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3,48

sur 234 notes
Étrange lecture... très éloignée de mes goûts... je m'y suis tout de même aventurée et me voici bien désarmée pour vous en parler.

Durant l'esclavage et le commerce triangulaire des milliers de femmes esclaves ont été jetées à la mer pendant la traversée qui les amenait de l'Afrique vers l'Amérique. Rivers Salomon imagine une mythologie dans laquelle elles auraient donné naissance sous l'eau à des enfants, fondateurs d'un nouveau peuple, une nouvelle société sous marine, les Wajinrus.
Yetu est une de ces Wajinrus. Mais elle est surtout l'historienne de son peuple. C'est elle qui conserve en mémoire toute l'histoire et les douleurs, préservant ainsi chacun des traumatismes du passé. Ce rôle est exigent et éprouvant. Elle se souvient pour les autres, et les souvenirs, terribles, la détruisent. Elle va fuir ses responsabilités et rejoindre la surface, pour échapper aux souvenances, aux attentes des siens.

J'ai un ressenti très mitigé sur ce livre. J'ai adoré l'idée d'un peuple sous marins issu d'esclaves africaines enceintes et c'est ce qui m'a vraiment poussé à le lire.
Dans cette histoire il y a beaucoup de thèmes autour de la mémoire qui donne matière à réflexion, mais le développement de ces thèmes m'a semblé un peu mince et le rythme trop lent (surtout que c'est un livre relativement court). Je n'ai jamais eu vraiment l'impression que ce roman donnait son plein potentiel.
Je suis peut-être passé à côté de quelque chose tant je suis peu habituée aux univers fantastiques mais malgré tout sortir de ma zone de confort littéraire est toujours aussi enrichissant.

Traduit par Francis Guévremont
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Les Abysses... Un fort propos en très peu de mots. Mêlant récit initiatique, mythologie sous-marine et une des plus noires pages de notre Histoire, Rivers Solomon propose un très court récit tout en simplicité. Au-delà de l'aspect fantastique de l'histoire, c'est une formidable réflexion sur L Histoire et les racines, le poids du passé et la volonté d'aller de l'avant, l'espoir de jours meilleurs ainsi qu'une apologie du collectif et de l'individu qui règne dans ces pages. Malgré quelques faiblesses narratives par endroits, c'est simple, efficace, touchant. Peut-être même que l'on pourrait qualifier quelques traits de naïfs. Et pourtant, malgré mon cynisme naturel, j'ai passé un plaisant mais trop court voyage dans les froides et obscures profondeurs océaniques parmi ces Wajinrus.
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J'ai emprunté ce roman à une amie. Son titre et sa couverture m'ont intrigué. Je l'ai lu, vite, en quelques jours, je suis rapidement entrée dans l'histoire. Cela faisait longtemps qu'un roman ne m'avait pas autant plu, cela fait du bien de retrouver l'envie de lire, de finir un livre.

L'héroïne Yetu, est donc une historienne, une sirène historienne. Attention, on est très loin des sirènes de Disney ou de la Lorelei, mes seules références en sirène. Yetu est une historienne, c'est à dire qu'elle porte toutes les souvenances de son peuple et ne leur redonne que quelques jours par an. Elle porte donc la souffrance de son peuple depuis la 1ère née, Zoti Aleyu.

Lors du commerce triangulaire des esclaves, quand une femme tombait enceinte sur un vaisseau négrier, elle était jetée à la mer. Mais en fait, toutes ces femmes ne mouraient pas. Certaines ont survécu, se sont transformées en sirènes et ont oublié cette histoire traumatique. Un jour, l'une d'entre elles, Yetu, va le leur rappeler, dans ce roman d'émancipation, magique et réflexif, sur la condition noire et sur l'impossibilité d'une justice, en l'absence de vérité.

Coup de coeur de ce début d'année 2024 !
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Création d'un mythe :

Cette population sous-marine est apparue d'abord dans les chants du duo de techno-électro Drexciya de Détroit qui s'interroge sur la possibilité que des êtres humains puissent respirer dans l'eau comme les foetus dans le ventre de leur mère. Ce questionnement vient du fait que des milliers d'esclaves africaines étaient jetées par-dessus bord lors de la traite négrière quand elles étaient en train d'accoucher, ces foetus n'ayant jamais respiré d'air pourraient-t-ils avoir survécu et peuplé les océans ? le groupe Clipping reprend ce récit dans sa chanson The Deep pour explorer avec plus de profondeur le thème car le premier groupe était surtout axé sur la musique plus que sur les paroles, puis Rivers Solomon ‘est à on tour approprié cette histoire en ajoutant sa pierre à l'édifice et a choisi de mettre en scène ce peuple des abysses, les Wajinrus.

L'intrigue :

Au plus profond des océans, dans une nuit noire perpétuelle, vit un peuple marin unis grâce à l'esprit de collectivité sur lequel ils se sont fondés. Tous, sauf une, Yetu est l'Historienne des Wajinrus, là où tous les autres individus peuvent vivre l'instant présent sereinement, Yetu est le réceptacle vivant de la mémoire de tout un peuple. 600 ans d'Histoire qui la hantent et lui meurtrissent l'esprit autant que le corps, cette Histoire est trop grande, trop traumatisante pour son corps menu. Les souvenirs, appelés Souvenances, accaparent tant son esprit qu'elle se perd et a peur de devenir folle. Sa libération arrive une fois l'an, les Wajinrus ont créé le Don de mémoire qui permet au peuple entier de se rappeler leur création, leurs ancêtres jetées des bateaux négriers et leurs enfants métamorphosés en sortant de leur corps pour vivre sous l'eau, les débuts dans la plus grande solitude pour peu à peu se regrouper et s'allier. Ce Don de mémoire est nécessaire au Wajinrus qui se sentent peu à peu perdus et vides sans ces souvenirs, mais ce Don est également extrêmement douloureux, raison pour laquelle un seul d'entre eux est choisi pour les conserver. Mais Yetu n'en peut plu, et cette fois elle va profiter de la confusion créée par le Don de mémoire pour s'enfuir loin de son peuple.

L'importance de l'Histoire :

La thématique de ce roman est l'importance pour un peuple d'avoir accès à son Histoire. Pour débattre de cette idée, Rivers Solomon utilise deux personnages, Yetu qui fuit cette Histoire, la juge trop destructrice et pense que cela l'empêche d'être elle-même, qui souhaite être sans entrave d'aucune sorte, elle aspire à se trouver, à découvrir sa véritable nature sans ce Don qui était vécu comme une malédiction. Au contraire, Oori qui est la dernière survivante de sa communauté juge sévèrement le choix de Yetu, il ne reste rien du peuple d'Oori, à sa mort ce sera comme s'il n'avait jamais existé. Même si ce Don crée de la douleur, au moins elle pourrait trouver du réconfort à voir revivre même quelques instants seulement ses proches disparus, quand bien même ce passé est douloureux, il permet de façonner le présent et de préparer l'avenir.

Et aussi… :

Il y a également d'autres thématiques moins mises en avant mais qui ont leur importance tout de même. le peuple des Wajinrus n'est pas binaire comme les humains, ils ont l'ensemble des organes génitaux mâles et femelles à disposition et c'est d'un commun accord qu'ils s'accordent lors de l'accouplement de qui féconde qui. Quand Yetu sera échouée à la surface, un personnage qu'elle va rencontrer n'aura pas de pronom genré non plus, d'un premier coup d'oeil elle ne sait dire s'il s'agit d'un mâle ou d'une femelle donc lorsque Suka sera auprès d'elle, elle pensera Il ou Elle dit ceci, Il ou elle fait cela, sans jamais se permettre l'impolitesse de demander son genre à Suka étant donné que ça ne la perturbe pas le moins du monde et que ça n'a pas la moindre importance, seule compte la personne.

Au niveau de la communication des Wajinrus, tout se fait par courants électromagnétiques, ils sont habitués à ne rien voir donc ils se reconnaissent de cette façon, avec une signature électrique qui leur est propre à chacun et ils peuvent se comprendre et se parler de cette façon. de même, ce don avec l'électricité dans l'eau leur permet également d'agir sur les éléments et créer de gigantesques tempêtes, on aura un aperçu dans une souvenance de cette rage qui les a animé contre un des bateaux négriers.

En bref :

J'ai été un peu déstabilisée par ce roman où j'avais compris au départ qu'il était question de vengeance et donc j'en avais conclu qu'il y aurait de l'action mais en fait…pas du tout, attendez vous surtout à un roman assez philosophique, Rivers Solomon a utilisé un morceau de l'Histoire de l'esclavage tout en apportant d'autres thématiques actuelles et nous offre un essai plus qu'un roman de science fiction sur l'importance pour un peuple d'avoir accès à son Histoire. Quand bien même je n'y ai pas trouvé ce que je pensais de prime abord, j'ai beaucoup aimé découvrir son approche et ses idées, j'ai enchainé avec son premier roman traduit, L'incivilité des fantômes.

Lien : https://lemondedelhyandra.co..
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Rivers Salomon nous offre ici une très jolie fable, des plus originales pour parler des horreurs de la traite négrière dans le commerce triangulaire.
Les femmes enceintes sur les bateaux esclavagistes étaient tout bonnement jetées à l'océan pendant le trajet, ce petit livre propose une issue magique et métaphorique à leur destin. En effet, imaginons que ces femmes s'étaient ensuite transformées en sirènes pour constituer une grande communauté sous-marine, mais ayant perdu cette mémoire des horreurs de l'esclavagisme ? C'est dans l'incarnation de ce personnage de Yetu que l'autrice répond à cette question.
J'ai apprécié l'originalité du genre pour parler de ce sujet, le style littéraire très immersif et discursif, je trouve qu'il manque néanmoins de profondeur.
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Je souhaitais avant tout remercier David Meulemans et les éditions Aux Forges de Vulcain pour l'envoi de ce livre à un râleur invétéré (oui, moi).

Après L'incivilité des fantômes, dont j'avais autant apprécié la démarche militante que regretté l'histoire un peu en retrait, j'ai donc souhaité renouveler l'essai avec l'auteurice, dans une proposition plus courte mais pas moins engagée. Alors, remonte-t-on de cette plongée dans les abysses, ou touche-t-on le fond ?

Petit élément de contexte amusant : le roman est inspiré d'un morceau (The Deep, Clipping) lui-même hérité d'un groupe de musique électronique, Drexciya, qui avait imaginé une civilisation sous-marine née de l'assassinat lors de la traite négrière d'esclaves enceintes, jetées à la mer.

L'incivilité des fantômes m'avait véritablement marqué pour la rage qu'il dégageait. Solomon y abordait des sujets difficiles tels que l'esclavage, le racisme, les violences sexistes et sexuelles, la mémoire… Avec son deuxième essai, l'auteurice poursuit son exploration des ravages de la traite négrière et imagine donc tout un peuple aquatique né de la mort d'esclaves considérées comme inutiles. Ou comment se (re)construire après ça…

Avec une langue flirtant avec le conte, Solomon affiche une maîtrise stylistique que je ne lui avais pas trouvée dans son premier roman. le format, plus court, lui permet d'éviter les quelques chutes de rythme ressenties avec L'Incivilité des fantômes. le tout en proposant une densité thématique rare pour un livre de moins de 200 pages.

Mieux écrit, mieux maîtrisé, Les Abysses n'en oublie pas pour autant ce qui faisait les forces du précédent roman de Solomon : un engagement toujours très fort, et de l'émotion, beaucoup d'émotions. A la rage de L'Incivilité des fantômes s'ajoutent également une certaine mélancolie, une atmosphère parfois plus douce, qui donnent à l'ensemble un meilleur équilibre.

En bref, un roman parfaitement maîtrisé, qui laisse une impression douce-amère.

J'ai aimé :
- L'engagement de l'auteurice
- L'univers proposé
- La maîtrise de l'ensemble

J'ai moins aimé :
- …
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Naaaaaan ! 😭 Je voulais TELLEMENT aimer ce roman. Il avait l'air si important. Et pourtant... C'est un demi flop.
L'écriture est vraiment très particulière et c'est ce qui m'a beaucoup plus. J'ai aussi beaucoup aimé "l'univers", le fait que tout se passe sous l'eau (oui... Ce sont des sirènes... Forcément...). J'ai aimé la légende, l'histoire, le postulat de départ. Mais il est si peu exploité ! Pourquoi ?
Yetu est une historienne, elle garde les "souvenances" de tous, puis leur rend une fois par an. Pourquoi ne pas avoir plus développer l'histoire de ces femmes noires, de ces reines à l'origine de tout ?
Tout comme on passe très rapidement sur le fondement de ce peuple des eaux, sur leurs débuts etc...
En fait le roman est surtout axé sur Yetu, sur sa peine, sur ses difficultés, sur les décisions difficiles qu'elle doit prendre. Et en ce sens, le pari est réussi, mais ça n'est pas vraiment ce à quoi je m'attendais.
Je suis un peu déçue, malgré quelques super points positifs.
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La couverture de ce roman nous plonge immerge immédiatement dans l'histoire de ce peuple issu du trafique d'esclave. Des femmes enceintes et des bébés qui ont muté, des sortes de sirènes. Un peuple qui s'est crée tout seul par la volonté de certaines survivantes et qui s'est donné comme nom les « wajinrus ». Car pour exister il faut avoir un nom, pour survivre il ne faut pas être seul. La narratrice va comprendre l'importance des mots, du langage, des concepts plus abstraits.

Pour survivre il a fallu faire des concessions. Ces créatures ont mis en place un système de mémoire collective dont quelques porteurs appelés historiens sont les réceptacles. Les autres membres n'ont que qu'une mémoire partielle pour créer un peuple où le présent est basé sur les bonnes choses. Une fois par an les historiens déversent cette histoire commune et se rajoutent des évènements de l'année.

Cette fable pose beaucoup de questions. Qu'est-ce qui est gardé pour être transmis d'une génération à l'autre ? L'art des historiens de réécrire pour que ce soit facilement compréhensible et transmissible n'est pas sans danger. Que ce passe t-il si un historien disparait ? S'il ne supporte plus le poids de la souffrance de ce lourd passé ? et de là on passe à l'idée de destinée, une fois désigné comme historien c'est à vie… Il faut de l'abnégation, s'efface pour le groupe.

Quel lien reste t-il entre ce peuple des abysses et ceux de la surface, les deux-jambes ? que ce passe t-il lorsque ces deux mondes se croisent ?

J'ai beaucoup aimé tout ce qui touche à la mémoire. Ajoutez à cela mon autre thématique de prédilection « l'eau » : mémoire, temps, régénérescence, naissance et renaissance… et vous avez une lectrice qui plonge dans cette histoire.

La mémoire collective, la mémoire dans les corps, la relation face à la société… cela donne une communauté où la narratrice utilise le « nous » car elle est elle et elle est son peuple. Au début c'est surprenant lorsque apparaît ce nous, mais on a vite compris le sens profond.

Nous avons donc une nouvelle forme de société qui a débuté par des femmes, elles n'ont pas rejeté les hommes, elles ont trouvé une façon de survivre, pour procréer. Elles sont beaucoup dans l'accueil des autres femmes / enfants venus d'en haut.

Pour ce qui est de la constitution d'une société elles n'ont aucune base venue de l'autre monde. On est dans l'idée de collectif, le tout est un et un est le tout. Elles vont mettre leur modèle de société propre.

On va suivre plusieurs « expériences » ce qui va nous permettre de se faire une idée de ce que vivre dans les abysses implique.

Il y a de nombreuses émotions fortes dans ce roman il est question de vie et de mort, de souffrance et de reconstruction, d'identité et de communauté, de force et de faiblesse… Elle ne montre pas une société idéale ou idéalisée, elle regarde les choses en face.

Je vous laisse maintenant découvrir votre propre interprétation de ce qui est conté et ce qui n'est pas dit car c'est un roman qui fait appel à l'histoire personnelle de chaque lecteur.
Lien : https://latelierderamettes.w..
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Les abysses est un ovni à la construction de récit déroutante. C'est une narration à laquelle on accroche ou pas du tout. Il y avait des prémices sur cette façon de construire un récit particulière dans l'incivilité des fantômes mais c'est plus marqué dans ce roman. C'est à la limite de ce qui me convient mais c'est passé. Ce texte est un gros bazar mais un bazar qu'on sent maitrisé, c'est déroutant.
L'histoire commence pendant le commerce triangulaire. Les femmes enceintes étaient lancées à la mer et leurs enfants ont survécu.
La communauté de sirènes qui se met en place passe par différent stade.
Au départ, il garder à tout prix l'héritage culturel et historique. Un jour l'idée qu'il n'est pas possible de vivre heureux en gardant présent ce lourd passé.
Le compromis choisi est de faire perdre la mémoire à toute la population sauf une personne qui garde l'ensemble de l'histoire. Mais que va-t-il se passer si le gardien ne veut pas de sa charge ?
Tout va tourner autour de l'importance du passé et sa gestion.
Faut-il garder son Histoire quelle qu'elle soit pour se construire ? Quand c'est trop sinistre faut-il faire avec, privilégier l'oubli et l'insouciance ou trouver une autre solution ? Comment gérer le fait que les souvenirs sont importants mais aussi oppressants ? Comment trouver un équilibre entre le besoin d'avoir un passé et le besoin d'insouciance ? Qu'est ce qui doit être oublier ? Qu'est ce qui ne doit pas l'être ? Comment être heureux sans passé ou avec un passé très lourd ? Comment ne pas être étouffé par le poids des générations ni être perdu à défaut de racines ?
Les réflexions autour de la gestion de l'Histoire sont passionnantes mais le choix de construction sera trop déroutant pour plaire à la majorité.
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Dans les années 1990, Drexciya, un groupe de musique techno américain, invente un mythe afrofuturiste relatant l'histoire d'une civilisation sous-marine. L'idée est ensuite reprise en 2017 par un autre groupe, « Clipping », dans un single baptisé « The Deep », puis en 2020 par Rivers Solomon qui s'en inspire à nouveau pour un roman. Celui-ci nous dépeint un peuple vivant sous l'océan, les Wajinrus, qui seraient nés des femmes rejetées à la mer par les esclavagistes lors de la traversée en mer des navires négriers. de ces meurtres atroces serait née une nouvelle espèce, puis une civilisation toute entière. Yetu appartient à ce peuple et occupe une place déterminante en son sein : elle est l'historienne de la communauté, celle qui garde en elle tous les souvenirs de son peuple. Car les Wajinrus ont pour particularité, outre leur aspect mi-humain mi-poisson, de pouvoir se décharger de l'essentiel de leur mémoire sur l'historienne qui, une fois par cycle, va la leur rendre momentanément, afin qu'ils se souviennent de leurs origines. Seulement Yetu n'est pas une historienne comme les autres, et les souvenirs atroces du passé, dans lesquels elle ne cesse de se perdre, la rongent peu à peu et lui font perdre son identité. Un choix impossible s'impose alors à elle : continuer à tenir son rôle, quitte à en mourir, ou trahir son peuple en lui imposant un passé traumatique dont il a toujours cherché à se protéger, quitte à le détruire ? Dans la mesure ou je ne connais aucun des deux groupes à l'origine de cet univers sous-marin, c'est avant tout le pitch qui m'a attirée vers ce roman, et notamment le lien imaginé par l'auteur entre l'esclavage et les sirènes. Pourtant, quand bien même je reconnais volontiers que le texte possède un grand nombre d'atouts, je n'ai à aucun moment été sensible à son charme (et je semble assez minoritaire sur ce coup).

Le roman avait pourtant tout pour me plaire : un décor sous-marin évocateur et faisant la part belle à la faune océanique, une réflexion profonde sur l'histoire et la mémoire, des explications sur des détails peu connus de la traite négrière… Or, si le lien entre ces créatures marines et l'esclavage est bel et bien au coeur du récit, l'auteur ne s'attarde à aucun moment sur l'histoire de ces femmes jetées à l'eau : on sait qu'il s'agit d'esclaves, on sait que les négriers s'en débarrassent parce qu'elles sont enceintes, mais c'est à peu près tout. L'essentiel de l'histoire tourne en fait autour de Yetu et sa rébellion, or je ne suis pas parvenue à adhérer au personnage qui passe son temps à se lamenter sur sa condition et ses souffrances. Or, si celles-ci sont indéniablement terribles, les plaintes de la Wajinru deviennent rapidement lassantes, et ce pour la simple et bonne raison qu'on souhaiterait que le récit se concentre davantage sur les souvenirs en question, plutôt que sur leur effet sur la jeune fille. La sensibilité dont fait preuve l'auteur est indéniable, et je comprends sans mal pourquoi elle a séduit tant de lecteurs, seulement j'ai pour ma part eu l'impression que le récit ne cessait de tourner autour du pot sans jamais aborder frontalement le passé traumatique de ce peuple, et donc se perdait en digression. La civilisation fondée par les Wajinrus et les spécificités propres à leur culture sont quant à elle trop rapidement évoquées, ce qui ne facilite pas l'immersion et fait naître une légère frustration tant le mythe originel semblait prometteur. Enfin, le roman m'a semblée à certains moments un peu brouillon, des épisodes du passé se mêlant à ceux du présent sans vraiment de cohérence. Ces flash-backs restent malgré tout les passages qui m'ont le plus enthousiasmée, notamment ceux concernant un historien ayant précédé Yetu et dont j'aurais apprécié connaître davantage l'histoire et la personnalité.

Lecture en demi-teinte pour « Les abysses » qui, en dépit d'une mythologie fascinante et d'une connexion intéressante proposée entre esclavage et sirène, m'a laissée quelque peu sur la touche. La faute à la trop grande sensibilité du protagoniste et à une description trop évasive des éléments de ce mythe que j'aurais voulu voir aborder. de nombreux autres lecteurs ayant, eux, appréciés le voyage, je ne peux que vous encourager à aller lire leurs avis.
Lien : https://lebibliocosme.fr/202..
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