Contrairement aux idées reçues – « Oui, nous avons un ennemi, et il faut le nommer : c’est l’islamisme radical. Et un des éléments de l’islamisme radical, c’est le salafisme », claironne Manuel Valls32 –, salafistes et djihadistes se détestent. Obéissance à la charia, refus de la mixité hommes-femmes, port du niqab ou de l’abaya pour les femmes sont certes des caractéristiques communes aux deux mouvements. Mais, en France, les 12 000 à 15 00033 salafistes sont dans leur très grande majorité quiétistes. Ce fondamentalisme, autorisé dans l’Hexagone au même titre que les lectures rigoristes de toutes les religions, demeure très visible du fait de son rejet de la modernité, mais n’appelle pas à la violence, ne cherche pas à changer la loi de la République, quand bien même il n’en reconnaît pas la légitimité. « D’un point de vue sécuritaire, […] il apparaîtrait même que l’adhésion à ce type de croyances fermées et intolérantes constituerait au contraire une barrière à la radicalisation34 », considère le sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur. À l’inverse, la doctrine takfir prône – on l’a vu – le renversement par les armes des pouvoirs existants pour les remplacer par un État islamique ressuscitant le califat des premiers temps de l’islam. Les radicaux jettent l’anathème (takfir, en arabe) contre les salafistes, qui auraient trahi le modèle islamique.
Géraldine Casutt souligne la force de cette « idéologie djihadiste [qui] arrive à transformer une angoisse très profonde, la mort, en désir11 ». « Les candidats au martyre pensent pouvoir entraîner la venue de ceux qu’ils aiment au paradis, détaille la chercheuse. Ils peuvent ainsi concevoir le djihad comme un acte altruiste. Pour les veuves, du jour au lendemain, on passe de l’anonymat à une certaine forme de notoriété. Elles bénéficient de l’aura de leur mari martyr. Elles deviennent des égéries du djihad. Et parmi elles, Hayat Boumeddiene s’est imposée comme le modèle, la star. Certaines des femmes avec lesquelles je discute me disent qu’elles rêvent de pouvoir la rencontrer, mais que personne ne sait où elle est…
« Des femmes peuvent être aussi radicales que leurs époux, tenir les mêmes discours de haine, chercher à s’émanciper d’une société occidentale dans laquelle elles ne se reconnaissent pas ou trop peu, constate Géraldine Casutt22. Celles pour lesquelles le discours radical fait le plus sens ne sont, le plus souvent, pas les plus véhémentes. Celles qui crient le plus fort sont beaucoup dans le paraître. Quand on essaye de creuser, de discuter avec elles, elles peinent à s’expliquer, elles se braquent tout de suite. Ce sont les moins solides. Les plus jeunes aussi. »
Avec Fabrice Arfi, Michaël Hajdenberg, Yann Philippin, Matthieu Suc et Marine Turchi
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