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Avant de vous partager mon ressenti, je suis allée voir ce que le dictionnaire de notre temps donnait comme définition par le mot consentement : terme de langage qui revêt l'approbation, a des définitions spécifiques dans des domaines tels que le droit, la médecine, les relations sexuelles.

Lorsque ce livre est sorti, je me souviens bien de l'emballement médiatique dont il a été l'objet et son retentissement. J'ai écouté, j'ai lu des critiques mais j'en suis restée là.

Tous les jours de ma vie professionnelle, je suis dans des procédures judiciaires concernant des abus sexuels de mineurs et croyez-moi, même si on prend de la distance on ne s'y fait jamais, surtout lorsque l'on voit les dommages sur le psychisme.

La majorité sexuelle est établie dès l'âge de 15 ans, c'est quelque chose que je ne comprends pas de la part du législateur, mais s'il y a consentement, trop peu souvent les dossiers sont qualifiés de viols, mais seulement d'attouchements sexuels…... Cela me courrouce toujours aussi fortement, car c'est déjà un crime à mes yeux. Tout se joue à ce moment là et laisse dans l'abandon de nombreuses victimes qui doivent apporter des preuves pour être crédibles ou s'enferment dans le silence avec d'importants troubles de la personnalité.

Une jeune écrivaine, éditrice, Vanessa Springora a dénoncé publiquement à travers «Le consentement » la pédophilie dont elle a été victime dès son plus jeune âge.

Elle vivait dans un milieu aisé, des parents séparés.

Au cours d'une soirée mondaine encore une enfant
de 12 ans,
elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain.

Il la repère telle une proie et commence à l'attirer, en lui adressant des courriers qu'elle dissimule. A l'insu de sa mère, une relation épistolaire nait entre eux.

C'est à travers ces écrits que cette relation évolue sexuellement et banalement avec un homme qui pourrait être son père, sous les yeux des siens. Elle est amoureuse de lui, sa jeunesse, sa crédulité font le reste. Malgré plusieurs tentatives de la brigade des mineurs, il réussira toujours à dissimuler les preuves de son abjecte entreprise. La victime reste muette, elle l'aime.

A travers cette écriture, je souligne l'immense courage de l'auteur de mettre des mots sur cette relation qui a détruit sa vie à cause de son emprise et son embrigadement mental.

Après plusieurs années d'esclavage sexuel, elle réalise qu'elle est son objet en réalisant ses mensonges. Elle tente de défaire ses liens. Ce n'est pas l'amoureux qu'il prétend être, elle découvre et réalise la perversion dans laquelle il vit, notamment à travers la découverte de son tourisme sexuel.

Adulte, pour se mesurer à lui et le faire fuir, pour se reconstruire, elle écrit ce livre pour dénoncer publiquement, sans patho, sans voyeurisme, ce dont elle a été victime et les ravages qui ont fait de nombreux dégâts psychologiques dans sa jeunesse et sa vie de femme, avant qu'elle ne trouve la bonne épaule.
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Témoignage autobiographique sur les relations destructrices d'une adolescente de quatorze ans piégée par la séduction mortifère d'un vieux beau de cinquante ans, écrivain estimé de sa génération et pédophile notoire.
C'est le récit d'une emprise : l'auteure n'aurait pas pu faire mieux pour poser les divers aspects de la notion de consentement.
De sa terrible expérience, relatée avec une grande authenticité, on ne peut que conclure qu' il est des circonstances où l'on peut accepter sans consentir.
Car le consentement se doit d'être éclairé. Et éclairé, il ne l'est jamais au-dessous d'un certain âge.
°°°°°°°°
Quelques personnes, rares il est vrai, ne veulent voir dans ce livre que l'expression d'un dépit amoureux, "une histoire d'amour qui finit mal". Je trouve cette appréciation choquante à plus d'un titre. D'abord, quand des faits sont criminels, et aussi clairement exposés, comment peut-on se permettre de juger la victime et non l'auteur des faits ? C'est toujours la bonne vieille suspicion envers la victime qui est en oeuvre dans ce jugement, surtout si cette victime est une femme. C'est la règle en matière de viol. Or nous ne sommes pas ici dans un tribunal, le lecteur n'est pas un juge, il n'a pas été tiré au sort comme juré.
Ensuite, comment est-il possible que ces personnes jugent une jeune fille de treize-quatorze ans apte psychologiquement à vivre une "histoire d'amour" avec un homme de cinquante ans ? Par quel manque d'empathie peuvent-elles mésestimer la souffrance occasionnée par cette prise de possession progressive d'une adolescente par un homme plus que mûr : emprise scolaire, puisqu'il lui faisait ses dissertations, emprise sur sa vie (il l'a détournée de la musique), éloignement de la normalité d'une fille de son âge coupée de ses camarades et exhibée lors de repas mondains à des heures où elle aurait dû être couchée, pratiques sexuelles intenses et d'une technicité repoussante pour son âge, et non celles de très jeunes gens découvrant la sexualité, mensonges répétés, tromperies. Le prédateur a enfermé cette gamine dans un univers glauque qu'elle n'avait pas la maturité suffisante pour évaluer pleinement et qui l'a mise en marge de ce qu'elle aurait dû vivre et qu'elle ne vivra plus jamais, les fameuses "coudées franches" dont parle Brassens dans "La petite fille et le père Noël". Un chagrin d'amour vraiment, alors qu'il l'a transformée en monstre à ses propres yeux ?
Reste qu'on peut penser ce qu'on veut. Mais qu'on ne s'étonne pas que Vanessa n'ait trouvé aucune aide à l'époque quand nous ne sommes même pas capables de comprendre ce qu'elle a vécu et qu'elle l'explique pourtant avec le recul suffisant pour y mettre des mots.
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Une enfance un peu sombre, avec un père violent ou pour le moins caractériel, que sa femme finit par quitter et qui disparaît du paysage.

Une gamine qui se réfugie dans les livres pour pallier ce père absent et qui fréquente par la force des choses un certain milieu littéraire, côtoyé par sa mère qui travaille dans l'édition.

Un écrivain connu, qui sait se mettre en avant auprès des adultes, pour mieux impressionner les enfants, et qui, à 50 ans jettera son dévolu sur cette jeune fille, comme sur d'autres, forcément impressionnées :
"La présence de cet homme est cosmique".

Et voici comment démarre l'adolescence de Vanessa Springora, 14 ans, "V", qui se laissera entraîner dans les filets de cet écrivain, "G", amoureux manipulateur. Un prédateur.

Elle lui cédera... consentante.

A mon avis :
J'avais un peu d'appréhension avant de démarrer la lecture de ce livre. Je ne voulais pas me trouver en face d'un pamphlet contre cet écrivain, qu'elle nomme "G" mais dont tout le monde connait le nom véritable (pas vous ?), réalisé à posteriori et par vengeance, quelles qu'en soient les raisons.
Sans contre argumentation, cela me semblait trop facile.

Or, rien de tel ici. Vanessa Springora évoque les faits, simplement et semble-t-il avec beaucoup de neutralité, de son point de vue de l'époque aussi, celle où elle était une enfant, influençable et innocente. Mais pas seulement. On arrive aussi à "comprendre" le fonctionnement du bourreau, sa maladie sans doute.
Cela laisse le loisir au lecteur, progressivement, de se faire sa véritable opinion sur cette histoire et sur ce personnage. Et c'est très bien, car c'est aussi un moment où la parole est donnée pour une fois, non pas à l'écrivain, qui a eu tout loisir de s'exprimer durant de longues années, mais à sa victime devenue à son tour écrivaine.

La plume est belle, sans facétie. On parcourt ce livre rapidement, en oscillant entre la sidération, le désespoir et la rage parfois.

Et cette rage n'est pas forcément tournée vers celui qui manipule, qui possède ou qui consomme cette adolescente. Celui-ci, son cas est entendu. C'est un monstre... en tout cas, un hors-la-loi, pourtant couvert jusque-là.
Non, elle est aussi parfois tournée vers ceux qui auraient pu faire quelque chose, mais qui sont restés stoïques. Vers ces lâches, qui, influencés par la notoriété du coupable, par l'époque, n'ont rien fait, ou plus grave encore, ont laissé faire.

C'est vrai que l'époque n'était pas la même ; que ces questions, parfois débattues innocemment sur les plateaux de télévision, étaient moins sensibles et envisagées avec moins de gravité. Comme quoi, ce n'était pas forcément mieux avant...

A l'aune de l'évolution de notre société et des mouvements féministes particulièrement mis en avant ces temps-ci, évidemment, c'est une bombe.

Un livre en tout cas, qui fait réfléchir sur l'influence des adultes envers les enfants, et sur la nécessité de les en protéger, parfois contre leur gré.


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https://blogdeslivresalire.blogspot.com/
Lien : https://blogdeslivresalire.b..
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"Les histoires d'amour finissent mal en général"
chantaient les Rita Mitsuko en 1986, au moment où G.M. rencontrait V. (ou l'inverse...).

Et si, contrairement aux commentateurs qui m'ont précédés, l'on veut juger ce livre de manière impartiale, force est de tenir compte de cette terrible réalité, incontournable.

Dès lors, il saute aux yeux que l'immense déception qu'a vécu V. (et je suis emplie de compassion pour elle), aurait tout aussi bien pu lui arriver si elle s'était laissée séduire par un garçon de 17 ans... qui aurait été le meilleur élève de sa classe et/ou collectionneur de succès féminins sans lendemain.

Si l'on lit attentivement son livre, et sans parti pris, on s'aperçoit rapidement que ce qui brise le rêve de V., c'est que son amoureux la trompe, et lui mente ; pas son âge !

Il aurait eu 18 ans au lieu de 50, elle en aurait été tout autant meurtrie. Ce point est central, décisif, indiscutable, et pourtant, étrangement (ou pas !), tout le monde l'occulte. Que l'auteure fasse l'impasse dessus, évidemment, c'est normal, et il ne me viendrait pas à l'idée de lui reprocher. Mais les lecteurs, eux, n'ont pas la moindre circonstance atténuante !

Conséquence évidence de ce qui précède, l'une des principales fausses pistes sur laquelle ce livre nous balade, c'est qu'il suffirait de ne vivre que des histoires amoureuses dans sa tranche d'âge pour éviter ce genre de désastre ; il s'agit évidemment d'une totale ineptie.

V. en veut beaucoup à G.M., et on peut la comprendre ; mais nous qui ne sommes pas aveuglés par son chagrin, il devrait nous sembler évident que les premiers responsables du naufrage sont son père, sa mère, et l'amant de sa mère.

V. se trompe de cible, c'est sur ce trio maléfique qu'elle aurait dû orienter son livre. Si elle n'avait pas déjà été bousillée par eux, l'épisode Matzneff n'aurait pas eu cet impact. Des millions de jeunes filles vivent des premières amours compliquées. Si avant cette rencontre initiale, elles ont reçu une véritable éducation, elles savent y faire face (et d'ailleurs, il en est de même pour les jeunes garçons...).

Autre dissonance importante entre ce livre, la façon dont il est perçu et les réalités gênantes que l'on tente de masquer sous le tapis : à une époque perfusée au principe de précaution, chacun revendique haut et fort "le droit" à vivre à fond ses passions amoureuses mêmes les plus extrêmes, mais tout en exigeant par ailleurs de ne jamais en subir les conséquences... Et pourtant, eh oui, tout alcool fort menant à l'ivresse, peut provoquer, le lendemain, une sacrée gueule de bois !

Dernière chose, et peut-être la plus importante puisque ce site est censé être orienté "littérature" et non pas "cours de morale" ; Gabriel Matzneff mérite peut-être 10 ans de prison, mais ce n'est pas le sujet... En revanche, il s'agit d'un écrivain, un vrai, et ses oeuvres sont là pour en témoigner (une quarantaine)...

A l'inverse, Mlle Springora a beaucoup souffert, il serait injurieux d'en douter, mais hélas, cela ne suffit pas pour acquérir, comme par magie, un réel talent. Sur les plateaux de TV, il se dit beaucoup que si G.M. avait été conducteur d'autobus, il n'aurait pu échapper à un procès ; si Mlle Springora avait été infirmière, jamais son livre n'aurait été publié. Sur un plan purement littéraire, il ne présente pas le moindre intérêt.
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Il y a des livres qui font hésiter à faire une chronique, on aurait presque envie de le copier/coller en entier pour inciter à le lire. Juste un petit passage alors, pour dire que c'est un livre fort, très fort, magistralement écrit, à la fois simple et limpide, extrêmement lucide. Difficile de le lâcher.
Ce qui m'a le plus surpris ou consterné, c'est le consentement, ou le silence, du milieu littéraire face à une de ses figures.
Ce qui risque de rester, ce sont les répercussions, il semblerait qu'il y ait des éclaboussures dans le monde germanopratin avec les démissions académiques du côté du Goncourt notamment.
Peut-être un livre déjà historique, donc.
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V. a treize ans, l'âge des premiers émois, celui ou la sensibilité d'une toute jeune fille commence à fleurir au sortir de l'enfance. Elle est élevée seule par sa mère, son père étant inexistant ou presque dans sa vie. Nous sommes dans un dîner mondain où sa mère a été conviée. V. y voit un homme, le premier qui daigne s'intéresser à elle. Il s'appelle G., il a cinquante ans et c'est un intellectuel brillant ayant toutes ses entrées dans les milieux littéraires parisiens. Il est souvent invité par un certain Bernard Pivot qui lui dresse un tapis rouge à chacune de ses apparitions télévisuelles. V. ne sait pas ce qu'elle recherche, sans doute l'amour d'un père qu'elle n'a pas et puis, à treize ans, comment mettre des mots sur ce que l'on ressent ou pressent. G. est derrière l'image de l'écrivain connu, un véritable prédateur sexuel, un pédophile notoire qui multiplie les abus sexuels sur mineurs. Il pratique le tourisme sexuel et s'en vante dans ses « oeuvres », ses journaux intimes qui n'ont d'intimes que le nom car il vit de ces crimes commis contre l'enfance, l'adolescence.. car à treize ans, sait-on seulement ce qu'est être consentant.. Dans le milieu des années 80, à l'heure où une certaine gauche soixante huitarde célèbre Cohn Bendit et quelques autres dont G. qui souhaitent que la pédophilie soit reconnue et acceptée non seulement dans les cénacles et autres alcôves du pouvoir, mais aussi dans la société toute entière, Vanessa Springora se réapproprie son histoire ou bientôt plutôt son errance suite à l'indicible abus dont elle fût la jeune et innocente victime. Vanessa Springora, ce prénom et ce nom sont sur toutes les lèvres à l'heure de cette rentrée littéraire de janvier 2020. C'est en effet, un des livres importants de la rentrée et il s'appelle « le consentement« . Un autre nom fait la une mais pour des raisons diamétralement opposées à celles de Vanessa Springora : Gabriel Matzneff. Cet écrivain, intellectuel porter aux nues par toute une intelligentsia gauchiste soixante huitarde, est l'incarnation du prédateur sexuel, du pédophile qui prétend faire le bien autour de lui en ayant des relations sexuelles avec des mineur(e)s. Aucune trace de culpabilité, pas l'ombre d'un remord, rien sinon le déni chez lui du mal qu'il a occasionné du fait de ces abus sexuels en série. Celui qui s'enorgueillissait de faire du tourisme sexuel aux Philippines, en Thaïlande.. violant des petits garçons de 11 ans, est aujourd'hui, enfin, cloué au pilori. Vanessa Springora raconte avec une acuité saisissante l'emprise de G. sur elle. Ce dernier a abusé de l'innocence de celle qui n'était alors qu'une toute jeune adolescente de treize ans. le dégoût, la colère, la révolte, tous ces sentiments nous habitent durant cette lecture où Vanessa Springora ne nous épargne rien de son calvaire physique et psychique. Depuis l'irruption dans le monde médiatique du mouvement salutaire et courageux « #MeToo », la parole des victimes d'abus sexuels s'est libérée. C'est dans cette lignée de témoignages nécessaires que s'inscrit ce livre poignant, brûlot courageux contre ceux qui confondaient libération sexuelle avec les pratiques criminelles d'abus sexuels sur des mineures sans que le consentement de ces derniers ne soit à aucun moment mis en question. On en veut à cette mère qui n'a rien fait, à ce père absent, à ce philosophe, Cioran, qui lui conseille de rester avec G. parce qu'il est un artiste et que donc tout lui est permis. On est abasourdi par la répugnance de ce milieu intellectuel gauchiste à remettre en cause les pratiques de pédophiles protégés du fait de leur statut d'artiste. Un témoignage fort et nécessaire qui renverse les rôles. En osant briser cette loi du silence, Vanessa Springora signe un récit glaçant mais salvateur en signifiant que la seule victime dans cette histoire c'est elle, l'adolescente, qui fût broyée par cet être vil et infatué de lui-même, ce pervers narcissique pédophile. A lire absolument.
Lien : https://thedude524.com/2020/..
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"Un père aux abonnés absents qui a laissé dans mon existence un vide insondable. Un goût prononcé pour la lecture. Une certaine précocité sexuelle. Et surtout, un immense besoin d'être regardée. Toutes les conditions sont maintenant réunies."
J'étais devant mon poste de télévision, lorsque après l'obtention du Renaudot en 2013, Gabriel Matzneff a été invité par François Busnel. J'étais devant mon poste de télévision lorsque ce même François Busnel a, il y a deux ans, fait son mea culpa public en même temps qu'il invitait ( pour se dédouaner ? ) Vanessa Springora à La Grande Librairie ( petite soeur putative d'Apostrophes ) pour présenter son livre - Consentement -. J'étais devant mon poste de télévision lorsque Matzneff était l'invité fêté, célébré, reconnu, encensé de Bernard Pivot.
Et cessons d'être hypocrites, ni moi ni la grande majorité des téléspectateurs, ne parlons même pas de la presse réputée "conservatrice", n'avons crié au scandale, à la honte, au détournement de mineur(e)s ou même à la pédophilie... on dit aujourd'hui pédocriminalité...
Et pourtant l'homme ne cachait pas son jeu, son livre - Les moins de seize ans - sorti en 1974 est le parfait petit manuel du pédocriminel...
Quant à son "journal" qui faisait les beaux jours des éditeurs et les délices des animateurs de chaînes de télévision ou d'émissions de radio... qui peut raisonnablement affirmer aujourd'hui qu'il n'avait pas compris que "l'écrivain" nourrissait son "oeuvre" en sodomisant des enfants de huit à treize ans du côté de Manille, et des gamines de treize à quinze ans du côté de chez nous ?
Début des années 2000, l'Académie française s'apprête à décerner un prix prestigieux au sulfureux "artiste ". Pierre Lassus, psychothérapeute et écrivain lui aussi, s'insurge, interpelle l'institution ; il est blacklisté.
On tire à boulets rouges sur Matzneff, mais on se comporte avec une pudeur de gazelle lorsqu'il s'agit de s'interroger sur ses éditeurs que sont Gallimard et Sollers.
Pivot, lui, s'en tire avec une pirouette tweetresse en écrivant le 27 décembre 2019 : " Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale; aujourd'hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c'est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d'un pays et, surtout, d'une époque."
Pivot a été vilipendé... surtout sur les réseaux sociaux. Pourtant, Pivot n'a pas tort ; nous sommes collectivement coupables. Car nous avons laissé faire parce que nous étions convaincus "qu'il est interdit d'interdire ", parce que nous étions persuadés qu'à treize, quatorze ou quinze ans, on a une sexualité et un droit au plaisir. Parce que Roland Barthes, Gilles Deleuze, Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, André Glucksmann, Louis Aragon, Marguerite Duras, Hélène Cixous, Michel Foucault, Françoise Dolto, Louis Althusser, Jack Derrida, Jack Lang, Bernard Kouchner et tant d'autres ne nous disaient pas autre chose... !
Et cerise sur le gâteau de l'époque, François Mitterrand était un admirateur proclamé de Matzneff !
Ce que, pour la plupart, nous ignorions, c'est que cette sexualité "libérée" avait un prix qu'on appelle traumatisme ou trauma, et que cette connaissance ou cette reconnaissance traumatique est beaucoup plus récente que ne le croient certains.
Il m'était difficile de parler de ce livre sans faire appel à ces prolégomènes.
Vanessa Springora est donc venue dans son livre témoignage nous rappeler à la fois les dangers de l'élitisme qui place l'écrivain au-dessus de tout, les institutions qui le sacralisent, l'omerta qui le protège et la société qui gobe ce qui lui fait plaisir.
Dans un récit constitué de six parties : " l'enfant, la proie, l'emprise, la déprise, l'empreinte, écrire ", elle se souvient de toutes ces étapes qui ont fait d'une petite fille devenue une jeune adolescente la proie d'un écrivain sulfureux admiré, les traces qu'a laissées cette relation, son trauma qui lui a fait croiser la route de beaucoup d'hommes, de l'alcool, de la drogue, de la psychiatrie... jusqu'à sa reconstruction.
Son écriture est à l'image de son livre témoignage, factuelle, sans recherche d'effets stylistiques, sans empoulades subjonctivées. C'est précis, honnête, tranchant. Chaque mot est à sa place, a sa place et compte. Aucun mot n'est innocent, chacun a une charge, un rôle, une responsabilité.
Depuis la parution de ce livre, d'autres abus ont été révélés par d'autres "victimes" et d'autres noms de prédateurs sexuels ont fait la une des journaux pour d'autres raisons que celles qui d'ordinaire motivaient leur présence dans les médias.
Kafka affirmait "qu'un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous."
Je crois que le coup de hache asséné par Vanessa Springora à notre mer gelée par l'indifférence ( mot générique ) a commencé à la fissurer.
Et ce qui était l'objectif de son témoignage : " Depuis tant d'années, je tourne en rond dans ma cage, mes rêves sont peuplés de meurtre et de vengeance. Jusqu'au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l'enfermer dans un livre."... cet objectif est atteint.
Pour conclure, je dirai que ce livre est forcément dérangeant et qu'il est touchant mais qu'en la matière je lui préfère - Tigre, tigre - de la regrettée Margaux Fragoso emportée par un cancer il y a deux ou trois ans... à trente-sept ans. L'approche et l'écriture sont différentes... à chacun ses antennes réceptrices.
Et je laisse les derniers mots à Guy Konopnicki : «Hier, la pédophilie promettait de belles ventes aux libraires. Matzneff passait donc pour un grand écrivain. le marché s'est révélé décevant. La médiocrité littéraire change de registre, la dénonciation des vieux dégueulasses semble porteuse.»

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Çà c'est fait !
Je l'ai enfin lu ce Consentement alors que je n'en n'avais aucune envie mais je l'ai trouvé dans la chambre de ma fille, alors...
Je lui ai demandé si je pouvais l'emprunter et j'ai commencé à tourner les pages un peu anxieuse.
Je crois que tout le monde connait le sujet : pédophilie, prédation, manipulation et environnement complaisant.
Je n'en sors pas anéantie car, sans rien cacher, la romancière reste sobre dans son écriture.
Les blessures d'enfance, car, qui en doute, à 13 ans on est un enfant, laissent des cicatrices pour la vie.
Encore une fois, j'espère que ce témoignage permettra d'ouvrir les yeux et de protéger d'autres jeunes de ce type d'intoxication perverse.
Je salue le courage de Vanessa Springora, Camille, Judith et les autres.
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Je n'ai aucunement la prétention d'écrire une critique sur le livre de Vanessa Springora mais juste quelques mots sur ce que cela m'inspire. Déjà je suis contente que ce récit rencontre beaucoup de succès, c'est bien, il faut que le plus grand nombre lise ce que ce G. M. a fait tout en étant encensé par de nombreux intellectuels. Ces derniers sont, d'une certaine façon, aussi coupables. C'est bien que Vanessa Springora ait cité les noms, cela interpelle et fait relativiser l'aura de certains.
Je suis admirative par l'écrit de Vanessa Springora qui est posé, tout en retenue. La distance qu'elle y met, malgré sa grande souffrance et sa colère est édifiante.
La façon dont elle relate les faits et sa genèse explique très bien comment elle s'est retrouvée sous l'emprise de ce beau parleur charmeur cachant un être abjecte.
Ce livre a eu un écho tout particulier sur moi. Lorsque j'étais étudiante j'ai eu une amie qui avait rencontré ce Gabriel et qui était, elle aussi, tombée sous le charme de cet être, qui s'est heureusement pour elle très vite lassé d'elle, il faut dire qu'elle avait déjà 17 ans...
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Le « devoir de savoir ».
Je viens juste d'imaginer le concept.
Ne me remercie pas.

Sérieusement, nous avons tous le devoir de savoir, et donc de lire ce témoignage essentiel de Vanessa Springora.
Pour savoir.
Pour savoir par exemple ce qu'est un prédateur sexuel et comment il parvient à ses fins.

Car "Le consentement" n'est pas qu'un potentiel exutoire autobiographique, il est également une oeuvre d'utilité publique.

Voici le vécu de Vanessa Springora, et son dessein infiniment légitime de reconquérir sa liberté en séquestrant à son tour dans un livre l'abject responsable de ses meurtrissures.

Voici également une intéressante dissection des mécanismes de l'emprise, susceptible d'en éclairer plus d'un.

Sans vociférations ni auto apitoiement, Vanessa Springora parvient à livrer tout simplement un témoignage digne, sensible et édifiant, tout aussi édifiant que le "Une semaine de vacances" de Christine Angot, si mal compris hélas, mais moins glaçant, rassure-toi.

En outre, sa prose érudite, claire et harmonieuse n'a sûrement rien à envier à celle du calamiteux pervers narcissique dont il est question, mais là je m'avance un peu, je n'ai jamais lu ce G.M. et ça n'est pas près d'arriver, j'ai trop peur des nausées.

Attardons-nous donc plutôt sur cet indispensable livre de Vanessa, après on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas.


Lien : http://minimalyks.tumblr.com/
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