Antonio Talia, journaliste d'investigation d'origine calabraise, nous emmène au long de la route nationale 106, de Reggio de Calabre jusqu'à Siderno. Entre la Mer Thyrrénienne, le détroit de Messine et la Mer Ionienne. Avec quelques détours à Montevideo, Melbourne, Toronto, Hong Kong, Montréal, Amsterdam ou Duisbourg.
C'est à Duisbourg, à la porte d'une pizzeria, qu'a eu lieu dans la nuit du 14 au 15 août 2007 le massacre de six personnes appartenant à une famille de San Luca. C'est à l'occasion de cette exécution que le nom de la ‘Ndrangheta a fait la une des médias européens. San Luca se trouve au kilomètre 86 de la nationale 106. Ce fait divers sanglant n'est qu'un épisode de la vendetta qui oppose deux clans de San Luca et qui a pris naissance seize ans plus tôt à l'occasion d'une dérisoire dispute de village…
La ‘Ndrangheta serait l'organisation criminelle la plus importante d'Italie, devant la Cosa Nostra sicilienne et la Camorra napolitaine. Elle compterait aujourd'hui 30.000 membres, serait née au milieu du XIXe siècle et a longtemps cantonné ses activités à l'extorsion, aux enlèvements et aux trafics divers. Elle s'est ensuite tournée vers des activités plus lucratives : détournement de fonds publics, infiltration de l'administration, des milieux économiques et politiques, cocaïne. Les familles calabraises se sont implantées à l'étranger et y ont développé leurs activités criminelles en liaison avec leurs localités d'origine.
Talia évoque la seconde guerre de la ‘Ndrangheta, qui a débuté en octobre 1985 par un attentat contre le véhicule d'Antonino Imerti, chef de la « fédération » Imerti-Condello-Serraino-Rosmini. C'est apparemment le clan de Stefano-Libri-Tegano qui a déclenché les hostilités qui feront entre 500 et 700 victimes jusqu'en 1991.
De Reggio jusqu'à Siderno,
Antonio Talia nous fait visiter la douzaine de bourgades qui s'égrènent le long de la 106 et abritent des clans familiaux ou ‘ndrina exerçant de coupables activités sur tous les continents, s'alliant ponctuellement ou s'entretuant à l'occasion. L'auteur nous fait découvrir la collusion entre la ‘Ndrangheta et les milieux politiques locaux, sur la base de clientélisme, de contrôle des voix et de corruption. Il mentionne les innombrables enquêtes et procès qui jalonnent le combat que mène l'État et la justice italiens contre cette organisation depuis les années 1990. Agents infiltrés, écoutes, investigations financières, repentis. La lutte paraît sans fin.
C'est un livre passionnant et parfois vertigineux. À l'image du maxi-procès qui s'est ouvert le 13 janvier dernier.