Ce manga de
Tetsuya Toyoda est constitué de six courts récits.
Dans Slider, une partie de baseball entre trois jeunes désoeuvrés et fauchés, Koichi, Kenbo et Kohei tourne à l'insolite lorsque Kohei renvoie la balle dans une maison, cassant un carreau. Il y pénètre, mais découvre en ouvrant un placard une sorte de petit bonze bien vivant qui prétend être le Dieu de la misère ! La tradition veut qu'on ne doive pas le regarder sous peine de devenir pauvre…Celui qui a dû se cacher pour avoir été tenu responsable de la terrible crise économique du Japon qui dure depuis 1991 va leur donner des idées en vue de punir l'ancien et riche patron de Kohei, qui l'a licencié. Ils vont pénétrer chez lui par effraction, leur petit Dieu sur le dos, dans l'idée de lui présenter, mais vont découvrir une sorte de jumeau de leur Dieu emprisonné chez le boss, qui prétend qu'il s'agit…du Dieu de la fortune !!! Les deux mini-Dieux vont tomber nez à nez…Un récit tonique, où la frontière entre richesse et pauvreté est finalement ténue…
Dans Mr Bojangles (2011), une jeune femme qui va bientôt se marier a fait appel au détective privé Yamazaki pour retrouver un certain Seiichi Matsuda, qu'on appelait « Monsieur Bo ». Voisin d'immeuble de sa mère célibataire, il l'avait sauvée d'une forte fièvre quand elle avait 3 ans et par la suite il était devenu très proche. Au fil des années et des déménagements, elle l'a perdu de vue, avant de l'apercevoir de la vitre d'un taxi six mois plus tôt, l'air affaibli et vieilli…Elle lui avait donné un sachet de 27 billes plates, et il avait promis de venir à son mariage quand elle serait grande, et y jouer des claquettes. Yamanashi va enquêter, interroger celles et ceux qui l'ont croisé, découvrant les mille vies chaotiques, faites de drames et de rebonds, de cet homme sans visage et sans identité stable et au destin tragique, qui montre une nouvelle fois que les accidents de parcours rendent la vie difficile au Japon…
Goggles (2003) met en scène Koichi, 24 ans, sans emploi qui vit en collocation avec Murata, un homme de 42 ans, qui bosse dur, et qui a récupéré une ado, Hiroko, dans son appartement. Il lui demande de s'en occuper durant ses absences. Koichi est vite désemparé, la gamine ne parle pas et ne quitte pas ses grosses lunettes noires de moto. Koichi s'occupe au mieux d'Hiroko, et découvre qu'elle a des bleus partout. Murata va lui expliquer…c'est l'histoire tragique d'une enfant non désirée, battue, et ballotée par la vie et des évènements tragiques, dont le dernier est que son grand-père, son dernier tuteur, s'est récemment tué en moto…Murata connaissait la famille, il a récupéré la petite en attendant de trouver une solution pérenne, que les deux hommes ont bien du mal à entrevoir. Une nouvelle chargée d'émotion face à la situation de cette enfant innocente, une victime pas complètement isolée d'un des maux de la société japonaise, où les femmes, qui ont déjà du mal à monter en responsabilités dans l'entreprise, ruinent souvent toutes chances d'y parvenir lorsqu'elles tombent enceintes. Si la mélancolie est présente, la fin pourrait suggérer comme une vague lueur d'espoir à l'horizon. Toutefois, quand l'auteur revient à son sujet en 2012, dans « Aller voir la mer », il nous ramène le temps d'une belle journée de complicité à la mer et en balade à moto entre Hiroko et son grand-père.
Nouvelles acquisitions à la bouquinerie Tsukinoya (2007) est un intermède de deux pages sur le monde du livre qui s'en va. Mais le ton n'est pas triste, d'abord réaliste et désabusé, une lueur d'espoir apparaît dans le propos, il y aura toujours des irréductibles (comme nous ici !), mais surtout la dernière vignette nous fait rire !
Dans Tonkatsu (2012), un patron de banque confie à une chargée d'investigations le soin d'interroger M.
Sakai, ancien n°2, retraité d'une filiale, pour dénouer une affaire, dénoncée par lettre anonyme, d'hypothèque potentiellement frauduleuse accordée à une société. C'est important car le n°1 de la filiale doit prochainement devenir le boss de la maison mère. le vieux est assez récalcitrant, prétendant qu'il a égaré son carnet d'anciennes notes professionnelles, exigeant pour parler qu'on lui permette de retrouver le restaurant oublié où il a dégusté le meilleur Tonkatsu de sa vie ! Ce restaurant a d'autant plus une valeur affective qu'il est étroitement lié dans son esprit à la mort accidentelle de son fils. On a furieusement l'impression que le vieux mène l'enquêtrice par le bout du nez, mais il finit par lui dire que l'hypothèque était valable. Au terme de l'enquête, l'enquêtrice lui paie un tonkatsu, et il s'avère que c'est LE restaurant tant recherché ! le dénouement nous montrera que tout est un peu cousu de fil blanc, tant côté
Sakai que de son enquêtrice Chiaki…Une nouvelle malicieuse, qui est d'abord un hommage à la recette japonaise de porc pané !
Un recueil de bonne facture, de récits à l'origine non conçus en vue d'être rassemblés, mais qui nous parle souvent de questions autour de la famille, du deuil, des violences intra-familiales et des difficultés et charmes, quand même, de la vie japonaise.