Citations sur Un été avec Homère (324)
Message d'Homère pour les temps actuels: la civilisation, c'est quand on a tout à perdre; la barbarie, c'est quand ils ont tout à gagner.
On lira Homère dans mille ans et aujourd'hui, on trouvera dans le poème de quoi comprendre les mutations qui ébranlent notre monde en ce début de XXIème siècle. Ce que disent Achille, Hector et Ulysse nous éclaire davantage que les analyses des experts, ces techniciens de l'incompréhensible qui masquent leur ignorance dans le brouillard de la complexité.
Homère, lui, se contente d'exhumer les invariants de l'âme. L'amour et la haine, le pouvoir et la soumission, l'envie de rentrer chez soi, l'affirmation et l'oubli, la tentation et la constance, la curiosité et le courage. Et tous, nous sommes menacés par de nouveaux assauts sur la plaine de Troie. La lecture d'Homère devrait nous inciter à maintenir à tout prix le "durable traité" de la fin de l'Odyssée afin que ne se réveille point la colère d'Achille.
La situation est vaudevillesque. Imagine-t-on un homme en retard chez sa femme de plusieurs dizaines d'années donner de telles excuses ? "Chérie, pardon, j'ai été retenu par un cyclope." Même Faydeau n'eût pas osé. (p. 111)
Sur les crêtes de Tavolara,
île de la mer Tyrrhénienne,
nous caracolions et le vent
décoiffait l'ordre du ciel.
Que disait le vent,
ce hasard des nuages ?
« Quand tu partiras pour Ithaque, Souhaite que ta route soit longue, Riche d'aventures et d'enseignements.
[...]
Garde toujours Ithaque dans
ton esprit,
C'est vers elle que tu vas.
Mais ne hâte pas ton voyage...»
(Constantin Cavafy (1863,1933), "Ithaque")
Dans l’Iliade, le mur symbolise la protection et la souveraineté en même temps que la limite assignée à la société. Un mur, comme une frontière, est un trésor précieux et le malheur menace quand la brèche est ouverte. Deux mille cinq cents ans après Homère, les promoteurs d’une planète aplatie, sans nations ni frontières, devraient un jour s’asseoir à l’ombre paisible d’un rempart et méditer l’Iliade..
Chez Homère, les hommes reçoivent l’aide des dieux mais conservent « en même temps » une part de liberté puisqu’ils peuvent se ruer avec plus ou moins d’enthousiasme vers le destin et , parfois, entreprendre une manœuvre.
Il ne faut pas être un écologiste militant pour s’apercevoir que l’humanité est sortie de son axe. Que les forces se déchaînent. Celles des hommes dressés les uns contre les autres. Celles des hommes tous unis pour ravager leur biotope. Les hommes sont devenus Achille. Le Scamandre a déjà débordé.
Homère fut le premier artiste à savoir que la pensée peut s'incarner. Il prouvait dans ses chants qu'une pulsion est capable de se matérialiser. Les passions créent les événements et non le contraire. Les événements se muent alors en force incontrôlable. (p. 202)
Mais, dans la lumière antique, l'homme reste une paille ! Cette idée de de l'inconsistance de nous-mêmes a traversé la philosophie. Des penseurs se sont relayés pour formuler l'idée de notre vacuité. Héraclite le premier avec sa vie comme passage éphémère. Le Bouddha et sa permanence de l'impermanence. Cioran, l'auteur de L'Inconvénient d'être né. E t le fameux mot de Céline : "C'est naître qu'il n'aurait pas fallu." Nombreux furent les penseurs à ne pas croire à la suprématie de l'homme. Et voici Pindare, dans la VIII° Pythique aux accents homériques : "Êtres éphémères ! Qu'est chacun de nous, que n'est-il pas ? L'homme est le rêve d'une ombre." (p.162)
Dans nos époques contemporaines, le héros ne ressemble plus à Ulysse. Deux mille ans de christianisme, récemment converti en philosophie égalitariste, ont porté au pinacle le faible à la place du guerrier. Les sociétés produisent les héros qui leur ressemblent.