Ulysse prend l'ascendant sur Circé, fait rendre forme humaine à ses marins, mais passe un an avec la magicienne parce que, tout de même, ce serait grand gâchis de croiser au large d'une île où bronze Greta Garbo.
Ne cherchez point à trop réussir votre mort. Sous peine de rater ce qui la précédait et qui n'est pas négligeable... la vie ! (p. 143)
La nature féconde le regard, le regard nourrit l'inspiration, l'inspiration engendre l'oeuvre.
Rien n'est plus éternel que la figure du héros. Rien n'est plus éphémère que son incarnation. (p.131)
Les dieux ont pris d'autres visages, les peuples se sont mieux armés, les hommes se sont multipliés, la Terre a rétréci.
Mais tous, nous portons dans nos cœurs une Ithaque intérieure que nous rêvons parfois de reconquérir, parfois de regagner, souvent de préserver.
Et tous, nous sommes menacés par de nouveaux assauts sur les plaines de Troie. Troie peut avoir tous les noms possibles, les dieux sont toujours en embuscade, préparant de nouveaux assauts. Cela ne veut pas dire que les hommes sont maudits et destinés à se battre. Cela signifie que l'histoire n'est pas finie. (p. 118)
Le nom de l'arc est la vie, écrivait Héraclite, et son œuvre : la mort. L'arc est un symbole philosophique pour l'homme antique et pour certains d'entre nous encore. C'est l'instrument d'Apollon le guerrier. Le poète Orphée, lui, se sert d'une lyre comme d'un arc pacifié... L'arc et la lyre :quand l'un a servi à restaurer l'ordre, l'autre peut commencer à vibrer pour les chants. Chez Héraclite, l'arc symbolise la coexistence des contraires. Chez Ulysse, il illustre le désir de tendre vers le but, de n'en jamais dévier et d'avoir vécu depuis vingt ans dans l'énergie de la tension. (p. 109)
Je crois à la perfusion de la géographie dans nos âmes (...)
Après ce séjour dans mon poste de garde, j'approchai la substance physique de l'Odyssée et de l'Iliade (...)
La lumière du ciel, le vent dans les arbres, les îles dans la brune, les ombres sur la mer, les tempêtes : je perçus les échos de l'héraldique antique. Chaque espace possède son écusson. En Grèce, il est frappé de vent, traversé de lumière, caparaçonné d'affleurements. Ulysse avait reçu ces mêmes signaux à bord de son bateau de peine. Les soldats de Priam et d'Agamemnon les avaient perçus sur la plaine de Troie. Vivre dans la géographie, c'est franchir la distance entre la chair du lecteur et l'abstraction du texte.
(Avant -propos)
Homère continue de nous aider à vivre.
Inspiré par Ulysse, l'homme européen a fouillé le monde. Mieux ! C'est lui qui a manifesté un intérêt pour ce qui était autre que lui-même. De notre petite péninsule sont nées les sciences humaines _ ethnologie, anthropologie, histoire de l'art, philologie. Ces méthodes d'observation, de découverte, servent la compréhension de l'autre. Jamais l'Orient n'a inventé l'occidentalisme.
Ulysse a montré la voie sur un morceau de caillou.
Restait à explorer le monde entier.
Ulysse, notre éclaireur. (p. 138)
Ulysse part, et nous assistons au premier naufrage d'une série de catastrophes. L'Odyssée est le pire manuel de navigation jamais publié dans l'histoire de l'humanité. (p. 86)