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Claudia Ancelot (Autre)
EAN : 9782070209163
296 pages
Gallimard (14/03/1983)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Un adolescent tchèque, passionné de jazz, est embrigadé l'espace d'une fin d'après-midi dans un étrange orchestre itinérant composé d'éclopés et de monstres, et chargé d'y jouer d'un instrument lui-même monstrueux, un saxophone basse. Cela se passe en pleine occupation allemande dans la petite ville tchèque de Kostelec où Škvorecký situe l'enfance et la jeunesse de Danny Smiřický, son alter ego. L'orchestre est allemand et doit jouer pour les Allemands de Koste... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
9 nouvelles sont rassemblées dans ce recueil.
Le narrateur est un jeune homme tchèque, grand amateur de jazz. (En fait, c'est Danny Smiricky, l'alter ego de Josef Skvorecky).
Dans la 1re intitulée « le saxophone basse », on est en pleine occupation allemande.
Un orchestre allemand itinérant doit jouer devant des nazis et leurs épouses à Kostelec, en Bohème (à Nachod en réalité, la ville où est né Josef Skvorecky).
Mais pour se produire en soirée devant ce public, il manque un musicien sachant jouer du saxophone basse. Ce jeune tchèque, Danny, sait jouer du saxo et est fasciné par ce gros instrument à vent.
Il est littéralement embrigadé dans cet orchestre où les musiciens sont tous bizarres ! (« le pépère avec son costume d'ersatz et cet oeil qui avait dégringolé sur la joue, … la femme au visage de clown triste, oui, tout ce catalogue de deuil, de ruines, de lambeaux, le géant à la jambe de bois, le bossu aveugle, la fille aux ailes brisées de cygne blanc… »).
Il va se produire sur scène, mais le plus discrètement possible (en étant caché derrière les autres musiciens), car il a peur de ce qu'on va penser de lui, lui qui est tchèque et qui va jouer avec des allemands, pour des allemands qui occupent son pays !
Avec cette 1re nouvelle, on sent combien le narrateur souffre de la présence des nazis, et du climat de suspicion qui règne alors dans sa petite ville (« et partout ces yeux, les yeux de Kana et des Vladyka qui vous espionnent ; et les oreilles ; et les petits rapports ; et les fichiers ; »).
Et la musique de jazz des noirs américains qu'écoute Danny, est qualifiée d'indécente et provocatrice aux yeux du chef nazi qui commande à Kostelec !
Dans la 2e nouvelle, intitulée « Eve était nue », Danny raconte le coup de foudre qu'il a eu quand il avait 8 ans pour une petite fille de 6 ans ! Il se remémore le voyage du groupe scolaire qu'ils font en compagnie de leur institutrice, partis en train vers l'Italie fasciste de Mussolini, où ils croisent les Hitler-Jugend (Les jeunesses hitlériennes) !
« Une sorcière au mois de mai » est la 3e nouvelle et je l'ai particulièrement appréciée !
Toujours sur fond d'occupation allemande, pendant le Protectorat, Danny fait la rencontre d'une jolie jeune fille. Il tombe sous son charme. Il semble qu'elle ait des dons magiques, et c'est pourquoi elle est pour lui, une sorcière…
Certains passages de cette nouvelle sont écrits avec de très longues phrases. Cet effet de style permet de nous faire participer à l'énorme émerveillement que ressent Danny quand la jeune fille joue du piano, accompagnée d'autres musiciens d'orchestre. Il est alors dans un état second, comme en transe !
La jeune fille le met plusieurs fois à l'épreuve, je devrais dire « les jeunes filles », car sans le savoir, il a affaire à des jumelles !
Dans « Babylone sur Vltava », on est à la fin de la guerre. Une brune et une blonde rencontrent des soldats américains qui libèrent le pays.
Et on suit la blonde qui sert de guide pour faire visiter Prague au soldat américain qui conduit une jeep. Ils ont des difficultés pour bien se comprendre l'un, l'autre, avec des bribes d'allemand et d'anglais, mais ils se débrouillent… Leur périple urbain, après un repas et de nombreux verres d'alcool, s'achèvera dans une chambre d'hôtel, mais le soldat reste lucide et n'abuse pas de sa jeune guide éméchée.
Dans la 5e nouvelle, on est en 1952. Une jeune fille juive, « Rebecca », raconte à Danny son retour du camp de concentration de Térézine.
Quand elle revient dans sa petite ville, elle a perdu tous les membres de sa famille, et elle n'est pas franchement bien accueillie. D'autres personnes ont pris possession de ses appartements de famille, et elle ne peut pas non plus retrouver des bijoux qui devaient lui revenir… Elle ressent beaucoup d'amertume ! (« Ainsi va le monde, voulais-je dire. Il est fondé sur l'indifférence. Il n'y a guère que la littérature pour nous émouvoir. Des fadaises imprimées, une histoire sentimentale et les larmes nous viennent aux yeux. Mais la réalité, ce qui se passe autour de nous ici et maintenant, cela ne nous émeut jamais. »)
Dans la 6e très courte nouvelle, intitulée « Déjà, du temps des pyramides… », Danny, rencontre dans le tram, un ami qu'il n'a pas vu depuis une dizaine d'années ! Il n'a pas changé. Toujours aussi libertin, toujours aussi attiré par les femmes, dont il dit qu'elles sont « des objets psychologiquement intéressants et le meilleur terrain d'étude c'est le lit » !
Dans « La fin de Bull Macha », la 7e nouvelle, on est en 1953.
Bull Macha est le nom d'un zazou. Il a 29 ans, il est solitaire, nostalgique, dégouté et désespéré.
(« Il était seul, les mains fourrées dans d'immenses poches et du manteau, strictement coupé dans le style bouteille, au col large comme celui du surplis d'un enfant de choeur, sortait une petite tête ornée d'une coiffure en queue de canard, soigneusement gominée »).
Il se souvient des bons moments passés entre bandes de copains, aux cafés, au son du be-bop…
Mais aujourd'hui, les boîtes de jazz ont fermé, et les danses « excentriques » des zazous sont réprimées par la police. Tous les jeunes sont inscrits collectivement à l'Union de la Jeunesse Tchécoslovaque sans que leur soit demandé leur avis. Bull Macha vit mal cette période, il voudrait encore pouvoir vivre comme avant. Il est révolté, et ne veut pas changer. Et aujourd'hui il est le seul parmi ceux de son âge, à ne pas avoir évolué dans la vie !
Dans l'avant-dernière nouvelle de ce recueil, « du travail pour le service du personnel », Danny fait la caricature d'un juge tout à fait bourgeois. C'est un opportuniste, un « parasite », qui en 1948 (Coup de Prague et effondrement de la 3e République tchèque), adhère au Parti communiste.
Mais le juge est rongé de mauvaise conscience, car le Pape a excommunié tous les communistes !
Communisme et religion ne font pas bon ménage !
La dernière nouvelle, « Un manuscrit en contrebande » est un extrait du roman « L'ingénieur des âmes humaines », que beaucoup qualifient comme étant le meilleur roman de Josef Skvorecky, qui avait quitté la Tchécoslovaquie après l'invasion soviétique de 1968, et vivait au Canada, où il avait dirigé une maison d'édition.
On retrouve ici le narrateur qui vit à Toronto.
Danny, voudrait bien séduire une dame qui est à la tête d'une maison d'édition de livres tchèques, mais celle-ci ne veut rien entendre…
Cet extrait, très drôle, met en scène Danny avec un homme qui est venu de Prague avec un samizdat pour le faire publier dans cette maison d'édition. L'homme recherche un endroit discret pour pouvoir remettre le manuscrit clandestin dans les mains de Danny, et c'est dans les toilettes de la grande gare de Toronto que cela va se passer, mais pas du tout dans le calme souhaité !

Un véritable régal que ce recueil de nouvelles !
C'est riche de beaucoup d'anecdotes, de faits historiques, de belles peintures de personnages touchants… dans une belle écriture où se mêlent humour, nostalgie, pitié, indignation, révolte, …
On y sent beaucoup de vécu de la part de l'auteur lui-même.
Je recommande vivement cet ouvrage, pour qui voudrait découvrir ce grand auteur tchèque, qu'est Josef Skvorecky !
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Il y a des tas de livres, beaucoup sans intérêt, où l'on s'ennui un peu ou beaucoup, d'autres pas inintéressants mais oubliés sitôt lus, et heureusement de belles lectures dans lesquelles on se laisse emporter par un auteur qui crée un univers bien à lui. Et il y a des livres d'exception, qui créent une magie, des moments de grâce, qui font que l'on voudrait que la lecture ne s'arrête jamais, que ce voyage continue le plus longtemps possible, et qu'on rêve de relire une fois terminés. Ce recueil de nouvelles de Josef Škvorecký fait partie de cette catégorie.

J'ai tout particulièrement aimé deux de ces nouvelles. Dans ces deux-là, on retrouve le personnage récurrent de Danny, qui ressemble tant à l'auteur lui-même, à l'époque de la fin de la deuxième mondiale, juste avant les événements du roman Les lâches.

Le saxophone basse : dans cette nouvelle qui donne son titre au recueil la route de Danny croise celle d'une troupe de musiciens allemands donnant des concerts dans divers pays occupés. Une bien triste troupe, composés de vieux éclopés, pas très bons musiciens, des perdants de la vie. Danny se trouve mêlé à un concert, et à l'unique occasion de jouer d'un instrument rare, un saxophone basse. Texte mélancolique et tendre, dans lequel la douceur se mélange à l'amertume, avec une grande et simple poésie.

Une sorcière au mois de mai : Danny toujours prêt à s'enflammer pour une jolie fille, fait par hasard connaissance avec une nouvelle venue dans la petite ville dans laquelle il habite, et qui se prétend sorcière, et donne à plusieurs reprise une démonstration de ses talents à notre Danny, qui finit par lui signer un engagement d'amour avec son sang, comme on accorde son âme au diable. Très drôle et très tendre, même si une pointe d'amertume se mêle toujours à la douceur, et que sans en avoir l'air des sujets graves peuvent surgir à l'occasion. Malgré mon émerveillement pendant cette lecture, je n'arrivais pas à m'empêcher de me demander comment l'auteur arrivera à se dépatouiller de cette intrigue et donner une fin convaincante à l'histoire. Et bien, il y arrive avec talent et élégance.

Ce que j'aime vraiment tout particulièrement chez cet auteur, c'est la façon dont il arrive à parler avec légèreté de sujets graves, de se promener tel un funambule entre les larmes et le rire, observant les gens, et d'abord lui-même avec une ironie mordante mais en même temps avec une grande tendresse. C'est plein d'une humanité profonde et d'une lucidité forte. Juste dommage que ce livre soit difficile à trouver, mais les meilleures choses se méritent…..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Ce n’était pas une tête de Lilliput agrandie sur un corps atrophié auquel des glandes perfides auraient joué un bien vilain tour ; c’était une tête normale de bel homme sur un thorax normal ; un César tronqué, me dis-je ; il marchait comme un canard et je découvris qu’en effet, il était tronqué, coupé aux genoux ; il n’avait pas de mollets, il marchait sur ses genoux emmaillotés de chiffons crasseux.
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Video de Josef Skvorecký (1) Voir plusAjouter une vidéo

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