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Ni misérabilisme ni voyeurisme (on est si loin de Christine Angot). Vanessa Springora ne s'apitoie pas sur son sort. Avec lucidité et dignité, elle expose ce qui la prédisposa à cette rencontre fatale, à cet affrontement à armes non égales (non légales). Son conditionnement au consentement. Elle croit aux contes de fées, elle confond les princes charmants avec les grands méchants loups. Elle aime jouer au docteur et ne se méfie pas de cet expert en manipulations physiques et mentales. Tout est jeu, pourquoi ne pas jouer ? Elle m'a fait penser à ces enfants soldat à qui l'on donne une mitraillette qui n'est pas en plastique. Tout est désir et raffinement, alors pourquoi ne pas en être l'objet ?
Avec un père absent et une mère complaisante, jamais la société ne fut son garde-fou. C'est en cela que ce livre est le procès d'une époque où l'on préférait fermer les yeux plutôt que d'entraver la liberté des moeurs. La pensée nauséabonde, derrière tout cela, c'est que l'art prévaut toujours sur la vie, que les Vanessa sont des victimes collatérales, des accidents nécessaires de la grande histoire littéraire. Les temps ont changé : le libertin qu'on pardonne volontiers parce qu'il est écrivain est devenu le monstre qui se cachait derrière des lettres d'une noblesse révolue. Un usurpateur. Il n'était ni bon amant (trop répétitif), ni grand écrivain (trop répétitif). Gabriel Matzneff a non seulement abusé de la crédulité de sa jeune proie (l'aveuglement de l'amour), il en a aussi fait sa chair à canon d'écriture. C'est peut-être ça le plus abject, finalement, cette exploitation assumée de la vie brisée d'autrui.
Un livre sensible et touchant qui s'affranchit des récupérations en tous genres. Un livre qui fait froid dans le dos : et toutes les autres, que sont-elles devenues ?
Bilan : 🌹🌹
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« Bonjour les Babélionautes ! Aujourd'hui, on va parler d'un livre de la brûlante actualité, le consentement, de Vanessa Springora.

-Bonjour mesdames, mesdemoiselles, Déidamie, messieurs… je suis ravi de partager ce moment avec vous.

-Et je vous le présente si vous ne l'avez pas encore rencontré dans la critique Libérées, le combat féministe se gagne devant le panier à linge sale : Michel Lerelou. Bonjour Michel.

- Tu as vu, Déidamie ? J'ai dit bonjour à tout le monde. J'ai bien compris que la dernière fois, tu étais contrariée et qu'il fallait te ménager. Ca te convient, comme ça ?

-*soupir*

-Tu pourrais quand même me féliciter ! Je fais des efforts, là !

-Te féliciter d'avoir un minimum de décence ? Non.

Or donc, V. a treize ans, de nombreux complexes et se réfugie dans la littérature. Elle rencontre lors d'un dîner le charismatique G. M., qui la remarque aussitôt. Il la séduit… et entame une relation éphémère et toxique avec elle.

-Alors, moi, je tiens à dire…

-Popopop ! T'as lu le bouquin cette fois ?

-Déidamie, le viol est un problème trop grave et trop important pour être pris à la légère. J'ai donc lu ce livre très attentivement.

-Ah bon ?

-Absolument. Et c'est pourquoi je suis en mesure de dire : Non ! C'est inadmissible.

-T'es sérieux, Michel ? Je… je n'arrive pas à y croire…

-Je suis on ne peut plus sérieux ! Ce livre est une arnaque et ne parle pas du tout de viol !

-Qu… QUOI ?!

-Enfin, Déidamie ! Cette jeune femme est allée chez cet homme de son plein gré ! A quoi s'attendait-elle ? Elle était consciente de ce qu'elle cherchait !

-Je suis désolée pour les Babélionautes qui vont lire deux fois la même chose, mais j'ai dû mal comprendre un truc plus haut, je vais reposer la question. Tu as vraiment lu le livre, hein ?

-Mais oui, je te dis ! Et elle dit ex-pli-ci-te-ment que G. sera son-pre-mier-a-mant !

-Tu as tout à fait raison.

-Ha ! Il faut responsabiliser les femmes, même mineures, de leurs relations amoureuses.

-Tu as surtout complètement tort.

-Hein ?

-Ben oui, Michel. Je ne peux même pas t'accuser de non-analyse du texte, parce qu'il n'y a nul besoin d'analyse : le texte reste explicite sur les faits, si tu lis mal, je n'y peux rien !

Le consentement constitue une lecture facile en dépit de la gravité de son sujet : les phrases s'enchaînent avec fluidité, les chapitres filent vite. Vanessa Springora explore et expose les causes et les conséquences avec une rigueur mathématique. Presque tragique, en vérité. Après tout, vous commencez le livre en sachant déjà comment il va se finir.

-Quelle grossière erreur ! Ce texte ne relève pas de la tragédie, c'est un témoignage.

-Non. Il n'est pas tragique au sens littéral du terme : évidemment que V. n'est pas le jouet des dieux furieux ni d'une cruelle destinée qui s'amuse avec l'humanité. J'emploie le mot « tragédie » au sens de « machine infernale », mais sans Cocteau. Je m'explique :

Quand la rencontre entre G. et V. a lieu, tout est en place pour que cette dernière tombe dans son piège : l'absence d'un père violent et toxique, la soif d'amour de la jeune fille, l'adolescence et son cortège d'émotions démesurées, le milieu permissif… autant de points faibles qui la rendront vulnérable face à un prédateur. Les circonstances rendent les agressions de G. possibles.

-Et alors ? Moi, je maintiens qu'elle le voulait.

-Oui, elle le voulait. Maintenant, était-il en droit d'en profiter ? de la torturer, de ruiner sa vie, d'aspirer sa jeunesse pour ne laisser rien d'autre que la détresse, le vide, l'horreur de la trahison et du mensonge ? Un mec de quarante ou cinquante ans avec une gamine de quatorze ? Non.

Vanessa Springora se montre très claire sur le sujet : elle cherchait l'amour, oui, toutefois elle cherchait surtout une figure paternelle pour qui elle existerait. Les dîners à trois avec sa mère ne comportent aucune ambiguïté : elle s'y sent en famille, enfin.

Elle décrit également comment G. l'a dépossédée d'elle-même : en s'appropriant ce corps qui refuse d'une part, puis en la chassant elle-même de sa propre vie pour la remplacer par un fantasme, celui de la jeune fille qui ne grandit jamais et qu'il faut façonner. Pas le droit de t'amuser, pas le droit de sortir avec qui tu veux…

-Boah, ç'aurait pu arriver avec un gamin de son âge…

-Non, là encore, non, ça n'aurait pas pu. Pas à ce niveau. Elle n'avait pas les armes pour répondre, pour se débattre intellectuellement, faute d'expérience et de maturité, ce qui est normal : que sais-tu, qu'as-tu lu à quatorze ans ? Il n'existait pas d'égalité entre eux. C'est pas Eugénie Grandet qui va t'apprendre à te battre pour ta liberté, te faire comprendre qu'on te manque de respect ou que ce n'est pas normal de maquiller et de dénuder des petites filles pour les faire poser dans des postures lascives.

-Qu'est-ce que tu racontes ? Il ne la déguise pas. Tu inventes des trucs, maintenant ? Je le savais ! C'est un fake pour forcer toulmonde à penser comme toi, mais moi, je vois clair dans ton jeu, sale féminazie ! Je ne suis pas un homme qu'on trompe !

-Waaah, tu as le sens de la formule… et non, je n'invente pas, monsieur Lerelou ! Il est fait allusion à Eva Ionesco, une enfant dont la mère exploitait lâchement l'image et dont les photos circulent toujours chez les « collectionneurs ». G. M. admire ces clichés. Là encore, si ton auguste matière grise n'est pas au courant, je n'y peux rien, c'est pas moi qui gère, hein, c'est toi.

J'ajoute une dernière chose. Je disais plus haut que ce témoignage disséquait et analysait des causes et des conséquences avec rigueur et précision. Il reste cependant une chose dont je n'ai pas parlé : l'humour.

-De l'humour maintenant ! Comme si on pouvait parler de choses déprimantes avec humour !

-Oui, on peut, Michel. L'humour de victimes existe, ce n'est pas un mythe, et plusieurs fois Vanessa Springora ajoute une touche d'ironie ou de sarcasme, envers G. (haha, j'ai bien rigolé pour le coup de la glace à la fraise), certes, mais aussi envers elle-même. Ces traces d'humour restent cependant ténues, discrètes.

Et pour finir, je voudrai revenir sur l'aspect photo.

Certains pédocriminels photographient ou filment leurs victimes et partagent leurs fichiers sur Internet. Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie pour les victimes ? Etre figé.e dans un éternel présent où vous servez de jouet sexuel ? Les années passent, les images restent. Matzneff a commis quelque chose de similaire : il a figé pour toujours l'image de cette ado sous un jour flatteur pour lui, il a exhibé l'intimité de leur relation, aussi factice fût-elle, à cette différence près : il s'est servi de sa prose et non d'un appareil. Ses carnets noirs lui tenaient lieu de caméra.

Vanessa Springora a réussi à renverser le piège. Son livre le fige lui aussi dans un présent qui ne changera plus jamais. Et dans ce présent qui dure depuis des décennies, il sera désormais vu tel qu'il est : un violeur d'enfants (non, un enfant qui se prostitue pour se payer sa nourriture, sa came ou un cartable ne le fait pas parce qu'il a envie de vous, il a besoin de votre argent, c'est différent), un homme sexiste et un pervers aux techniques rodées pour manipuler et harceler.

Le consentement ne constitue pas qu'un simple témoignage : il représente aussi un essai complet, une démonstration sur les mécanismes de la violence sexuelle et leurs conséquences (parce que c'est pas tout de s'éloigner de son bourreau, il faut réapprendre à vivre après), sans pour autant s'éloigner de l'émotion. »
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Vanessa décide enfin de prendre la plume pour raconter ce qu'elle a vécu avec un écrivain longtemps (trop) encensé par les media. Nous sommes au milieu des années quatre-vingt !

Elle raconte son enfance entre un père, dont le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est parano : jaloux, possessif, maltraitant psychologiquement : une tache sur une nappe suffit à déclencher la violence, ou le fait de savoir qu'on a touché à ses livres (ils ne sont plus tout à fait à leur place, alors crise… (on est loin d'un TOC).

Vanessa a six ans quand le couple se sépare, il ne paye pas de pension, voit à peine sa fille, donc il s'ensuit un lien fusionnel mère fille, ce que je trouve curieux…

Elle se réfugie dans les livres car sa mère travaille dans une petite maison d'édition à l'époque, ce qui lui permet de rencontrer des écrivains, journalistes… « tout ce beau monde est cultivé, brillant, spirituel, et parfois célèbre ».

Un soir sa mère l'emmène à un dîner, avec quelques personnalités du monde littéraire » dont G. qui a déjà détecté en elle sa future proie. Elle est tellement à la recherche d'un substitut paternel, et tellement besoin d'être aimée qu'elle tombe dans ses filets. « La présence de cet homme est cosmique ». Elle a treize ans, il en a cinquante, c'est surtout cela qui est co(s)mique…

Elle pense être amoureuse, et être aimée de lui. En fait, elle aime l'idée d'être amoureuse, en quelque sorte « l'idéal de l'amour » alors qu'elle entièrement sous son influence. Elle accepte tout, les caresses d'un « vrai pro de l'amour », il la sodomise mais il lui apprend l'amour (en fait le sexe, mais elle confond les deux) tel un Pygmalion…

Comment résister à un homme qui écrit de si belles lettres d'amour ?

Vanessa Springora décrit très bien tout le processus de l'emprise que G. exerce sur elle, et le fait qu'elle n'en a pas conscience, puisqu'il lui dit qu'il l'aime, le lui écrit. Ils forment un « vrai couple » puisqu'ils font l'amour, se promènent mains dans la main, dans la rue. Il va même jusqu'à l'attendre pas loin du collège, sans se cacher !

L'homme la fascine et le fait qu'il soit un écrivain connu, c'est flatteur… Et puis, après tout, le tout-Paris intello sait qu'il aime sodomiser les petits garçons quand il va à Manille par exemple, mais on continuer à l'encenser, alors comment une gamine de quatorze ans pourrait-elle ne pas être subjuguée par l'aura du « Maître à la gueule de bonze…

Je comprends qu'il lui a fallu du temps pour comprendre que c'était un prédateur et qu'il se lasserait d'elle pour une proie plus jeune. Mais, je n'ai pas ressenti autant d'empathie que je m'attendais à en ressentir, à la lecture du résumé, et c'est très perturbant.

Cette lecture a déclenché chez moi un profond dégoût : vis-à-vis de G. dont je n'ai jamais lu un seul livre car ce personnage sulfureux m'a toujours donné envie de vomir et à changer de chaîne quand il était reçu en grande pompe à Apostrophe, un homme qui écrit et fait publier son journal avec tous les détails et dans lequel il fait figurer toutes les lettres d'amour que V. (et les autres, avant et après) lui a écrite et sans jamais leur demander leur avis.

« Vous voyez bien qu'il s'agit d'amour », voilà ce que suggère ce pervers qui a milité pour l'abaissement de la « majorité sexuelle » encore une escroquerie… Il a même été à l'origine d'une pétition dans ce sens et certains de ceux qui l'ont signée sont archi-connus. Il n'y a pas que dans l'Église que se cachent ces pourris. Il y aurait un grand ménage à faire car les prédateurs sexuels sont loin d'être une espère en voie de disparition.

D'autres choses m'ont profondément choquée dans ce livre : comment les parents de V. ont pu ne rien faire : le père a fait semblant d'essayer, mais la mère n'est pas nette du tout (pour moi elle est à enfermer pour non-assistance à personne en danger !) : elle laisse faire, on a l'impression à la fois qu'elle est jalouse, et aimerait être à la place de sa fille, mais aussi que c'est flatteur pour elle que G. s'intéresse à sa fille.

Cette mère ne reconnaîtra jamais qu'elle a eu tort : tout est de la faute, de V. de toute manière elle était en avance pour son âge, à quatorze ans !

Et Cioran qui dit à V. que si elle le quitte, ce pervers, il va avoir beaucoup de peine ! on rêve ? Ces intellos de gauche, soixante-huitards attardés sont vraiment à part !

Autre source de dégoût : c'était une autre époque ! ah bon, la pédophilie, parce que c'est quand même de cela qu'il s'agit, c'était normal ? L'exhiber dans les livres aussi ? il y a beaucoup de personnes qui auraient dû intervenir et n'ont rien fait.

Dernier malaise : quand le gynécologue lui propose une intervention chirurgicale pour un hymen trop serré, V. parle de viol ! en gros, elle a été violée par un scalpel, mais pas par G.

Néanmoins, c'est un ouvrage qu'il est important de lire, malgré de dégoût, pour bien comprendre le processus de l'emprise, et surtout, ce qui dans la vie d'une adolescente en mal d'amour, a pu conduire à une telle relation « bourreau victime ». Un pervers sait très bien détecter la faille qui fait une proie facile.

Pour terminer, je tire mon chapeau au magazine ELLE où il était interdit, dès les années 90 de prononcer le nom de cet « écrivain » alors que Bernard Pivot vient seulement de reconnaître qu'il n'aurait pas dû! François Busnel s'est excusé de l'avoir reçu une seule fois en disant que cette seule fois était déjà une de trop. Quant à l'éditeur, il vient juste de suspendre les ventes du « Journal »…

Un grand merci à NetGalley et aux éditions Grasset qui m'ont permis de lire ce livre et de découvrir son auteure dont la plume est intéressante…

#Leconsentement #NetGalleyFrance
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Le consentement est le récit toujours juste d'une emprise : celle d'un adulte sur une enfant en quête d'amour qui va se trouver à la merci d'un prédateur. C'est le récit aussi d'une défection : celle d'une mère (comment autoriser une telle relation ?) et celle d'un père (totalement inexistant). C'est enfin le récit d'une reconstruction : celle que Vanessa va s'autoriser en écrivant cette histoire, en utilisant la littérature (tout comme G. relatait ses méfaits dans ses journaux) pour dénoncer son abuseur. Un texte terrible, très sobre.
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Récit d'une emprise, l'histoire de la petite V. - Vanessa Springora, l'autrice - est désormais connue de tous. Gamine de 13 ans abandonnée par son père, délaissée par sa mère, V. est en manque d'amour et de figure paternelle. Lorsqu'elle rencontre G., écrivain quinquagénaire à succès et admiré du monde littéraire, et que celui-ci lui témoigne de l'intérêt, c'est pour V. le début d'une histoire d'amour et de fascination. Il faudra trente ans à Vanessa Springora pour pouvoir témoigner de cette relation toxique et dénoncer publiquement les agissements pédophiles du désormais bien connu, Gabriel Matzneff.

Au-delà de son histoire personnelle, c'est bien plus le regard que porte Vanessa Springora sur une époque et un milieu fermé - et le récit qu'elle en fait - qui happe le lecteur. Les pratiques perverses et criminelles de Gabriel Matzneff étaient connues de tous. du moins de ses amis, proches du monde littéraire, d'un milieu bohème et artistique. Est-ce vraiment le fait d'une époque dite complaisante et d'une évolution culturelle où au nom de la libération des moeurs et de la révolution sexuelle, on se doit de défendre la jouissance de tous les corps jusqu'à la confondre avec des pratiques pédophiles, qui ont permis cette acceptation ? "Il est interdit d'interdire !". Est-ce l'aveuglement de la notoriété et la posture d'artiste qui ont fait que des adultes ne voyaient pas où était le mal à cette relation considérée comme un petit écart, à commencer par la mère de Vanessa ?
Aujourd'hui, si tout cela paraît ahurissant, Vanessa Springora prend le temps de poser ces questions qui, en partant de sa situation personnelle, touchent à la moralité de l'oeuvre et à ce que l'on est prêt à accepter au nom de la "littérature" et de la création artistique.

Dans un style sans ambages, nuancé et circonstancié, elle relate ce qui a été - la toile tissée par un prédateur, soutenu non pas seulement par des proches mais par tout un milieu littéraire, culturel et politique - et questionne : comment des gens dit "intellectuels" en sont arrivés à confondre liberté sexuelle et pratiques pédophiles dont l'auteur se vantait publiquement ? Comment ne pas voir que derrière l'écrivain qui relate ses pseudo succès sexuels se cache un pervers narcissique ? Vanessa Springora s'interroge aussi forcément sur les notions de victime, de vulnérabilité, d'abus de faiblesse... tout ce qui repose dans cette zone grise où l'on est à la fois victime, coupable et consentant.
"Le consentement" est une oeuvre aboutie, d'une très grande justesse, sans aucun voyeurisme mal placé. A lire absolument. Et bravo Madame Springora.

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J'ai hésité longtemps à publier mon ressenti sur l'histoire de cette jeune femme.
C'est indéniable qu'elle a subit des souffrances terribles mais plus tard dans sa vie d'adulte.
je m'explique, utilisation de son nom par un personnalité publique détestable au plus haut point ! J'ai été plus que outrée que cet individu ai été encensé par les médias ! Cela me donne envie de vomir. Excusez-moi du terme.

En sortant du contexte sordide. L'époque était assez révolutionnaire par son libéralisme. La Libération de l'amour faisait que ce n'était pas choquant. Les permissions étaient autre qu'aujourd'hui.
Elle était amoureuse sans aucunes barrières pour l'en empêcher.
Lorsqu'il s'éloignait, elle en redemendait.
Cela il ne faut pas l'oublier. Et ça cela me dérange. J'ai conscience que cela ne va pas plaire mais il y a quand même une part de responsabilité. Malheureusement pour elle ce n'était pas un amoureux lambda.

Oui, il y a eut manipulation de cet individu. C'est indéniable. Mais... il y a toujours ce petit mot (mais) qui fait que je ne suis pas autant touchée par l'histoire amoureuse proprement dite.

Désolée...
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La polémique enfle. Vanessa Springora a osé écrire et publier, raconter cet homme, les années – longues et destructrices, l'amour qui n'en était pas, l'anormalité et les yeux fermés. Elle a livré son histoire, victime de l'Ogre, prédateur prétentieux gavé de sexe illicite, suffisant et maltraitant, manipulateur et imbu de lui-même. Elle a inspiré fort, grand, cette rage contenue, ce chagrin, cette cassure, le dégoût et le reste et l'a expiré, d'une force qui bouleverse, le souffle sec et usé par les actes et les mots de ce maudit amant, son harcèlement, sa nauséabonde insistance, ses mauvaises caresses et son mauvais récit. Il en a fallu du courage pour coucher la nécessaire vomissure – celle qu'on ne voudrait pas lire, l'inacceptable, les faits couverts par d'autres, trop polis, trop dans l'époque, trop politiques … trop, trop …trop lâches. Un père absent, une mère conciliante, un médecin, des gendarmes, des voisins, des amis. Hahaha ! L'ogre se repait, se vante et se glorifie.
Les faits restent présents dans sa tête, dans sa chair, une histoire d'enfant que l'on a fait grandir malgré elle dans le monde des hommes. Une cicatrice. Une plaie. Parce ce qu'on ne pas être indemne.
Ce livre est un cri. le cri de celle qu'il faut entendre. Regarder. Voir. Ecouter. Face aux monstres, aux déviants, aux protégés, aux intouchables. Aux fautifs.
Ce témoignage a déclenché la polémique. Les pour, les contre, les soutiens à l'un, les tribunes pour l'autre, la bonne pensée et la jolie morale ; on se cache derrière la société, les moeurs d'une époque, la tolérance et la culture, mais qu'en est-il en réalité ? Vanessa Springora, à travers sa douloureuse histoire, met le doigt sur les dérives d'une société faite de façades et de multiples vitesses. Elle remue la boue qu'il faut enfin remuer.
Ce livre d'une grande pudeur, à mots choisis, est d'une incroyable lucidité. Il est à lire au-delà des remous médiatiques pour comprendre les rouages d'une manipulation experte et réfléchir à la notion de consentement.
Un écrit fort et bouleversant.

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Éblouie par l'attention d'un homme mûr et sophistiqué qui doit inconsciemment convoquer l'image du père et par là, réparer l'amour que celui-ci ne lui a pas donné, la jeune V. tombe sous le charme et dans le piège d'un pédocriminel, G.

Elle n'a alors que 13 ans, lui 36 ans de plus... Mais il n'y a pas de consentement à 13 ans. Ni plus à 14 ans où s'entame une véritable "relation" tissée par l'emprise d'un pervers (mot qu'il faut entendre ici comme ayant une relation à l'autre en tant qu'objet). Et cette relation n'est pas faite que d'abus psychologiques. le sexe qui souille son corps innocent en fait partie, même si G., écrivain de renom bénéficie de la complaisance d'une époque décomplexée (dans les années 80') qui trouverait naturel que la sexualité n'ait pas d'âge, en particulier dans le milieu fermé des artistes.

Pour (se) convaincre que V. (et bien d'autres) est consentante, G. enrobe la violence de l'abus de lettres enflammées et romantiques, de gestes doux et précautionneux, de mots tendres et de caresses délicates. V. y croit. Elle croit à une histoire d'amour passionnée et romanesque. Il faudra du temps avant qu'elle réalise dans quelles griffes elle est tombée et en éprouve répugnance et honte (car malheureusement, ce sont les victimes qui ont honte).

Au-delà du récit terrible d'une enfant abusée par la manipulation d'un pédocriminel et violée par lui; au-delà de la complicité tacite de la société et des médias (rares sont les personnes qui osent s'élever contre ces pratiques abjectes), ce qui m'a aussi véritablement horrifiée et révoltée, c'est l'attitude de la mère de V. Ce n'est pas qu'elle n'a pas vu, pas compris. Non, si elle n'a pas protégé sa fille, c'est qu'elle l'a bien voulu car elle a vu, elle savait. Et ça c'est abominable, incompréhensible.

Ce livre, ce témoignage de l'auteure, est particulièrement courageux et intelligent dans son analyse et sa narration. Il m'a énormément secouée pour différentes raisons et j'en sors marquée.

Avant de clore cette critique, je voudrais écrire un mot sur la notion de consentement. Il est évident dans cette histoire (vraie) qu'il ne fait aucun doute qu'il y ait eu abus, qu'il ne pouvait y avoir consentement.
Mais parfois, le consentement est dans ce qu'on appelle la zone grise. Des abus sexuels sont parfois commis quand le consentement n'a pas pu s'exprimer, mais que pour autant la violence n'ait pas été utilisée. La contrainte peut être de divers ordres. La réaction peut être la sidération.
Il y a comme ça des viols subis, ressentis profondément comme tels qui ne disent pas leur nom car ils sont au-delà des images stéréotypées que l'on s'en fait. Je vous invite à visionner le documentaire "Sexe sans consentement" de Blandine Grosjean et Delphine Dhilly qui l'évoque très bien. Pour sensibiliser les jeunes. Pour tous.

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Ce roman est une autobiographie. Vanessa Springora raconte comment adolescente, elle a été séduite par l'écrivain Gabriel Matzneff ainsi que les ravages provoqués dans sa vie future par cette relation. Elle revient sur son histoire, son enfance, son amour et ses relations familiales avant de revenir sur l'emprise dont elle a été l'objet.
Pourtant dès l'âge ; de 5 ans, elle n'attend que l'amour.
Mais dès l'enfance, celui du père est absent, comme elle l'écrit au début de son témoignage. Il se réduit à une sorte de fantôme, elle se souvient seulement d'élément épars lui appartenant ; des objets tels une cravate, un parfum, une senteur de parfum mais pas un être aimant incarnant la figure du père.
Les parents ne s'entendent pas, il n'y a aucune tendresse entre eux. Ils divorcent très tôt dans son enfance, elle vit avec sa mère et conservera très peu de relations avec son père.
Son enfance lui donne une vision particulière de l'amour ou plutôt le non-amour entre adultes ; un père peu fiable, violent, qui invoque la baise en place de l'amour, les ébats amoureux et traumatisants de sa mère, le manque de tendresse lors de sa découverte des plaisirs sexuels avec un ami d'enfance, sa précocité sexuelle.
Elle n'est du coup pas armée pour affronter les pervers sexuel.
Elle témoigne d'abord de sa rencontre avec l'écrivain sulfureux au physique avenant qu'elle appelle G, elle confond alors amour paternel et prédation. Elle raconte la fascination que celui-ci exerce sur elle aux premiers instants de leur rencontre, pour cette fille qui ne vit que dans les livres et qui vénère les écrivains dont elle a une vision idéalisée et naïve.
Plusieurs éléments rendent cette tragédie inéluctable, au départ oui, c'est « le consentement » puisqu'elle aime comme le dit V. mais la narratrice a une vision brouillée de cette relation, elle se sent belle à travers son regard à lui, elle, la jeune fille qu'aucun homme n'a jamais regardée ou réellement aimée, pas même son père. G la regarde comme personne ne l'a jamais fait auparavant. Elle est amoureuse mais son histoire familiale et sa jeunesse ne lui permettent pas de savoir ce qu'est l'amour, de faire la différence entre amour et fascination littéraire, amour et admiration de l'aura de l'écrivain, mais le pire pour elle c'est qu'elle va consentir et l'aimer. Sa mère l'avertit brièvement qu'il est connu pour être pédophile, la jeune fille ne l'entend pas, elle l'aime sincèrement et ne voit pas en lui le prédateur sexuel. Finalement la mère comme des membres de l'entourage vont tolérer cette relation, il n'y aura pas de réel barrage à cette relation. L'homme pervers la manipule à sa guise lui donnant l'impression qu'elle est « l'élue », c'est une lune de miel, de fiel, permise involontairement bien sûr par le manque d'affection et d'attention des ascendants de l'adolescente. La culture littéraire qu'il lui apporte est centrée sur la sexualité empreinte de pédophile et de viols de jeunes filles par des artistes, il réfute les faits. le contexte social et familial de l'époque, à la fin des années 70, ne vont pas être aidants. Personne n'y trouve à redire car c'est l'époque où « Il est interdit d'interdire », aucun rapport avec les scandales qui aujourd'hui parsèment la littérature et le milieu culturel.
Après l'abus sexuel, c'est le harcèlement par G que V va subir lorsqu'il publie leurs correspondances sous forme de fictions, il se dédouane du tort qu'il lui fait et se contrefiche d'un quelconque respect de sa vie privée en revendiquant le droit à la fiction, seule chose qui compte pour lui en dehors de ses déviances sexuelles. Ceci est d'autant plus dramatique que V a du mal à gérer son statut de victime puisqu'elle était consentante.
Puisqu'il y'a prescription pour l'abus sexuel, que le droit à l'image et à la vie privée ne peuvent être défendus, Il reste l'écriture pour écrire sa propre histoire et devenir comme Vanessa Springora le dit si bien, le sujet légitime de sa propre histoire.
Il est difficile et délicat de faire une chronique de ce livre dans lesquelles sont racontées des choses complexes, on est confronté à la morale, la justice, la révolte et toutes les autres vindictes, personnellement les cercles littéraires qui soutiennent encore Matzneff avec la distinction fallacieuse entre l'homme et l'artiste me révulsent.
Le livre est écrit d'une belle plume, celle que Matzneff a refusée à Vanessa Springora dans sa jeunesse, il était alors seul écrivain à bord dans cette relation malsaine.

Pour ceux que ça intéresse, il est possible de visualiser l'extrait de l'émission -Apostrophe- de Pivot (en 1990) que l'auteure cite dans son livre et dans laquelle Matzneff est présent. On peut se faire une idée du personnage.

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Livre brillant, remarquablement écrit, truffé de références littéraires, cultivé, et qui atteint tous ses buts. Vanessa Springora dénonce l'imposture littéraire de G Matzneff qui n'était qu'un pédophile et un manipulateur. Elle réhabilite l'enfant qu'elle fut, consentante, mais dont le consentement n'était et ne pouvait pas être éclairé. Elle décrit les faits de façon factuelle, sans pathos, elle détaille les mécanismes de l'emprise, car il s'agit avant tout de cela. Elle dénonce l'attitude de tous les adultes autour d'elle : d'abord de sa mère, ensuite d'un médecin, des amis de la famille, des intellectuels parisiens et pour finir de l'ensemble de la société française via les médias alors que pourtant la loi était on ne peut plus claire et n'impliquait pas plus de tolérance qu'actuellement des agissements de cet individu. D'ailleurs n'y a-t-il pas des cas où la justice peut se saisir d'elle-même d'une affaire sans qu'une plainte ait été déposée au préalable ? Vanessa Springora analyse avec lucidité et clarté les suites de cette relation, les séquelles et le chemin par lequel elle a pu sortir de cette emprise, se reconstruire et aboutir à ce livre. Car l'emprise de G Matzneff était physique, mentale mais surtout durait au-delà du temps de leur relation puisqu'il immortalisait celle-ci dans ses livres, systématiquement, victime après victime, leur confisquant leur histoire pour la donner en pâture aux lecteurs. Ce qui donne encore plus de poids à ce livre, car V., devenue directrice de maison d'édition, utilise les mêmes armes que son bourreau pour se réhabiliter et le rétablir , lui, à la place qui aurait dû être la sienne depuis longtemps : un pervers, un prédateur sexuel de la pire espèce qui utilisait ses victimes pour se rendre célèbre et la littérature comme alibi.
Un livre nécessaire, d'une grande force et d'une grande intelligence.
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