Les cuirs n'étaient plus entretenus, les bottes étaient sales, les cols ouverts ; les hommes étaient coiffés de casquettes froissées et plantées de travers ; la cigarette au coin des lèvres, mal rasés, les mains sales, ils étaient négligés jusque dans leurs attitudes, et il semblait aussi tout naturel que le colonel, regardant tout cela avec intérêt, ne fut salué de personne. Battus sur tous les champs de bataille de l'Europe, ils étaient maintenant fatigués, unis dans une commune misère, et tous les visages étaient patinés par la catastrophe. Pourtant, il ne fallait pas leur parler, à ceux-là, de capituler sans condition !
Un autre s'est montré, un vague ministre, il s'appelait Selbmann ; il a grimpé sur la table et a essayé de parler :
"Mes chers collègues...
- On n'est pas tes collègues !
- Je suis aussi un ouvrier...
- Peut-être, mais tu l'as oublié !
- Tu n'es pas un ouvrier, tu es un traître à la cause des ouvriers !
- Ouvriers, regardez mes mains, dit Selbmann.
- Eh ben, mon vieux tes mains elles sont drôlement grasses !"
Il prit un livre. Dans la journée, il avait préparé de la lecture pour se mettre au courant des tendances nouvelles. Pas à proprement parler des auteurs tels que Karl Marx, Lénine ou Staline, mais le Beethoven de Romain Rolland, Glasperlenspiel de Hesse et Typhon de Joseph Conrad.
Organiser des attentats ne semblait pas être précisément le métier qui convenait à des généraux prussiens.