tu pourrais au moins retirer tes éperons », « Wack Blum », « oh très bien qu'il pourrisse sur place qu'il infecte qu'il empeste jusqu'à ce que la terre entière le monde entier soit obligé de se boucher le nez », « sans doute que les chèvres de la famille lui plaisent c'est pour ça que l'autre la garde avec un fusil qui pourrait avoir envie de partir tout seul bon sang ce qu'il fait noir », « inusable fable », « cône de genièvre », « ténébreuses branches de pommiers »… Cette ribambelle de termes justes fait son grand effet, tout comme la litanie musicale des noms de patelins du Nord : « Flahutes », « Fond du Baudet », « Trieux du Diable », « La Cendrière », et cette « cavalcade de rosses exsangues ». Sans oublier « Reixach », que je prononce « Raïchaque », et qui a un nom de joueur de pelote basque ou de sous-officier nazi ! Peut-être le français se fout-il un peu du lecteur, mais il le ravit au moins autant.

A propos de rosses exsangues, les canassons sont également de la partie, comme dans un tableau de Picasso ou chez Céline. Terrifiés, glorieux, démembrés, majestueux, affamés ou impétueux, ils ont imprimé leur présence étonnamment sensible dans ce conflit d'acier et de plomb.

Le néologisme « odologie » désigne l'étude des routes, et présenterait une parenté avec le terme sanskrit « sāda », qui désigne tout à la fois un « mouvement de pose » et une chevauchée. Il désigne également, et plus traditionnellement, l'étude de la voix dans le chant. La route des Flandres est une intrication compacte des notions révélées par l'étymologie, tant les voix qui s'y expriment tentent en vain de retracer et de s'expliquer ce qui s'est produit le long – ou même avant, par-delà et à côté- de ce funeste chemin. Retrouver la route, c'est reconstituer les événements, mais comment comprendre ces événements sans élucider ce que sont ces voix ?Le récit semble réfractaire à toute véritable explication et arraisonnement.

Cette étrange histoire, on l'a dit, ne semble nullement intéressée par sa propre résolution. La question directrice, il faut le répéter, n'est pas « pourquoi ? », mais « comment savoir ? ». Reixach le triste, se faisant zigouiller, déploie pour le lecteur une carte à l'ancienne, en plusieurs volets qui s'escamotent si vous ne les rabattez pas et ne les tenez d'une main ferme par-dessus le volant, en vous approchant très près pour essayer de la lire sans vos lunettes et sans regarder la route, pied au plancher ou sur la bande d'arrêt d'urgence. Une carte sur laquelle les multiples ramifications et couleurs peuvent étourdir et égarer plutôt qu'elles n'explicitent quoi que ce soit. le fin mot de l'histoire se trouve probablement à ce point où se trouvera votre esprit lorsque vous reposerez le livre – dans un village au nom chantant, dans la chambre de Corinne, aux abords de l'hippodrome ou dans la grange humide et glaciale.

Une certaine professeur de français avait lu, un jour de rentrée des classes, la liste qu'elle avait établie pour nous : « Stendahl, il faut avoir lu cet été, Molière Les femmes savantes bon bah aussi, et puis quand on fera les moralistes il faudra que vous soyez au point au sujet De La BruyèreLa route des Flandres de Claude Simon… Oui bon je l'ai mis là mais ce sera quand vous aurez le temps de lire, c'est-à-dire quand vous aurez fini vos études ! » C'était bien évidemment le signal du départ, et je le commandai le soir même. Embringuée dans cette course de chevaux au grand galop, ce corps à corps désamoureux, ces mots qui brillent, éprise de la liberté absolue donnée aux voix de dire tout cru ce qu'elles pensent, c'est ainsi que j'ai découvert ce qui est depuis lors mon livre préféré.
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Il faut s'y prendre à deux fois pour découvrir cette piéce majeure de la littérature du 20 éme siécle. Extraordinaire histoire que nous découvrons ici. Les mots de Simon sont tellement forts que l'on est happés par ce sublime texte qui aborde la guerre d'une maniére jamais vue . Pourquoi ne parle t'on pas assez de ce géant absolu de la littérature qu'était Claude Simon ??
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Cavaliers et prisonniers, matière et mémoire. Chef d'oeuvre.

Publié en 1960, le septième texte de Claude Simon fut celui de la reconnaissance « publique » (avec l'obtention du Prix de l'Express cette année-là). C'est avec lui que sa phrase complexe et sa narration déstructurée sont sans doute entrées dans l'histoire littéraire, pour culminer avec le prix Nobel de 1985.

Il est délicat de rendre compte du « propos » de ce texte, même s'il n'est pas du tout aussi difficile d'abord que ce qu'une certaine critique souvent teintée d'anti-intellectualisme se plaît à répandre, l'étiquette "Nouveau Roman" généralement accolée n'y ayant d'ailleurs pas grande signification, en l'espèce.

Une petite unité de cavalerie en 1940, conduite par de Reixach, un capitaine de vieille noblesse, est prise dans la débâcle. Quatre des cavaliers de l'unité, dont le narrateur et un ex-jockey de l'écurie de course de de Reixach, se retrouvent dans le même camp de prisonniers, où prend place un extraordinaire exercice de remémoration à plusieurs voix, remémoration hachée, incertaine, entrecoupée de digressions lorsque le flot de conscience d'un individu s'immisce subrepticement ou brutalement dans la reconstruction collective, remémoration qui voit se mêler, dans le doute, les erreurs, les confusions et les incertitudes, des bribes du printemps 1940, mais aussi des mois qui ont précédé, dans lesquels tient une place prépondérante un triangle amoureux et sexuel entre le capitaine, suicidé ou abattu – on a du mal à le savoir -, sa jeune épouse et le jockey disgracieux, triangle faisant écho, par delà les siècles écoulés, à une mythique histoire, quasiment fondatrice, au sein de la famille de Reixach, ce lointain passé revenant au hasard des anecdotes, des confidences remontant comme des bulles à la surface, que le récit fragmentaire des quatre prisonniers de guerre exhume peu à peu…

Les phrases magiques, qui peuvent aisément s'étendre sur plusieurs pages, dessinent des arabesques hypnotiques, ancrées dans les bas-flancs du Stalag comme dans ceux des écuries des de Reixach – où le culte des chevaux et de leur débordante animalité prend toute sa place, et construisent une boucle en ruban de Möbius dans lequel le roman lui-même n'est qu'un instant, sans début, sans fin, sans « révélation », démontrant à chaque occasion la difficulté intrinsèque de l'exercice de la mémoire.

Une relecture encore plus passionnante que ma première découverte du texte, il y a presque 30 ans…
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Je viens de prendre connaissance de ce livre! Comment? En écoutant un podcast de Andrée Putman qui a fait le panégyrique de ce livre . Je la cite: " à la 100ème page j'étais heureuse et impatiente de lire la 101ème!
J'ai hâte de le lire et je ne suis point découragé par quelques avis disons pas très encourageants mais j'ai une admiration telle pour Andrée Putman que je suis prêt à relever ce défi!
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Le texte est peut-être beau, mais c'est ennuyeux à mourir !
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L'auteur emploi l'image de l'oeil du cyclone, la où tout est suspendu, calme avant que l'ouragan progresse. Pour rester dans la thématique on dira que l'oeil du cyclone, le centre narratif est le récit des errances d'un régiment de cavalerie ou plutôt de ce qu'il en reste, livré à soi même, sans repère ni ordre, absurde groupement d'hommes face aux chars allemands. S'éloignant de ce centre, la narration éclate, tout tourne et se mélange. Très peu de ponctuation, de rares paragraphes ,des courants narratif sans direction spatio-temporel, des superpositions de récits, s'entrecoupant sans indication, ni repère, au beau milieu d'une phrase. Bref c'est la tempête, le lecteur à perdu sa boussole, le navire tangue, donne de la bande. Sur terre on retrouve des vaches dans les arbres, des voitures dans les maisons et les toits dans les jardins. C'est clairement pas le genre de livre à lire dans le metro ou le rer, pas possible de s'arrêter au prochain et hypothétique paragraphe; seul solution, revenir en arrière pour reprendre le cours du récit, si vous savez où vous en êtes. C'est extrêmement exigeant, personne ne doit vous interrompre, répondez oui ou non, à la rigueur peut être, à l'importun qui vous pose une question. Seules les thématiques rassemblent ce qui peu l'être et vous renvoi dans l'oeil du cyclone.

Résumons : c'est un livre extrêmement exigeant issu du courant nouveau roman, ça s'adresse aux gens qui ont du temps pour lire et l'esprit en paix, parfaitement réceptif. Ne pensez pas à vos courses, oubliez vos enfants à l'école et mettez votre portable en mode avion. On ne comprend pas tout, on sent qu'on passe vraiment à côté de quelque chose, on se dit qu'on devrait le relire ou pas.
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Une découverte intéressante. La lecture fut très complexe mais je suis contente d'être arrivée au bout de ce livre. L'auteur retransmet vraiment bien l'horreur de la guerre et son absurdité. le style très complexe fini par devenir clair et on rentre pleinement dans les pensées des personnages. Un livre dur mais intéressant.
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Je ne conteste pas l'originalité, les qualités d'écrivain, la recherche et l'inventivité de l'auteur, mais je n'ai pas adhéré au livre. Un style très pesant que j'ai ressenti parfois comme pompeux, une navigation pénible entre discussions, souvenirs, souvenirs de discussions, discussion sur des souvenirs, fantasmes et réalité. J'étais curieux de l'oeuvre du prix Nobel Claude Simon (un cadeau), mais ce n'est pas pour moi, trop expérimental ?
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