Ce livre fut une invite à entrer dans un biotope inconnu de moi, seulement servi par les images fugacement aperçues le long de mon chemin (Photos, documentaires, reportages). Pardon, je ne connais pas Épinal !
Biotope pas facile à appréhender avec mes yeux d'occidental méditerranéen ; tout comme la notion de territoire par exemple. le pays des Sames ne peut se comprendre, se transmettre qu'à travers leurs activités et les souvenirs qui y sont associés. La notion de frontière là-bas (j'allais écrire là-haut, en bon sud centriste que je suis) devient dérisoire, à rendre fadas les agents de la PAF !!!
La Sapmi pour les Sames est appelée à tort Laponie, car définie par les envahisseurs suédois comme ce lieu habité par « des êtres en haillons » ; Lapons est donc un terme péjoratif, appellation qui dit bien le regard méprisant des conquérants vers des êtres pensés comme inférieurs.
Et comme partout où l'Occident a conquis des terres, on y retrouve la sempiternelle mise en coupe réglée des autochtones et de leurs territoires. Pays conquis avec la bénédiction du goupillon, ici laestadien, qui a, semble-t-il, fait des ravages dans les âmes animistes des Samis.
En effet, ils croient que chaque être vivant, chaque objet inanimé abrite une âme, une force vitale. C'est au coeur de leur symboliques (tambours) et de leur transmission, jusqu'à peu uniquement orale. Comment lutter face aux interdits inadaptés de ce radicalisme évangélique ?
L'enquête que nous livre
Olivier Truc n'est qu'un prétexte pour partir à la découverte de cette civilisation confrontée à l'incompréhension, la cupidité de gens venus d'ailleurs, mettant à mal, écorchant la belle image médiatisée de ces pays scandinaves où tout est plus cool et mieux qu'ailleurs. Alors que l'extrême droite y est le plus souvent au pouvoir ou continue à monter.
L'enquête, dont le suspense va crescendo avec l'ensoleillement retrouvé qui croît chaque jour, est également une invite à constater la difficile libération de la parole chez les protagonistes de l'histoire. Ces étendues glacées, balayées par les vents, la sombritude des jours et le dur métier d'éleveur de rennes incitent au repli sur soi.
Cette lente investigation (plus de 400 pages) nous explique la transmission de l'inexplicable : le radon, gaz inodore et très radioactif, décimant les Samis réduits au servage d'une mine d'uranium ! Seuls les chamanes, instruits en communication avec l'esprit de chaque chose, pouvaient le réaliser et le transmettre : le tambour !
Pour sûr, cela vient heurter nos pensées occidentales.
En bref, l'ethnographie au service d'une intrigue policière ! Cela donne un excellent polar, même si certains trouveront que l'écriture du journaliste Truc ressemble bien souvent à un script cinématographique. La forme dialoguée ne m'a pas gêné outre mesure vu qu'elle sert la délivrance de la parole.
Arthur Upfield avec son enquêteur métis aborigène a ouvert la voie de l'ethnographie policière (1929, je crois) ; dans ces pas, comme bien d'autres avant,
Olivier Truc a fait sa trace.
Ancelle, le 25 septembre 2023