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EAN : 9782330000448
237 pages
Actes Sud (01/10/2011)
3.36/5   11 notes
Résumé :
Mae et Laurel ont été amantes dans les "années Charles Manson", quand le meurtre était "culte" et constituait l'aboutissement obligé de pratiques sexuelles dionysiaques et ritualisées. Trente ans plus tard, elles se retrouvent dans les décombres du WTC, différentes mais toujours coupables et intérieurement condamnées : l'une est une éternelle victime qui refuse de l'être et se croit immortelle dans le désert du Nevada. L'autre a choisi d'expier sa faute parmi ses se... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Quand t'es dans le désert…

Mae, croupière dans le Nevada, une vieille caravane, pas de chien, juste un fusil. Elle s'aventure la nuit, la poussière tourne autour d'elle, des yeux de coyotes la scrutent. Les lumières se sont éteintes, loin de l'agitation frénétique de ces villes de jeux et de néons. Même la lune a disparu. Et quand le bleuté de la lune s'enfuit sur d'autres horizons, la vie perd de son sens, ne lui laissant que les souvenirs passés, seule dans ce désert.

La serveuse lui dépose son verre de whisky, et d'un air dégoûté, cette tranche de boeuf XXL tellement saignant que son coeur parait battre encore dans cet amas de chair rouge. Une télévision en fond d'écran derrière le comptoir. Les chaines d'infos en continu diffusent toujours les mêmes images. Inlassablement. Eternellement. Des avions qui s'écrasent contre deux tours. Des tours qui s'effondrent. Des victimes effondrées de peur, de rage, de terreur. Mae jouit de ce spectacle, coupée de la réalité du monde, ne voyant défiler depuis des années que des cartes de couleurs noir ténèbre ou rouge sang et des jetons noir et rouge. Indifférente à la vie de ces mortels, si ce n'est que pendant 7 secondes, 7 putains de longues secondes qui passent en boucle et durent des minutes, des heures, elle reconnait Laurel, amante et aimante d'un passé oublié. Et son passé ressurgit de sa mémoire.

Les cauchemars de l'Amérique en toile de fond, le désert du Nevada en décor. Les souvenirs de Mae la ramènent à son enfance, entre indifférence des parents et inceste d'un frère tortionnaire. Une fuite pour s'échapper, le temps d'un été, the summer of love, et les voix douces et aimantes d'un gourou, une guitare folk et l'amour libre, baises sauvages dans la nature l'esprit libre et la haine envers les cochons. California Girls. Un roman inclassable et dérangeant, les chapitres sont aussi courts que la vie d'un corps qui plonge en haut d'une tour, double salto avant, les pages défilent aussi rapidement que deux tours mettent à s'écraser au sol. La poussière du désert est la même qu'à Ground Zero. 0 espoir, 0 soupir, je respire l'air du Nevada, loin du tumulte bruyant et lumineux des casinos, à la lumière des étoiles, sous le regard hurlant d'un coyote sauvage – mais pas autant que Mae – la couleur de la nuit est celle d'une nuit sans lune. Mais une nuit illuminée par la musique de Captain Beefheart et son magic band, les pieds dans le sable.
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Trajectoire déjantée et exorcisme personnel d'une rescapée d'une secte, que le 11/09/ 2001 réveille

Paru presque simultanément aux Etats-Unis et en France en 2011, ce nouveau livre de Madison Smartt Bell a eu un peu de mal à trouver sa place dans son pays d'origine : sa première phrase garde en effet là-bas des allures de tabou puissant : "Comme mon coeur a chanté quand les tours sont tombées ! Une telle poussée de force pure, se tordant, se désagrégeant, s'épanouissant en ce gigantesque astre de ruines avant de jeter au sol toute sa substance... Ces escarbilles semblables à des moucherons qui tournoyaient tout autour s'avéraient être des mortels jaillissant des flammes. Drapés dans le linceul de leurs cris, ils descendaient. Si j'avais su que la mort pouvait en détruire un tel nombre !"

Mae, l'héroïne, a passé plusieurs années au sein d'une secte hippie déjantée dans les années 1970. Musique rock, substances illicites, expériences mystiques, emprise d'un gourou dionysiaque,... l'adolescente y a été durablement transformée, et l'on n'apprendra que peu à peu à quel point, à travers les souvenirs et les actes de la Mae de 2002, prédatrice affûtée dissimulée sous la croupière de Las Vegas, quittant la nuit sa caravane pour tenir les créatures du désert dans la lunette de visée de son fusil... et qu'une image fugitivement entrevue à la télévision le 11 septembre 2001 va relancer dans un processus qu'elle avait oublié.

"Les puits de goudron de la Brea. Comment je m'étais retrouvée là, je n'aurais pas su le dire précisément. Peut-être en prenant un bus pour descendre le long de la côte, ou alors un véhicule privé en échange de quelques services particuliers rendus en chemin. J'étais assise en demi-lotus sur le rebord cimenté du trou noir. Il semblait d'un noir d'encre au premier abord, profond comme l'espace infini, mais à force de le fixer, j'ai commencé à distinguer un spectre dans le miroitement de la surface huileuse, à l'image des premières lueurs de l'aube qui tourbillonnent pour échapper à la couleur de la nuit."

Les 230 pages de cette étonnante trajectoire d'exorcisme personnel constituent une intense expérience de lecture, durant laquelle, bien souvent, on aura le sentiment que le Riau de la trilogie haïtienne, oscillant entre raisonnement et abandon aux puissances du vaudou, se tient à nos côtés et à ceux de la narratrice... Smartt Bell poursuit ici, et avec quelle force, son exploration des ressorts du mal et de la sauvagerie au sein de nos psychismes...
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"J'ai toujours dit que j'écrivais sous la dictée des démons" confie Madison Smartt Bell (auteur américaine) dans La couleur de la nuit (son dixième roman publié chez Actes Sud).
Effectivement, sa nuit est rouge, rouge sang, rouge incandescent, un rouge qui brûle de la flamme de l'enfer, celui de la poussière ferrugineuse du désert du Névada, celui des sectes broyeuses d'égo, celui des viols, des orgies,de l'inceste,des coups,des meurtres,de la défonce, de la prostitution,des jeux cruels.
"Comme mon coeur a chanté quand les deux tours sont tombées!"
Dés le début tout est dit!
"Encore et encore". Mae, scotchée à son écran le 11 novembre 2001, ne se lasse pas de dévorer les images, elle en jouit (Rasez! Rasez!), se délecte de leur anéantissement car depuis son enfance,elle porte en elle le sceau de la violence.
Sans repères, complètement larguée entre un Papa et une Momma dite "la chose-mère", inexistants, soumise à un frère sadique (Terrel , qui "l'a aguerrie"), elle a touché dans le Groupe au mal à l'état pur, hypnotisée par la voix toute angélique du diabolique gourou D, elle a baisé pour gagner sa croûte, s'est fait baiser pour sa croûte,a lâché le feu de son flingue et armé son bras d'un couteau ses yeux de shootée injectés de pourpre .
Et lorsque trente ans plus tard, elle surprend l'image de son ancienne amante Laurel "douce au premier abord, appétissante", sur une vidéo parmi les décombres, elle essaye de renouer le contact pour que revive le rouge de la mémoire "encore et encore".
Est-ce une bonne idée?
Entre remontée dans le passé et présent, la plume diabolique de Madison Smartt Belle nous entraine dans une descente aux enfers dont on ne sort pas indemne. Cauchemars garantis!
Une bonne campagne de propagande anti secte, en tous cas, car le personnage de D, évoque des gourous pervers genre Charles Manson!
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Après ‘La ballade de Jesse', excellent roman rock, conventionnel et mélancolique, Madison Smartt Bell revient à un registre plus âpre dans cette ‘Couleur de la nuit' qui remet en scène un vieux trauma de l'Amérique des seventies, l'affaire Manson, pour une méditation sur la violence et la fascination qu'elle provoque. L'héroïne, Mae Chorea, vit en semi-marginale dans une caravane près du désert du Nevada. Sa passion ? Dézinguer des coyotes au fusil, la nuit. Arrive le 11 septembre 2001, avec ses images en boucle d'immeubles qui s'effondrent. Sur une vidéo, elle reconnaît le visage de Laurel, son ancienne compagne. Ensemble, elles ont adhéré dans les années 1960 à une secte menée par un gourou (personnage largement inspiré de Charles Manson) et par un chanteur psychédélique, tous deux adeptes des rites sexuels brutaux… Apre, virulent, ‘La couleur de la nuit' est un roman sur la violence, le nihilisme, l'érotisme et leurs rapports, avec l'idée sous-jacente que la racine de la violence américaine est d'abord et avant tout d'origine sexuelle. de ce point de vue, Mae a tout subi : l'inceste avec son frère aîné, puis les rites meurtriers au sein de la secte. Pour elle, le 11 septembre réactive les pulsions anarchiques et sauvages de sa jeunesse ; mais la Laurel vieillie qu'elle retrouve sera-t-elle prête à la suivre dans son attirance renouvelée pour la violence ? Construit en courts chapitres (une à trois pages) à la première personne, avec une structure complexe à base de flashbacks, ce livre sombre, parfois un peu labyrinthique, laisse un arrière-goût troublant, comme s'il levait un coin de voile sur ce qui ne devait pas être vu : les profondeurs psychiques de son héroïne, et finalement l'inconscient collectif de la nation entière. « J'ai toujours dit que j'écrivais sous la dictée des démons, écrit l'auteur dans sa note finale. S'il est des gens pour se dire que l'expression doit relever de la figure de style, il est possible que ce livre démontre qu'il convient de l'entendre au sens littéral ». En effet.
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Quel livre étonnant ! Au fil des nombreux et courts chapitres, se dessine le portrait d'une femme à la santé mentale plus que perturbée. L'ambiance est sombre, mystérieuse, les Flash-back s'enchaînent sans aucune chronologie, c'est sans doute parfois déroutant, mais participe à donner une atmosphère vraiment étrange au roman. Et pourtant la lecture de ce livre est facile tellement l'écriture est claire et précise, contrastant avec le climat mortifère de l'histoire et l'incroyable tension du récit.
"Avec nos couteaux nous avons tracé ce simple trait.
Ils saignent et meurent.
Pas nous."
Ce roman n'est pas un thriller, il n'est pas linéaire et reste surprenant du début jusqu'à la fin. Il est très littéraire et multiplie les références à la mythologie grecque (La Couleur de la nuit convoque les Orphée et les Médée des temps modernes dans une volonté de mettre à l'épreuve les vertus de l'antique catharsis) mais aussi à la secte de Charles Manson et aux attentats du 11 septembre. Et pourtant c'est un roman intimiste ! Bref on ne peut comparer La couleur de la nuit à aucun autre roman, c'est profondément original, passionnant et pour tout dire, I.N.D.I.S.P.E.N.S.A.B.L.E.
"D'autres nuits, il n'y avait pas de lune. Les cités et les villes, toutes lointaines, étaient encore impuissantes à teinter le dôme céleste du reflet de leur lumière dilapidée. Sans lune, la couleur de la nuit était celle d'un riche velours noir, comme si on était plongé dans du chocolat, ou au coeur d'un sombre flot de sang coulant dans une veine profonde."
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critiques presse (2)
Lhumanite
02 janvier 2012
Madison Smartt Bell se livre à une réflexion énigmatique sur la violence 
dans l’histoire à partir du deuil collectif qui a frappé les États-Unis ce jour-là.
Lire la critique sur le site : Lhumanite
LesEchos
12 décembre 2011
Violences d'un frère incestueux, fausses valeurs d'une Amérique à la dérive, délires sexuels, abus de pyschotropes sur fond de musique pop, mais aussi solitude et faiblesse humaine... Madison Smart Bell passe au scanner un destin criminel
Lire la critique sur le site : LesEchos
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Comme mon cœur a chanté quand les tours sont tombées ! Une telle poussée de force pure, se tordant, se désagrégeant, s'épanouissant en ce gigantesque astre de ruines avant de jeter au sol toute sa substance... Ces escarbilles semblables à des moucherons qui tournoyaient tout autour s'avéraient être des mortels jaillissant des flammes. Drapés dans le linceul de leurs cris, ils descendaient. Si j'avais su que la mort pouvait en détruire un tel nombre !... en l’espace d’un instant.
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"Tu as l'air ennuyée", a-t-il dit, en tendant la main. Voilà pourquoi je ne lui ai pas ri au nez. Tu as des ennuis ? était la question classique pour draguer un fugueur ou une fugueuse, mais la variante, ici, avait un sens. Une façon de dire que je n'étais pas dans les ennuis mais que les ennuis étaient en moi.
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J’ai marché dans le désert jusqu’à ce que le monde commence à s’incurver, jusqu’à ce que les lumières de Boulder City s’affaissent derrière la ligne d’horizon. On ne peut jamais échapper complètement à la pollution visuelle de toutes ces villes, mais à l’endroit où je m’étais arrêtée, les étoiles brillaient davantage. Et, de nouveau, une nuit sans lune.
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D’autres nuits, il n’y avait pas de lune. Les cités et les villes, toutes lointaines, étaient encore impuissantes à teinter le dôme céleste du reflet de leur lumière dilapidée. Sans lune, la couleur de la nuit était celle d’un riche velours noir, comme si on était plongé dans du chocolat, ou au cœur d’un sombre flot de sang coulant dans une veine profonde.
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La montée soudaine de la peur : je la sentais palpiter, comme une grenouille dans ma gorge, ou une mite battant des ailes.
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Author Profile: Madison Smartt Bell
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