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3,48

sur 234 notes
J'ai lu ce roman dans le cadre du challenge Mars au féminin et Les femmes sous la lune (instagram).

J'ai découvert Rivers Solomon avec son roman L'incivilité des fantômes, qui m'avait énormément plu. Je savais que je ne serai pas déçue avec Les Abysses, d'autant plus que le résumé du roman m'a tout de suite accrochée.

Ce roman d'anticipation est à la fois tragique et plein d'espoir. Il fait écho à ces femmes noires esclaves transportées sur des bateaux négriers qui étaient jetées par dessus bord lorsqu'elles tombaient enceinte, comme de vulgaire objets.

C'est un récit très fort dans lequel on découvre un peuple sirène, né de ces femmes jetées des vaisseaux négriers. Leurs enfants ont survécu dans les eaux et ont créé cette peuplade sous-marine, les Wajinrus, dont Yetu, l'héroïne, est dépositaire de l'Histoire des siens. Elle emmagasine dix siècles de souvenirs, c'est elle qui supporte les drames, la douleur, la souffrance, jusqu'à un rituel annuel où elle les renvoie à ses semblables, avant de les reprendre. Mais Yetu, avec ce poids sur les épaules, finit par craquer et fuir vers le monde des deux-jambes, à la surface.

Ce roman est plus qu'une simple histoire, c'est une véritable allégorie de la mémoire et de l'importance de se souvenir. Se rappeler du passé, c'est faire vivre sa culture mais c'est aussi un frein à se projeter dans l'avenir. C'est un magnifique voyage parabolique qui invite à se poser des questions sur sa propre identité, tout en incluant des messages très contemporains sur le genre, le racisme ou encore l'écologie.

J'ai trouvé le roman trop court. Beaucoup de thèmes y sont abordés et j'aurais aimé qu'ils soient creusés plus en profondeur. C'est dommage car ce sont des sujets qui méritent qu'on en parle et qu'on les développe, qu'on porte à la connaissance du monde ce que ces femmes ont vécu. Malgré tout, j'ai beaucoup aimé cette incursion dans le monde des Wajinrus, où tout est décrit de manière très symbolique.

Je ne peux pas terminer cette chronique sans évoquer la postface du roman, rédigée par Daveed Diggs, membre du groupe Clipping. L'idée originale de cette histoire ne vient pas de Rivers Solomon, mais d'un groupe de techno des années 90, Drexciya, qui a inventé ce mythe afrofuturiste d'une civilisation sous-marine issue des esclaves noires. Clipping a repris ce morceau dans son single The Deep. Rivers Solomon propose, dans ce court roman, une revisite à sa manière du mythe des Wajinrus.
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Très déçu·e par la qualité de la traduction, qui a rendue très difficile pour moi le fait de m'accrocher au récit. Pourtant, j'avais très envie de me laisser embarquer dans ce monde, dont le point de départ m'intrigue beaucoup. Je vais relire Solomon en anglais dorénavant.
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Encore une baffe monumentale (décidément ces derniers temps, j'en mange à répétition).
Ce roman est tellement bouleversant, à la fois troublant d'imaginaire et tellement ancré dans la réalité.
La charge émotive est lourde, si concrète et transmise de façon si adroite que lecteur ne peut s'empêcher de communier avec les personnages.
Et, pour souligner la qualité de l'écriture de Rivers Solomon, tout cela est accompli avec une densité incroyable si l'on en juge d'après le nombre réduit de pages.
En dire beaucoup, énormément, en peu de mots, quel talent !
Sublime.
Lien : https://christophegele.com/2..
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« Les Abysses » est une novella qui aborde un sujet extrêmement lourd et puissant : la mémoire collective d'un traumatisme au-delà de toutes mesures. Ici, il s'agit de l'esclavage africain, plus précisément celui provenant du commerce triangulaire entre l'Afrique, l'Europe et les Amériques.

Les Wajinru sont un peuple de créatures marines ressemblant un peu à nos sirènes. Ils vivent paisiblement au fin fond des abysses, très loin des « deux jambes » dont ils ont appris à se méfier, en totale insouciance et symbiose avec l'océan qui les a vu naître et nourri depuis toujours. Cette totale liberté, ils l'ont gagné en oubliant leur passé. Seul leur Historien sait. Ce wajinru est le seul détenteur de toutes les mémoires de son peuple depuis leurs origines. Il est le seul à savoir d'où ils viennent et tout ce qu'ils ont traversé. Non seulement il sait tout mais il ressent tout en permanence. Toutes ces vies, toutes ces joies mais surtout toutes ces souffrances. Yetu est l'actuelle Historienne. Choisit très jeune, elle vit extrêmement mal ce fardeau. Être habitée/chevauchée par des milliers de mémoires fantômes n'a rien d'évident et détruit progressivement la jeune créature qui ne sait plus qui elle est et se sent utilisée, sacrifiée par un peuple qui ne peut pas la comprendre.

Tous les cycles a lieu une grande commémoration du souvenir où l'Historien se connecte à tous les wajinru pour leur transmettre, le temps de quelques jours, leur mémoire collective. C'est le seul moment où ce peuple insouciant revit toute son Histoire. le seul moment où l'Historien est soulagé de son fardeau… temporairement. Au bord de la rupture, Yetu va profiter de ce moment pour commettre l'irréparable.
Normalement, une novella de cette taille ne me dure pas longtemps, deux soirées tranquilles à tout casser, mais pas là. La lecture m'a été difficile de par le sujet mais pas que. J'ai éprouvé énormément de colère, non seulement envers ce qu'ont vécu les wajinru mais aussi (et surtout) sur ce qu'ils font subir à Yetu, déchirée entre un devoir qui la dépasse, son identité, ses envies et sa survie. Il m'a donc été nécessaire de faire de longues pauses pour digérer l'expérience.

Le récit même est fracturé comme l'esprit de Yetu, entre les souvenirs des précédents Historiens, l'Histoire des wajinru et le présent. La Mémoire va se dévoiler par à coup, monter à la surface, en même temps que j'ai eu la sensation de sombrer de plus en plus profondément dans cet abysse, d'être enveloppée par l'océan pour enfin lâcher prise. Rivers Solomon a une très belle plume et sait nous guider, nous laisser à la dérive pour mieux nous récupérer ensuite.

C'est définitivement une très belle lecture, difficile, bouleversante et qui ne peut laisser indifférent. À éviter dans les périodes de blues ou de fragilité émotionnelle, mettre de l'eau de mer sur des blessures n'a jamais été une bonne idée . Sinon, à lire absolument, pour toutes ces qualités ou au moins pour cette ode magnifique à l'océan.
Lien : https://wanderingcrossroad.w..
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Ce second livre de Rivers Solomon est clairement au-dessus du premier, tant dans l'aboutissement et la maîtrise du style d'écriture, que la pertinence et la profondeur du propos . Et si les sirènes étaient né-e-s de l'horreur, de ces femmes esclaves, enceintes, jetées par-dessus bord ? Comment un peuple peut-il vivre en connaissant l'origine traumatique de son existence ? Quelles relations peuvent exister entre ceux qui vivent profondément sous l'Océan et ceux de la surface ? Rivers Solomon aborde pour cela, et avec une grande finesse, la question de l'identité, de l'esclavage, de l'amour et de la survie.
De même, et c'est toujours l'intérêt de lire des auteurices de tout horizons, les personnages de Rivers Solomon transcendent la question du genre et de leur assignation. Grâce à l'Océan, ils se sont libérés du regard normatif qu'un personnage peut poser sur un autre : ils sont pour la plupart non-binaires et intersexes. Et ça fait du bien à lire.
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Je comprends l'intention. J'apprécie l'originalité de l'idée mais... ça manque un peu de clarté, heureusement que la quatrième de couverture explique clairement de quoi il retourne parce que ce n'est pas évident à mon sens de comprendre ce qui est dénoncé. Fait pourtant assez peu connu, en tout cas peu évoqué, de l'histoire de la traite des noirs.
Ce livre dépeint l'horreur qui a été infligée aux femmes enceintes, une horreur qui devient le passé et l'histoire d'un peuple marin en fuite face à cette réalité. On parle beaucoup de la douleur de l'Historien, celui qui a la mémoire de ce passé, un passé évoqué par petit bout, de façon évasive. Il y a une grande réflexion sur la nécessité de se souvenir, d'en faire une force plutôt qu'une faiblesse, d'accepter l'horreur pour grandir et perpétuer la mémoire.
Je suis très mitigée et quand je vois les critiques je me dis que j'ai peut-être loupée quelque chose. le sujet m'intéressait vraiment mais j'ai le sentiment qu'on est passé à côté de quelque chose. Moi uniquement, qui sait ?
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L'histoire de ce roman résulte « d'un jeu de téléphone arabe artistique ». Ce n'est pas moi qui le dit mais le groupe de hip-hop Clipping. En effet, dans les années 90,un mythe afrofuturiste voit le jour grâce au groupe Drexciya. L'élément central de ce mythe est un peuple sous-marin issu des esclaves africaines enceintes jetées par-dessus bord.Un nouveau peuple né du chaos. Les foetus plus fort que la mort et qui ont su s'adapter à leur nouvel environnement.


« Souvenez-vous. Dit-elle. Souvenez-vous »
Dans Les Abysses , Rivers Solomon reprend ce postulat. Nous suivons Yetu, l'historienne des Wajinrus, ce peuple sous-marin apparenté aux sirènes. Chaque année il y a la cérémonie du «Don de mémoire », durant laquelle l'historienne partage avec ses congénères tous les souvenirs de son peuple. Seule une personne de la tribu détient les clés du passé. Un lourd fardeau pour Yetu, toutes ces « souvenances » sont pour elle de plus en plus difficile à porter. Elle veut être libre. Revenir avant ses 14 ans. Être exempt du poids du passé. Elle va alors prendre une décision radicale…


C'est un récit fantastique certes, mais ne vous arrêtez pas au genre et n'ayez pas peur de vous lancer si vous n'êtes pas adeptes habituellement. Ici les Wajinrus ne sont que la partie émergée de l'iceberg. Attention ce n'est pas un récit centré sur ces femmes sacrifiées lors des traversées. Elles ne sont « que » la genèse de ce mythe. Une partie qui aurait pu être plus développée mais je ne crois pas que l'envie de l'auteure eut été de traiter ces destins tragiques. Ici c'est bien le poids du passé, de l'importance des origines, du genre et de l'amour qui transcende le genre(peuple hermaphrodite et Rivers Solomon est transgenre). Sommes-nous plus heureux en occultant le passé ? Et à contrario comment vivre avec un passé riche en souffrances ?


Un roman singulier dans lequel je me suis peu à peu laissée emporter. Si bien que je n'ai plus vraiment fait de différences entre les Wajinrus et nous les « deux jambes », « les nageoires fendues ». Cependant il y a bien quelque chose qui nous différencie et qui est toujours d'actualité : la cruauté humaine…
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Commençons par la fin du livre... qui en explique la genèse ! L'idée de départ vient d'un groupe de techno des années 90, Drexciya, reprise dans une autre chanson, hip hop cette fois, de clipping., que Rivers Solomon étoffe à sa manière en en faisant un roman.
Ce "mythe afrofuturiste" fait des bébés des femmes esclaves enceintes jetées par dessus bord, les premiers représentants d'une race de sirènes.
Des siècles plus tard, nous suivons les aventures de l'une d'elle, Yetu, historienne de son peuple, les Wajinrus.
Au travers de ses questionnements, de ses doutes, de ses "souvenances", nous bouchons quelques trous de cette Histoire. Depuis la noyade des meres humaines jusqu'au développement de cette civilisation des abysses.
Après le "Sirènes" de Laura Pugno, une nouvelle réjouissante variation sur le thème de ces créatures marines.
Le texte est jalonné de réflexions sur L Histoire, la mémoire, le besoin ou non pour un peuple de connaître son passé.
Malgré le format relativement court du roman, j'ai néanmoins trouvé que l'héroïne nageait un peu en rond. Que l'on tournait autour du pot, sur ses souffrances et ses doutes. Comme je l'ai lu dans une autre critique, une multiplication de récits des souvenances aurait été appréciable et aurait permis de tracer d'autres lignes de l'histoire de ce peuple.
Ceci étant, la lecture est très plaisante et j'ai adoré la façon dont la civilisation, la vie sous-marine est brossée - à tel point que j'en aurais voulu plus !
Une belle lecture mais qui en garde sous la nageoire.
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Je crois que j'ai rarement été aussi mitigée pour une lecture.

D'un côté on a une histoire, un concept d'histoire, absolument génial mais complètement spoilé dans le résumé ! Ce qui fait perdre au roman un énorme intérêt. J'aime terriblement le rôle de Yetu dans son peuple (l'Historienne) et de sa façon d'évoluer avec ce travail difficile. Elle nous montre une réflexion sur la mémoire, la lourdeur des souvenirs et comment les vivre sans crouler sous leur poids.

De l'autre on a une écriture très belle et poétique qui perd parfois la direction du récit et qui, du coup, prend des longueurs. Sans être un point négatif j'ai quand même du mal avec la fin, je ne la trouve pas spécialement poétique ou belle, et sans doute trop "fantasiste" pour ce que j'attendais du récit.

J'ai été happée par le récit dès le début (malgré le spoil du résumé) et j'ai pourtant perdu un peu ma motivation quelques pages pour me remotiver ensuite. Un accordéon de motivation pour une lecture originale et qui mérite totalement d'avoir été mise sur papier.
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Le 2ème roman de Solomon montre une autre forme de maîtrise de la narration : avec un propos plus concis, iel réussit une histoire finement ciselée dans un univers presque fantastique. le récit a des allures de conte, autant dans le style que dans ses inspirations afro-futuristes. Même si j'ai été moins touché par Les Abysses que par L'incivilité des fantômes, ce roman est absolument nécessaire pour aborder le sujet de la mémoire collective, du trauma et du sentiment d'appartenance. Sa dimension poétique le rend accessible aux débutant.es en SF, mais les fans du 1er roman de l'auteur.ice seront peut-être déçu.es par cette SF 'biologique' plus que technologique.
À lire en se laissant porter par le courant : si vous luttez, vous risquez de vous noyer
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