Le titre, particulièrement bien trouvé, et quelques éléments paratextuels m'avaient laissé anticiper la thèse critique de cet essai : le caractère idéologique du bien-être ainsi que l'injonction néolibérale à l'amélioration de soi, à « devenir la meilleure version de soi-même » (Sissy Mua, 2022), jusqu'à la culpabilisation individuelle du malheur, du mal-être, de la maladie... Ces thèmes me sont assez familiers, pour avoir lu
Eva Illouz,
Alain Ehrenberg et d'autres. Mais le bonne surprise, d'autant meilleure venant d'une ancienne journaliste devenue « professionnelle du bien-être » et donc « procureur » et « accusée » en même temps, c'est que cette thèse n'occupe que le premier chap. de l'essai ! Un certain nombre d'autres aspects de la politisation du bien-être, pour la plupart très intéressants, répartis dans la pars destruens (1e Partie) et dans la pars construens (2e Partie) sont abordés de façon toujours documentée, concrète, très abordable et offrant des pistes de réflexion encore largement inexplorées. Ainsi, j'ai beaucoup appris sur le discours concernant le militantisme politique et son refus du bien-être, alors que l'autrice appelle de ses voeux l'introduction de l'acceptation de la notion de vulnérabilité, comme manière d'introduire le care et sa distribution plus égalitaire dans l'horizon des luttes progressistes.
La Seconde Partie, pose d'abord les conditions d'une métamorphose du bien-être, entendu non plus comme un marché mais comme une série de pratiques visant à l'émancipation individuelle et à la facilitation des luttes progressistes. Dans son caractère encore embryonnaire, ses trois chap. s'attellent principalement à construire des passerelles avec des combats existants – anti-racistes, anti-sexistes, anti-validistes, etc. - et cela particulièrement en donnant des références à un certain nombre de praticien.nes qui ont déjà adopté une approche du bien-être qui les rejoint. C'est bien dans ce sens que tous les sous-chap. de cette partie, dont l'intitulé comporte d'emblée un verbe à l'infinitif constituant une liste de desiderata, doivent se lire ni plus ni moins comme un programme politique.
Certains lecteurs « traditionalistes » auront peut-être quelque réticence face à cette nouvelle mode typographique d'imprimer en gras des phrases jugées plus percutantes, certaines ayant même une taille de police très supérieure au corps du texte ; d'autres pourront avoir des difficultés à s'habituer à l'écriture inclusive systématiquement adoptée ; enfin, si une partie nommée « Pour aller plus loin » tient lieu de bibliographie, qui n'est pas très fournie, elle a cependant le mérite d'être récente et de se composer également de podcasts, de documentaires vidéo et de comptes Instagram.
Table [avec appel des cit.]
Avant-propos [cit. 1]
Première partie – Déconstruire le bien-être
I. le marché du bien-être à la croisée des idéologies dominantes :
- Un géant tentaculaire
- le meilleur ami du néolibéralisme
- Une idéologie peut en cacher une autre
II. le bien-être est mort, vive le bien-être !:
- Jeter le bien-être avec l'eau du bain ? [cit. 2]
- Ouvrir des espaces de vulnérabilité [cit. 3]
Deuxième partie – Reconstruire le bien-être
III. Penser un bien-être révolutionnaire [cit. 4] :
- Contribuer à l'émancipation des individus
- Faciliter les luttes
IV. Politiser les espaces de bien-être :
- Accompagner tous les corps
- Créer une culture du consentement
- Horizontaliser le bien-être
- Sortir de la binarité
- Respecter les cultures des autres [cit. 5, 6]
V. Se désadapter :
- Exiger la lenteur
- Bouter la croissance hors de nos corps
- Prendre sa place
- Revendiquer le plaisir
- Cultiver la vulnérabilité
- Défendre une approche systémique
- Construire des corps pouvoir
- Retisser nos liens avec le monde
- Revendiquer une spiritualité engagée
Épilogue [cit. 7]