Dans cet essai, Michèle Petit analyse des expériences de transmission culturelle aujourd'hui dans le monde. Cette transmission peut se faire verticalement ou horizontalement. Expliquons-nous.
Des analyses sociologiques ont montré le grand intérêt d'une transmission par les parents, le plus souvent la mère, mais selon les cultures, cela peut-être n'importe quelle personne de la famille (grands- parents…). A l'origine, cette transmission est orale et permet à l'enfant de forger son imaginaire, de peupler son imagination de nombreux personnages. Ces contes permettent à un jeune enfant de se créer, de s'approprier un monde, de lui donner un sens.
La tradition orale facilite le passage à l'écrit, que ce soit la lecture ou l'écriture. Lorsque cet oral a manqué, l'enfant n'est pas familier avec les histoires et avec l'objet livre, et éprouve des difficultés à se plonger dans la lecture.
Il faut alors un substitut quand la transmission verticale n'a pas marché. Ce sont les bibliothécaires, les médiateurs, des enseignants…ils cherchent par des chemins de traverse à donner le goût des histoires, sans qu'elles soient perçues comme des lectures imposées par les institutions.
L'auteur s'est intéressé à la transmission culturelle partout dans le monde, et met l'accent sur le rôle des médiateurs (quelque soit leur profession) quand l'enfant n'a pas été marqué par les contes. Beaucoup d'expériences (très intéressantes et détaillées en parti dans cet ouvrage) ont été réalisées dans les régions les plus pauvres, en Amérique du sud ou en Inde, ou dans les quartiers défavorisés des grandes villes européennes ou américaines. Ces expériences ont établi l'utilité de ce qui est perçu par beaucoup au début comme inutile, la lecture, l'orale, les histoires, et ont permis de sauver un bon nombre de jeunes ou d'adultes au parcours chaotiques (toxicos, enfant des rues, parcours de migration ou enfant ayant connu la guerre ou la guérilla).
Il faut accepter de perdre du temps, de consacrer du temps à l'inutile pour se construire un jardin secret. Pour cela, il faut faire comprendre qu'on ne peut pas tout relier à une productivité immédiate. Comme le disait Julien Gracq, il faut lutter contre « l'étalonnage monétaire instantané de toute activité humaine''. Jetons les mots aux quatre coins du monde, perdons notre temps à lire et à raconter des histoires !
Après avoir lu et apprécié "Eloge de la lecture", j'ai découvert un nouvel ouvrage de Michèle Petit : "Lire le monde".
Elle nous partage ses réflexions très intéressantes sur la lecture, principalement centrées sur le rapport des jeunes avec les livres. Elle constate que les méthodes habituelles pour les faire lire ne sont pas forcément les plus efficientes et que nous, adultes, ne donnons pas toujours le bon exemple. Dans ce livre, nourri par des expériences ayant eu lieu dans divers pays, Michèle Petit répond en quelque sorte à l'éternelle question "à quoi servent les livres ?" et s'intéresse à la manière dont nous transmettons cette habitude qu'est la lecture aux enfants et adolescents. Sa vision des bibliothèques fait chaud au coeur, elle en dresse un beau portrait en fin d'ouvrage.
Riche de cette nouvelle lecture, j'aimerais lire plus tard un troisième titre de l'anthropologue amoureuse des livres : "L'art de lire ou Comment résister à l'adversité".
Dans ce livre, sous titré « Expériences de transmission culturelle aujourd'hui« , l'auteur revient sur l'importance de la lecture dans la (re)construction de soi, mais aussi sur le fait que la lecture est mise à mal aujourd'hui, parce qu'on nous demande sans cesse de prouver sa rentabilité immédiate alors même que justement la lecture et plus largement la culture ne peut être mesurée dans ces termes là.
L'auteur explique au début du livre à quoi ça sert de lire et montre l'importance des personnes en charge de la transmission de la lecture et plus largement de la culture, bibliothécaires, enseignants, médiateurs, qu'elle nomme tous passeurs de livres.
Le livre est émaillé d'expériences du monde et de citations qui m'ont toutes touchées à leur façon, j'ai passé mon temps à corner le livre.
Je me suis forcément reconnue de façon personnelle dans son ode à la lecture mais aussi de façon professionnelle lorsqu'elle évoque le rôle des bibliothèques et bibliothécaires. Même si je n'ai pas besoin d'être convaincue du bien fondé de ce que les bibliothèques font, cela fait toujours du bien de lire des expériences similaires et ce, à l'échelle du monde. Elle dit que la lecture est une comme une cabane, ce qui m'a fait penser au nom de la salle petite enfance de ma bibliothèque qui s'appelle donc la cabane. Elle évoque aussi une « chambre à soi » (Virginia Woolf) et elle cite Nuala O'Faolain que j'aime tant.
J'aime lire Michèle Petit car elle a vraiment à coeur de faire passer le plus simplement possible et en même temps avec beaucoup de conviction ce qu'elle observe depuis des années dans ses travaux de recherches, dans des situations parfois très extrêmes : la possibilité qu'offrent les histoires/la littérature de retrouver un espoir et de donner du sens.
J'ai eu du mal avec ce livre. Mais je pense que cela tiens beaucoup plus de moi que du livre en lui-même. J'en visualise tous les aspects intellectuels que l'auteure veut nous transmettre. Son analyse est juste et elle écrit très bien.
Mais malgré tout j'ai eu parfois du mal à suivre et j'avoue avoir sauté quelques chapitres.
Tout au long de la route, et quelle que soit la culture qui les a vus naître, les humains ont soif de beauté, de sens, de pensée, d'appartenance. Ils ont besoin de figurations symboliques pour sortir du chaos. Et l'on se demande par quel tour de passe-passe on a pu réduire la littérature et l'art à des coquetteries de nantis ou les bibliothèques à de simples lieux d'«accès à l'information». Ce sont aussi des conservatoires de sens où l'on trouve des métaphores scientifiques qui mettent en ordre le monde qui nous entoure, et des métaphores littéraires, artistiques, issues du travail lent, en retrait, d'écrivains ou d'artistes ayant accompli un travail de transfiguration de leurs propres épreuves. Leurs oeuvres nourrissent les rêves, les pensées, les désirs, les conversations sur la vie, tout en amadouant les «bêtes énormes et inconnues» qui passent quelquefois mystérieusement près de nous, même si nous n'avons pas fait naufrage dans la mer des Caraïbes.
Ils ont compris un jour que ce qu'il s'agit de lire, par le détour des pages, c'est soi-même et ce monde.
Je te donne des chansons et des récits pour que tu te les redises pour traverser la nuit, pour que tu n’aies pas trop peur du noir et des ombres. Pour que tu puisses peu à peu te passer de moi, te penser comme un petit sujet distinct, puis élaborer les multiples séparations qu’il te faudra affronter. Je te livre des bribes de savoir et des fictions pour que tu sois à même de symboliser l’absence et d’affronter, autant que faire se peut, les grandes questions humaines, les mystères de la vie et de la mort, de la différence des sexe ; la peur de l’abandon, de l’inconnu, l’amour, la rivalité. Pour que tu écrives ta propre histoire entre les lignes lues
Les livres sont comme des feux de camp qui repoussent la nuit de la forêt. (Jean-marc Besse)
Lire et se souvenir de ses lectures ou de ses escapades culturelles, cela sert à projeter sur le quotidien un peu de beauté, à donner un arrière-plan poétique à sa vie, à ébaucher des histoires qui peut-être ne se réaliseront jamais, mais qui sont une part de soi-même.
Première saison d'une épopée