Vous ai-je déjà dit que j'ai postulé en début d'année pour devenir « lectrice Librinova » ? et que j'ai été retenue ! C'est ainsi que je me suis retrouvée avec « Une enquête d'Eliott Duncan » dans ma PAL, enquête qui, après une brève vérification, s'est avérée être le deuxième tome d'une série, qui commence par le présent livre. Or, vous le savez si vous me suivez : je suis un peu ;) psychorigide sur le fait de lire une saga dans l'ordre ; je ne pouvais donc pas entamer le livre reçu de Librinova sans commencer par l'opus précédent. Et voilà, désormais c'est chose faite !
Alors, je commencerai par un très grand étonnement : ce livre, inexistant sur Livraddict (c'est moi qui l'ai encodé et je suis, à cette date, la seule et unique à l'avoir dans sa PAL ou même WL), a reçu des avis extraordinaires sur Babelio ou sur Amazon ! Certes, ce ne sont que 11 notes sur la plateforme, 23 sur le site vendeur, et des critiques tellement « envolées » qu'on se dit, paradoxalement, que ce n'est pas possible… Je ne m'étendrai pas sur Amazon, mais pour fréquenter Babelio depuis près de 18 mois, et avec un nombre total assez élevé de lectures, variées qui plus est, je peux dire que les notes excellentissimes sont rares, très rares, même pour les livres d'auteurs (re)connus qui font une certaine unanimité auprès de la presse, des libraires et des différentes plateformes de lecteurs.
Ainsi, quand le premier roman d'un auteur quasi-inconnu obtient d'emblée des éloges aussi flatteurs (on est à une note de 4,73/5 quand même, c'est-à-dire 18,92/20 ou 94,6% - avant ma propre note), je ne peux que me méfier… à croire que l'auteur a rameuté copains et connaissances en espérant faire bonne figure (d'ailleurs plusieurs disent explicitement que l'auteur leur a envoyé ce livre), mais sachez-le : une note aussi élevée en aussi peu de voix, sur Babelio notamment, c'est bien un peu suspect !
Oh ! pour ma part, je n'irais quand même pas jusqu'à dire que ce roman serait mauvais, il est même plein de potentiel, mais décidément je ne partage pas un tel enthousiasme. Mon principal reproche est d'avoir trouvé une écriture quelque peu « scolaire », avec un côté souvent affecté, bien-pensant, façon rédaction du premier de classe qui a réussi, qui plaît au prof (et visiblement aux copains), mais qui ne réussit pas à faire monter le soufflé dès lors qu'il s'écarte de son public habituel.
Pour commencer, l'auteur situe son roman dans les Highlands écossais… mais contrairement à ce que beaucoup disent (dans les commentaires), je n'ai pas vraiment eu l'impression d'y être ; l'action aurait pu se passer dans n'importe quel autre décor propice aux randonnées, et ça aurait été pareil ! C'est que ce décor est très peu décrit : il y a certes des allusions, mais on sent à peine la pluie tomber sur nos épaules, on ne devine que vaguement l'odeur de la terre tourbeuse citée çà et là, et surtout, ça ne prend pas au coeur. Il y a comme une certaine fadeur ; on a l'impression que l'auteur aurait eu peur de se lancer dans de trop longues descriptions, qui peuvent certes embêter certains lecteurs. Quant à moi, j'aurais apprécié des descriptions plus immersives, plus passionnées, puisque l'auteur a l'air de bien connaître cette région quand même… et tant pis si elles c'est plus long, l'essentiel reste de faire sentir l'esprit de ce décor ! mais ici, décidément, ça manque.
Mais bien au-delà de ça, j'ai eu beaucoup de mal avec les personnages, qui m'ont semblé artificiels et très peu crédibles au final. Commençons par Eliott : après 10 ans de bons et loyaux services auprès de Scotland Yard à Londres, et aussi à cause d'un chagrin d'amour (qui a l'air bien léger, comme chagrin ! il sera à peine évoqué et notre Eliott est toujours plutôt joyeux, pour quelqu'un qui est censé encore souffrir au moins un peu…), il décide de retourner « au pays », dans le petit village d'Eagle Bridge en Écosse, où il a grandi, pour y ouvrir un bed & breakfast – ambiance cosy assurée. Sauf que… On voit à peine les travaux pour aménager cette vieille maison qu'il a acquise pour une bouchée de pain (après tout, ce n'était pas la partie la plus nécessaire), mais on n'a aucune vraie description de l'endroit, de ce qui donnerait envie d'y aller. Pire : alors que c'est lui qui a ouvert ce b&b, et que le synopsis laisse entendre que c'est un point central de l'histoire, en réalité Eliott ne s'en occupe pas une seule seconde ! En effet, à peine est-il prêt à ouvrir à ses premiers clients, que la vieille institutrice du village, ex-amie de ses parents décédés et qui connaît tout le monde (et dès lors se permet tout), lui envoie sans lui demander son avis ni même lui en parler, sa nièce « qui s'y connaît un peu » car ses parents à elle avaient justement un b&b ! Trooooop bien ! (sérieusement ?) Or, si l'arrivée de cette demoiselle donne lieu à une scène plutôt rigolote, c'est surtout très artificiel, cette employée miracle, qu'il ne devra même pas rémunérer (est-ce bien légal ?), et qui en deux coups de cuillère à pot, gère le b&b d'Eliott quasi de A à Z… Bref, ça m'a un peu laissée sur ma faim concernant ce b&b !
Il est vrai, cela va laisser tout le temps nécessaire à Eliott pour mener cette enquête pour meurtre qui lui tombe dessus, dans laquelle il est engagé comme consultant puisqu'il ne veut pas reprendre du service, mais où il se comporte comme le chef du sergent du poste local. Un sergent qui n'est autre que son plus proche ami d'enfance (selon ce que dit l'auteur, du moins), mais qu'il traite avec une espèce de condescendance, comme si ledit John était le sergent un peu benêt du village, dont le poste est en danger donc il faut à tout prix le conserver, mais surtout sans rien lui dire… car il serait trop idiot pour comprendre ? Et de ne lui délivrer les détails de l'enquête que par bribes, et de se moquer (gentiment ?) de lui pour tout et n'importe quoi, et de lui confier les tâches les plus subalternes possibles et puis le féliciter comme un gamin qui a bien appris sa leçon… Je dis non ! je n'ai pas accroché à une telle relation de pseudo-amitié… et je ne voudrais pas être amie avec l'auteur, j'aurais toujours un doute sur sa sincérité !
Je ne m'étendrai pas sur le 3e larron de l'histoire, Mary, la jeune femme qui faisait partie du trio d'amitié de leur enfance, et avec qui Eliott entame une relation, là aussi, en deux temps trois mouvements (n'était-il pas censé faire le deuil d'une histoire d'amour ? ah pour le coup c'est sans traîner, alors !)… sans qu'on sache trop rien de la demoiselle, à part qu'elle tient le pub du coin.
Ce sentiment de manque de naturel des personnages est accentué dans les dialogues, qui en prennent un côté artificiel, parfois même ampoulé. Certes, l'auteur use de mots simples du langage courant, sa prose est plutôt agréable et sans souci… mais qu'est-ce que j'ai été agacée par la répétition des noms dans la moindre réplique de dialogue ! Il n'y a pas un échange verbal, je crois, sans que les diverses parties prenantes ne s'interpellent en mentionnant à chaque fois le nom (ou prénom) de l'un et de l'autre. On finirait par croire que l'auteur regrette que le vocatif ait disparu de la langue française !
Certes, ça peut se faire, mais quand c'est tout le temps, pour le moindre petit échange, ça devient insupportable (pour moi du moins)…
De plus, de ce que j'ai retenu de mes cours de français d'autrefois, quand on utilise un nom ou prénom dans un dialogue, il faut « l'isoler » entre virgules, ce qui n'est jamais fait, dans ce livre ! Et on arrive ainsi à un exemple parmi d'autre (je n'ai pas tout noté), à la page 186 de l'ebook, au chapitre 13 : « (…) Où as-tu prévu de nous emmener John ? » (sic)
Sans la virgule, ça veut dire techniquement que c'est John qui va être emmené quelque part, et pas que c'est John, l'interpelé, qui va les emmener tous les deux à un endroit particulier… Il aurait fallu écrire : « Où as-tu prévu de nous emmener – virgule – John ? ». En outre, comme je disais, cette phrase survient au milieu d'un dialogue, après toute une série de répliques ; ils ne sont que deux à se parler, mais ils continuent de se donner du « John » et du « Eliott » quasiment à chaque phrase !
Certes, ce n'est rien de grave, mais décidément je ne parle pas ainsi avec mes amis ou collègues, en répétant leur prénom à tout-va : cela donne un côté artificiel aux dialogues, qui sont par ailleurs trop travaillés, trop ampoulés comme je disais plus haut. J'ai relevé un seul exemple pour illustrer mon propos : on trouve à foison des « je te (ou vous) remercie », là où un simple « merci » aurait suffi et, surtout, paru beaucoup plus spontané. Hélas, cette formulation tellement plus simple, est aussi beaucoup plus rare, dans ce roman ! (je l'affirme, chiffres de ma Kindle à l'appui, mais je ne vais pas détailler ici)
Alors, bien sûr, je n'ai rien contre un « je te (ou vous) remercie », mais ça a quelque chose de trop affecté, qui ne colle pas avec l'image d'un ex-flic (tout cultivé et poli qu'il soit) venu faire revivre un b&b dans son village natal, surtout quand il s'adresse ainsi, et tout le temps, à ses amis de longue date !
Mais bon, on va dire que l'auteur est quelque peu conscient de tout ça, car on a quand même un passage qui dit clairement : « Heureusement que je vous ai [virgule manquante] Tracy, la complimenta Eliott alors que celle-ci revenait de la salle du petit-déjeuner. Si vous n'étiez pas là je ne sais pas comment je me débrouillerais. » (clin d'oeil)
Tout cela étant dit, reste l'intrigue… Je l'ai trouvée intéressante, même si elle est aussi de facture très classique. N'ayant jamais lu aucun livre d'
Agatha Christie (j'ose l'avouer !), je ne peux pas vraiment comparer ; en revanche, j'ai vu de nombreuses adaptations ciné ou télé de l'oeuvre de cette plume célèbre, et ici on a l'impression de trouver un copier-coller de la structure d'une histoire répétée mille fois. On a un meurtre de départ qui surprend tout le monde, des indices çà et là qu'un fin limier va se mettre à suivre, trouvant pistes et aussi fausses pistes ; en chemin on découvre d'autres cadavres (éventuellement dans les placards), et pendant ce temps-là, le fin limier développe sa petite théorie dans sa tête, il en laisse entendre des bribes à son coéquipier le bêta, pardon, le subordonné de service, mais sans jamais tout dévoiler ; pour finalement tout étaler en grande pompe dans une scène finale grandiloquente, où on n'oublie pas l'un ou l'autre élément inattendu qui sort du chapeau de l'auteur.
Certes, ce dernier ne manque pas d'inventivité. Il y a plus d'un rebondissement inattendu, le lecteur se laisse aller sur l'une ou l'autre fausse piste (au point de se moquer, presque, du pauvre John qui, lui, ne comprend rien à rien et se laisse guider en aveugle par le super-ex-flic qu'est Eliott) et, même si la tension narrative propre à un polar est parfois un peu faible, on se demande de bout en bout qui est le coupable, on se risque à émettre des hypothèses, et l'auteur parvient à créer un réel trouble dans certains passages !
En conclusion, ce livre me laisse le goût inabouti d'un écrit plein de potentiel, mais qui n'a pas su se développer. Je regrette ainsi l'absence descriptions plus immersives d'un décor qu'on devine prenant, le manque de développement de personnages qui pourraient indéniablement gagner en profondeur, le côté souvent artificiel des dialogues, et la structure très (trop) classique de l'intrigue malgré une inventivité évidente ! C'est un premier roman, donc on lui pardonne, d'autant plus que la plume est fluide et agréable malgré ses quelques défauts ; cependant, il n'a visiblement été lu que par des copains de l'auteur, qui lui ont attribué trop facilement toute leur estime – et tant mieux pour l'égo de l'auteur – mais je ne suis pas certaine qu'il parvienne à atteindre un public plus large si tous les points mentionnés ne sont pas améliorés.