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EAN : 9782913112162
312 pages
Les Nuits rouges (16/01/2002)
3.5/5   1 notes
Résumé :
Sur la plus grande partie de la planète, la situation n'a guère évolué depuis la première édition de ce livre en 1970, et même les années 1930 lorsque Wilhelm Reich (1897-1957) militait au sein du PC allemand. La répression sexuelle sévit toujours, commandée par des morales plus ou moins rigides, répression dont les femmes sont les premières victimes. Dans les pays riches, la libéralisation des moeurs s'exprime surtout par un déluge d'images de femmes nues et des di... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Il est notoire que, même parmi les premiers disciples de Freud, surtout ceux qui exerçaient leur clinique au profit des classes populaires et/ou qui en étaient issus, embrassèrent le communisme et opérèrent une synthèse connue comme freudo-marxisme. Ainsi Adler – dont la vie fut courte – et surtout Wilhelm Reich, qui vécut plus longtemps, mais de manière tourmentée à cause des excommunications, en rapide succession, de l'École psychanalytique et des partis communistes de plusieurs pays d'Europe, ainsi qu'à cause des exils contraints par ces exclusions, puis par le nazisme, enfin par le maccarthysme états-unien qui l'emprisonna et le fit carrément passer pour fou. Il faut dire que Reich, connu pour la radicalité de ses analyses sur la portée politique de la répression sexuelle, fut très critique de Freud à partir de la seconde théorie des pulsions de celui-ci (1920) restant fidèle à la première, et il reprocha tout autant à Staline dans les années 1930 son revirement réactionnaire de la révolution sexuelle opérée en Union Soviétique en 1918, ainsi que la dérive bureaucratique et l'éloignement du peuple qu'il y observait. Cette attitude le conduisit à un isolement bien prévisible, et même à une « correction » dans les rééditions de certains de ses ouvrages, laquelle en supprimait tout le langage marxiste (sinon les contenus), avant même que Reich s'établit aux États-Unis.
Cette révision se répercute également sur l'essai de Sinelnikoff, qui n'analyse que les travaux de la période européenne de l'auteur : une ombre de dérive paranoïde, ou bien un soupçon de manque de pertinence voire de « bizarrerie » planent sur les recherches du laboratoire « Orgonon » installé dans le Maine, doté de ses « accumulateurs d'orgone » destinés à « augmenter la puissance sexuelle » et à tenter de soigner le cancer... matériaux et documents ayant par ailleurs subi la destruction (le bûcher!) de même que son auteur l'emprisonnement (par l'Inquisition) dans le Pays des « hommes libres » entre 1954 et 1957 ! À noter également que l'essai le plus célèbre mais aussi le plus sulfureux de Reich, La Fonction de l'orgasme, semble être encore de nos jours plutôt confidentiel, en France aussi...

L'idée fondamentale de Wilhelm Reich semble pouvoir ainsi se résumer : les symptômes névrotiques mais aussi la construction du « caractère » tout entier de l'individu résultent d'une répression sexuelle construite dès l'enfance et l'adolescence par des institutions telles la famille, l'école et l'Église qui, par le truchement d'un carcan moral, exercent une domination sexuelle. Celle-ci correspond aux injonctions et aux nécessités de l'État qui reflète, conformément aux enseignements du matérialisme dialectique, les intérêts et les normes du système productif en vigueur. Par conséquent, la lutte contre la répression sexuelle possède, notamment chez les jeunes, un énorme potentiel révolutionnaire, et réciproquement tout mouvement révolutionnaire se doit d'opérer une révolution de « l'économie sexuelle » visant à répondre aux besoins sexuels de l'individu et contribuant à la longue à transformer son caractère névrotique en caractère génital. Cette révolution possède des implications morales, religieuses et politiques d'énorme envergure.
Du vivant des freudo-marxistes, et de nouveau dans l'actualité de Mai 68 où une certaine partie de la contestation étudiante les avait redécouverts, cette épithète était une insulte. Aujourd'hui où l'on observe facilement que le communisme a « trahi » la révolution sexuelle alors même que le capitalisme semble l'avoir accomplie comme jamais auparavant, jusqu'au paroxysme de « l'amour liquide » théorisé par Zygmunt Bauman et de la « Cité perverse » de Dany-Robert Dufour, y a-t-il encore un caractère d'actualité dans cette pensée qui partait de l'évidence de la répression sexuelle exercée par la société bourgeoise, patriarcale, capitaliste ? Il me semble que oui, à condition de bien comprendre les fondements d'un cadre interprétatif qui inclut la perversion en son sein et la répression sous les formes d'une complexification du contrôle et surtout d'une injonction contradictoire : l'injonction à jouir tout en étant privé des moyens de le faire.
J'avoue que, conformément à l'indication de la Préface par J-M. Brohm, « Relire Reich aujourd'hui », dans ma lecture tout comme dans les cit. sélectionnées, parfois longues, j'ai été surtout intéressé par la recherche des conditions de cette actualité, au-delà de synthèse de l'oeuvre de Reich, ou plutôt de sa partie sus-délimitée.
Par contre, l'ouvrage, qui fait un usage abondant de cit. indiquées en italiques outre les guillemets pour plus de clarté, répartit les chapitres grosso modo chronologiquement, un par oeuvre de Reich, et on peut lui reprocher de n'être presque qu'une anthologie, avec très peu d'élaboration personnelle sur une démonstration ou une thématique quelconques. Son plan s'organise donc de la manière suivante :
Introduction : « La vie militante de Wilhelm Reich » [basée notamment sur : Les Hommes dans l'État]
I. « Premières thèses sur la génitalité et la dynamique psychique » [basé surtout sur : « Quellen der neurotische Angst » (1926) et sur der Triebhafte Charakter (1925)].
II. « La fonction de l'orgasme » [titre éponyme (1927-1942)]
III. « Développements complémentaires » [ex : Character Analysis et La Révolution sexuelle]
IV. « Matérialisme dialectique et psychanalyse » [titre éponyme (1929)]
V. « Fonction de la famille et politisation du problème sexuel » [ex : La Révolution sexuelle]
VI. « L'intrusion de la morale sexuelle » [titre éponyme (1932)]
VII. « Psychologie collective du fascisme » [ex : La Psychologie de masse du fascisme (1946)]
VIII. « Problèmes d'organisation révolutionnaire » [ex : « Was ist Klassenbewusstsein ? » (1934)]
IX. « Évolution vers un anarchisme métapolitique » [ex varia].
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
7. « "La psychanalyse révèle les effets et les mécanismes de la répression et du refoulement sexuel, ainsi que leurs conséquences pathologiques. L'économie sexuelle demande : pour quelles raisons sociologiques la sexualité est-elle réprimée par la société et refoulée par l'individu ? […] La philosophie freudienne de la civilisation prétend que cela se fait dans l'intérêt de la 'civilisation' ; mais on peut douter que l'onanisme infantile et les rapports sexuels des adolescents doivent gêner la construction de citernes et d'aéroplanes. […] La question n'est pas celle de la civilisation, mais celle de l'ordre social. "
Le schéma d'ensemble est le suivant : "La répression de la sexualité naturelle de l'enfant, et surtout de la sexualité génitale, le rend anxieux, timide, craintif devant l'autorité, obéissant, gentil et bien élevé au sens bourgeois ; elle paralyse les forces de révolte en l'homme, parce que toute pulsion agressive est chargée d'angoisse ; elle entraîne, par l'inhibition de la curiosité sexuelle, une inhibition générale de la pensée et de l'esprit critique ; […] l'enfant doit d'abord passer par l’État autoritaire en miniature qu'est la famille et s'adapter à sa structure, pour pouvoir ensuite s'intégrer à l'ordre social général. [En effet], la répression des besoins matériels bruts et celle des besoins sexuels n'aboutissent pas aux mêmes résultats. La première incite à la rébellion, tandis que la seconde, en provoquant le refoulement des besoins sexuels, en s'ancrant intérieurement sous la forme de défense morale, entrave la rébellion contre les deux sortes de répression". » (pp. 221-222, cit. tirées de La Psychologie de masse du fascisme)
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2. « Il faut donc distinguer dans tout symptôme :
a) Son sens psychique. "Nous entendons par là […] les représentations, expériences, désirs, satisfactions, attitudes auto-punitives, etc., qui sont refoulés et parviennent en lui à une présentation dissimulée. Ces contenus psychiques ne sont pas en état de produire le symptôme s'ils ne sont pas investis d'affect, c'est-à-dire en liaison avec de l'énergie pulsionnelle refoulée." […]
b) Sa fin. Il s'agit surtout des "bénéfices secondaires de la maladie" qui, dans toute névrose, dominent plus ou moins le tableau : "Après que la névrose s'est installée comme résultat d'une solution pathologique d'un conflit, le malade s'en sert pour atteindre certains buts, qui ont sans exception des rapports internes avec la cause de la maladie." […]
c) Sa cause. […] "Comme sources d'un symptôme, il faut donc considérer les énergies biologiques qui sont issues de processus somatiques, probablement biochimiques, et qui psychiquement apparaissent comme poussée ou affect et s'allient comme tels aux représentations et expériences." » (p. 88, cit. tirées de La Fonction de l'orgasme)
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1. « Il reste pourtant que ses grandes intuitions freudo-marxistes possèdent aujourd'hui encore une réelle valeur heuristique, pour peu qu'on veuille les contextualiser et confronter leurs formulations à l'évolution rapide et massive des mœurs depuis Mai 68. Les phénomènes fascistes classiques se sont complexifiés avec les intégrismes, l'islamisme radical, les idéologies nationalistes, les mouvements populistes. Le modèle de la famille patriarcale s'est affaibli avec le développement des familles recomposées ou monoparentales et maintenant des couples homosexuels. Les phénomènes autoritaires de contrôle des masses se sont insidieusement diversifiés avec l'industrie abrutissante du divertissement, le tourisme et l'opium du sport-spectacle. La libéralisation des mœurs et l'émancipation des femmes ont également ébranlé de nombreux interdits sexuels, la marchandisation généralisée de la sexualité et l'omniprésence des discours sur le sexe ont même fini par banaliser une forme de consommation sexuelle. » (Jean-Marie Brohm, Préface, pp. 8-9)
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6. « […] Dans notre société, ces dispositions [psychiques héritées de l'éducation familiale] ont comme sous-produit la soumission à l'autorité, la force des images du père et de la mère, des formations réactionnelles puissantes, bref ce que Reich a décrit en 1929 sous le nom de "caractère névrotique". Une formule lapidaire en résume l'effet : "L'enfant moyen acquiert une structure qui ne peut qu'absorber l'influence de toute espèce de nationalisme, de mysticisme et de superstition, aussi avidement qu'une éponge boit l'eau. La réaction de l'appareil psychique est la même lorsqu'il réagit aux contes de fées, aux romans à sensation, à l'atmosphère mystérieuse de l’Église et, finalement, à la parade militaire".
Si ces dispositions sont qualifiées de conservatrices ou de "réactionnaires", c'est parce qu'elles constituent le support d'une idéologie jugée telle, et qu'elles exercent directement une action conservatrice sur les rapports sociaux qui leur ont donné naissance. » (pp. 217-218, cit. tirée de La Psychologie de masse du fascisme)
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4. « "Dans la mesure où la satisfaction des besoins devient acceptée par la société, et où la structure humaine change de façon correspondante, la régulation morale de la vie sociale devient superflue. La décision finale n'est pas du domaine psychologique, mais du domaine social. […] Tout traitement analytique qui réussit à changer la structure névrotique du caractère en structure génitale remplace la régulation morale par l'autorégulation basée sur une saine économie libidinale". […]
"En quelle façon ce processus contrarie les intérêts de l’État, de la philosophie morale et de la religion, cela sera discuté ailleurs. […] L'étendue et l'intensité des idéologies ascétiques dans toute société sont la meilleure mesure de l'étendue et de l'intensité de la répression des besoins vitaux chez l'individu moyen de cette société. Toutes deux sont déterminées par la relation des forces productives et du mode de production avec les besoins à satisfaire." » (pp. 129-130, cit. tirées de Character Analysis)
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