La Fin des Nuages est un livre fascinant qui combine au fragment autobiographique, point de départ du manifeste politique de
Mathieu Simonet (le dernier souffle de son compagnon peut-il avoir eu une quelconque incidence sur la pluviométrie, et dans quel délai, dans quel périmètre?), des recherches fouillées sur la nature et la reconnaissance des nuages.
L'attention particulière portée sur le cas particulier de leur ensemencement peut d'ailleurs créer une confusion sur le propos du livre: le sujet porte-t-il sur les nuages ou s'agit-il d'évaluer les effets nets, négatifs ou positifs, de l'ensemencement ? Ce bémol n'est qu'un détail au regard de l'intérêt du livre de
Mathieu Simonet
En effet, l'auteur croise une multitude d'aspects, du local au global: institutionnel (l'UNESCO qui cherche à couper l'herbe sous le pied de l'Union internationale pour la sauvegarde de la nature), géopolitique (les tensions entre le Canada et les Etats-Unis, puis quelques décennies plus tard, entre l'Iran et Israël; la Convention des Nations Unies de 1976, cf. ci-dessous), militaire (l'opération Popeye menée par les Etats-Unis au Vietnam; la préoccupation du Koweït, voir plus loin), économique (la maîtrise des nuages et des pluies peut avoir des répercussions sur la productivité agricole par exemple; le fait que General Electric, le mastodonte américain, s'implique en dit long sur les perspectives économiques), juridique (la convention de l'UNESCO sur le patrimoine culturel et environnemental est-elle pertinente pour protéger les nuages?), scientifique (les recherches sur les nuages mêmes, et ensuite sur les conditions de leur ensemencement et les conséquences potentielles sur l'environnement, les organismes, la santé publique), artistique (les performances de Monsieur Moo), etc. Effarant, n'est-ce pas? Mais, ce n'est pas fini: on découvre que le sujet-ovni débusqué par
Mathieu Simonet (nous voyons tous et tous les jours des nuages mais la grande majorité d'entre nous ne s'était pas posé les questions soulevées par l'auteur) a fait l'objet depuis des décennies de discussions sérieuses. Cela fut notamment le cas dans le cadre de la Convention sur l'interdiction d'utiliser des techniques de modification de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles (Convention ENMOD). Celle-ci est un instrument de droit international du désarmement s'attachant spécifiquement à la protection de l'environnement en situation d'hostilités et qui fut adopté par l'Assemblée Générale des Nations Unies en 1976 et entré en vigueur en 1978. le Koweït proposa par exemple “d'étendre l'interdiction à toute technique de modification de la météo pouvant causer un préjudice, que l'intention soit guerrière ou pacifique”. (p.146, Julliard)
A travers son manifeste - parce que c'est bien de ça qu'il s'agit -,
Mathieu Simonet milite pour un droit international des nuages en mobilisant d'abord les jeunes.
Le lecteur / la lectrice peut rester sur sa faim car plusieurs liens auraient pu être faits, mais cela sera peut-être le cas à l'occasion d'une réédition de
la Fin des Nuages. Tout d'abord, il eut été intéressant que
Mathieu Simonet, invité à un colloque dans son ancienne université où il était question du droit des fleuves, des vagues, des nuages et des arbres, se penche justement sur l'article pionnier de Christopher Stone : "les arbres doivent-ils pouvoir plaider?" (1972). Y a-t-il des leçons à tirer ou une alliance nuages-arbres à tisser ?
Il manque également un chapitre sur la protection des nuages à travers l'Accord de Paris. Ces dernières années, plusieurs études ont mis en évidence que les nuages ont des effets différents sur l'effet de serre selon leur hauteur dans le ciel et que la hausse globale des températures pourrait être telle que les nuages aient un effet rétroactif amplificateur sur le réchauffement climatique. Dès lors, le respect de l'Accord de Partis qui limite la hausse des températures de +1,5°C (maximum +2%) nécessiterait d'aborder politiquement la question de la protection des nuages.
Nonobstant ces petites réserves,
La Fin des Nuages est un ouvrage passionnant qui fait réfléchir à un sujet a priori anodin mais plein de conséquences, et qui se lit rapidement. Lisez-le, offrez-le.