Voici un autre exemple. Nous voyons que les rayons du soleil tombent sur une pierre. Nous croyons que c'est la chaleur solaire qui réchauffe la pierre. Que se passe-t-il au juste? Nous percevons d'abord la chaleur du soleil et ensuite la pierre réchauffée. Que constatons-nous? Seulement que deux faits se succèdent. Et lorsque nous faisons l’expérience que les rayons du soleil chauffent la pierre, nous avons déjà formé le jugement que la chaleur solaire est la cause de ce réchauffement de la pierre. Or Hume dit: Il n'existe rien pouvant nous révéler autre chose que la succession des faits. Nous prenons l’habitude de croire qu’il existe un lien de cause à effet. Mais cette croyance n'est qu’une accoutumance, et tous les concepts de causalité inventés par l’homme reposent sur une expérience semblable. L’homme voit une boule en heurter une autre et constate qu’il se produit un mouvement; il s'habitue alors à dire que cela répond à une loi. A vrai dire, dans ce cas il ne saurait être question d’une compréhension authentique du phénomène.
Supposons que nous portions des lunettes bleutées. Autour de nous tout sera bleu. Les objets se présenteront sous différentes nuances de bleu. Peu nous importe pour le moment la vraie réalité. Dès lors que les lois élaborées par mon esprit s’étendent sur l’ensemble du monde expérimental, celui-ci doit s’y conformer. Ce serait une erreur de prétendre que le jugement «deux fois deux font quatre» soit puisé de l’expérience. C’est ma constitution spirituelle qui veut que deux fois deux fassent toujours quatre. Mon esprit est fait de telle sorte que les trois angles d’un triangle totalisent toujours cent quatre-vingts degrés. Voilà comment Kant justifie les lois en les ramenant à la nature même de l’individu. Le soleil réchauffe la pierre. Chaque effet a une cause. Il s’agit, là encore, d’une loi de mon esprit. Et, lorsque le monde se présente sous la forme d’un chaos, je lui oppose les lois élaborées par mon esprit. Je considère le monde comme un collier de perles. C’est moi qui fais du monde un mécanisme soumis à la connaissance.
RUDOLF STEINER Artiste et enseignant - L'art de la transmission - Céline Gaillard
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=37325 Rudolf Steiner, tout comme Kandinsky, Klee ou encore Beuys furent tout à la foi...