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sur 4716 notes
Dans cet opus, le lecteur est provoqué par l'auteur à la lecture du titre de cet ouvrage et l'appât fonctionne.

En effet, les choses humaines de Karine Tuil est un fait divers à géométrie variable qui donne le tournis et on bascule dans l'inhumain car il est essentiel d'appeler les choses par leur nom.

La première moitié de cet ouvrage, nous révèle le profil des différents protagonistes décortiqué au scalpel par l'auteur pour planter le décor et on suppose, pour agrémenter sa deuxième partie dans le basculement de l'horreur. C'est incisif, percutant, d'actualité.

La famille FAREL est bien assise dans la société. Jean est un journaliste de renom, intelligent, indétrônable, infidèle. Sa femme est une essayiste féministe.

Leur fils Alexandre est un brillant étudiant à Stanford. Mila, la fille du nouveau compagnon de sa mère, accepte d'aller en soirée avec lui, et c'est le dérapage.

Mila déclare avoir été violée et la vie de ces familles vole en éclats.

On comprend vite le scandale qui va impacter la réputation ces deux familles, Alexandre se retrouve du mauvais côté du prétoire sur le banc des accusés, pour viol suite à cette soirée sordide.

Selon moi cette histoire a vraiment débuté à cet instant là. L'auteur nous entraine dans de nombreux questionnements lors du procès et je me suis rendue compte combien à la lecture de la plaidoirie des avocats, des points tangibles pouvaient aussi basculer au bénéfice de l'accusé sur la question du consentement quand bien même dans les affaires de viol malgré les preuves, la victime doit toujours prouver son innocence.

Cette partie est bien menée et j'ai apprécié la qualité de l'écriture de Karine Tuil, mais l'attente a été longue et j'ai songé à abandonner la salle d'audience.
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352 pages
Parution : 2019
Un peu de l'histoire :
La famille Farel avait tout pour être heureuse.

Claire, auteur de six ouvrages à succès, mariée à Jean, journaliste politique de télévision reconnu et leur fils, Alexandre, élève brillant qui débute ses études à Stanford en Californie.

Mais "le sexe et la tentation du saccage, le sexe et son impulsion sauvage, tyrannique, incoercible, Claire y avait cédé comme les autres".

Jean, lui, entretient depuis des années une relation avec une journaliste de presse écrite et ne refuse pas à l'occasion de trousser les stagiaires de la chaine.

Quant à Alexandre, "la performance, sa vie s'était longtemps réduite à ce seul mot". On n'est pas n'importe qui lorsqu'on est le fils de Jean Farel...

Lorsque l'accusation de viol tombe, le château de carte s'écroule.
Débute alors une autre histoire. Celle d'une mère féministe qui ne peut que protéger son fils potentiellement agresseur sexuel. Celle d'un père qui se bat pour son fils comme il se bat pour conserver sa place dans la grille télévisuelle. Celle d'un enfant, dont les valeurs et les repères sont peut-être en décalage et qui risque entre quinze et vingt ans de prison.
A mon avis :
Je me suis demandé pourquoi la première partie de ce roman évoque les turpitudes de cette famille et qu'elle n'entrait pas dans le vif du sujet tout de suite.
Mais le choix de l'auteur, ce n'est pas seulement d'évoquer cette histoire de viol. C'est aussi de passer un revue les travers ou les caractéristiques de cette famille, de ce milieu et finalement de notre société actuelle.
Elle permet aussi de comprendre l'histoire de chacun et de mieux comprendre la réaction des uns et des autres, qui est pour chacun finalement assez naturelle ou au moins compréhensible.

Mais le plus intéressant dans ce livre, c'est la deuxième partie, le procès de ce viol et la vision que chaque partie en a. Est-ce vraiment un viol ? Pour lui, non, et sans doute en toute sincérité. Pour elle, oui, et sans doute également est-ce sa vérité.

Ce balancement entre la vérité de l'un et celle de l'autre, avec au milieu les enjeux sociétaux (metoo) et de pouvoir (la notoriété du père, les convictions de la mère) fait de ce récit un moment de lecture très contemporain, reflet des contradictions et parfois des dérives de notre société.

C'est très bien abordé par Karine Tuil, après avoir donc été bien amené.

Reste tout de même un petit aspect négatif qu'est cette analyse psychologique peut-être un peu caricaturale, néanmoins cela ne terni pas l'idée que l'on a à la sortie de sa lecture.

Retrouvez d'autres avis sur d'autres lectures, sur mon blog :
https://blogdeslivresalire.blogspot.com/
Lien : https://blogdeslivresalire.b..
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Un roman "dérangeant" et percutant qui fait partie de la liste des Goncourisables..
Le livre est inspiré par l'affaire de l'étudiant de Stanford, prestigieuse université américaine, accusé il y a quelques années d'avoir abusé d'une étudiante.
Ce livre, à l'heure où le mouvement Metoo bat son plein, est révélateur des failles de la société française et des points de fracture dans les relations hommes/femmes.

Une histoire qui commence banalement, dans une famille plutôt favorisée et faisant partie de l'élite:
Jean Farel, journaliste de renom, mari De Claire, essayiste féministe, voit son monde s'écrouler quand son fils Alexandre, 23 ans, brillant étudiant de Stanford, est accusé de viol.
Et la victime qui porte plainte n'est pas n'importe qui: il s'agit de la fille du nouveau compagnon de sa femme, issue d'un milieu juif très religieux. Un milieu dont elle risque d'être bannie dans un tel cas.

Jean et Claire, qui se débattent chacun dans une double vie, vont tout faire pour sortir leur fils de ce mauvais pas.
La machine judiciaire se met en place et le procès va intervenir six mois après l'affaire Weinstein.

Claire, la maman, connaît par ailleurs un moment difficile car elle a osé réclamé la sanction des migrants accusés d'agression sexuelles lors de la Saint Sylvestre à Cologne, ce qui lui a valu d'être taxée d'"islamophobe".

Le procès va se dérouler dans un climat difficile, en raison des répercussions médiatiques, d'autant plus fortes que le père de l'accusé est un journaliste très connu.

La deuxième partie du livre concerne le procès, extrêmement bien rendu, Karine Tuil utilisant à merveille sa formation de juriste et l'immersion qu'elle a réalisée pendant longtemps dans les sessions d'assises. de même elle a utilisé des interrogatoires de victimes et d'avocats.

Y a-t-il eu vraiment viol? La victime était-elle en état de marquer son refus? Quel a été l'effet de la prise de stupéfiants chez l'accusé? La victime a-t-elle pris des risques en suivant l'accusé dans un endroit peu recommandable? Etait-elle dans un état de sidération qui aurait annihilé ses possibilités de réaction? A-t-elle marqué suffisamment clairement son refus?

Voilà des questions, souvent humiliantes, auxquelles sont confrontées les victimes de viol.
Il s'agit ici de raconter le viol à travers la mécanique judiciaire.
La victime et l'accusé vont voir leur vie intime étalée, pour les besoins du procès.
Leur vie ne sera plus jamais la même.
Les dialogues sont ici issues de situations réelles, comme le souligne l'auteure.
A travers ce livre, c'est aussi le procès d'une société qui est fait: société de l'évaluation permanente, tyrannie des réseaux sociaux où chacun dans la sphère médiatique doit rencontrer l'adhésion du maximum de personnes, injonction à donner son avis sur tout, sans prise de distance ni réflexion.

C'est un livre aussi sur la condition féminine, du harcèlement que subissent de nombreuses femmes, surtout dans certains milieux.
Refuser, oui c'est possible, mais comme le rappelle l'un des personnages du livre, quelle va être l'incidence sur sa carrière, son développement personnel...
Les paroles de la grande avocate féministe Gièle Halimi reviennent en mémoire: "Il faut changer cette machine culturelle, cette machine et la matière qu'elle broie et distribue, qui fabrique des têtes où le viol n'est pas perçu comme un crime.."

Se pose aussi la question de la méprise éventuelle sur les attentes de l'autre dans une relation.. grave question...

Montée du communautarisme, errements du féminisme qui ne défend plus comme il faudrait les femmes, confusion des esprits, impact des réseaux sociaux, relations hommes/femmes dégradées, c'est toute l'évolution d'une société occidentale qui apparaît..

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Je suis dans le jury. J'entends le public chuchoter. Je perçois les silences de l'accusé, les pleurs de la plaignante. le regard du juge me domine par son respect. J'écoute, les deux avocats, celui de la victime d'abord, celui de l'accusé ensuite. Et c'est à la fin des plaidoiries que le devoir me prend à la gorge, qu'il va falloir que je face le juste choix en fonction uniquement de ce que j'ai pu percevoir de la situation que l'on vient de me conter. Difficile de se retrouver assis là, à les écouter, parler, pleurer, et à moi reviens le fait de déclarer ainsi une sentence.

Le marteau à la main, j'obtiens le silence dans la salle. Dans ma longue robe noire, je deviendrais presque le maître des lieux, le tout-puissant l'espace de quelques instants, si ce n'est que mon jugement pourra condamner ou pas une vie. Je sens qu'une vie est déjà condamnée, que faire de l'autre. J'ai écouté tous ces gens s'agiter devant ma scène, à plaider le bien ou le mal. Même si ici, il est souvent question de mal. Toujours même, je devrais dire. Au tribunal, les âmes s'y retrouvent perdues. Elles sont anéanties, ou tentent parfois de se reconstruire. Et la peine y a souvent sa place. Pourtant il faut parfois prendre des décisions en fonction de la perception des choses humaines, des actes aux lourdes conséquences.

Je pourrais même m'imaginer être la plaignante, dont les souvenirs d'une soirée ne s'effaceront jamais de ma mémoire. le lot d'une victime, condamnée à jamais, condamnée à perpétuité à errer dans les méandres de cette nuit étoilée. Je pourrais être aussi ce jeune homme, que l'on qualifierait volontiers de bien sous tout rapport, un peu bourgeois, un peu intello, mais aujourd'hui avec des menottes derrière son box. Une histoire de viol dans ce tribunal des peines perdues. le violeur et la jeune fille, deux personnes de caractères opposés, deux discours à l'opposé. Une seule soirée passée ensemble mais deux perceptions différentes. Les choses humaines sont ainsi complexes et c'est peut-être aussi à cause de cette complexité, qu'il y a une justice, qu'il y a deux avocats et un juge. Pour trancher, car à un moment, il va falloir se prononcer sur la perception de cette soirée, sur l'avenir en tenant compte du passé.
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Un bon roman sur des sujets sociaux de notre époque qui se lit d'une traite, comme un polar bien scénarisé.

Les personnages sont ambivalents et excessifs, j'adore tout particulièrement le grandiose Jean Farel, odieux et pitoyable caricatural en diable, qui dévoile toute sa complexité progressivement .
L'affaire de viol est loin d'être simple, des zones d'ombre génèrent un certain suspens et des rebondissements.
Rien de tel qu'une bonne fable pour nous faire réfléchir, mais c'est peut-être compliqué de faire entrer toute notre société dans trois cents pages, des inégalités sociales au patriarcat, dictature de l'apparence, la tragédie de la maladie, en passant par le monde des médias et des réseaux sociaux pour, du lynchage médiatique, finir sur le théâtre d'un procès d'assise et le rôle de la justice...punir, réparer ...place de la victime ...etc... etc...c'est ma seule réserve, un petit côté too much

Donc ça bouillonne à toutes les pages, on ne s'ennuie pas le moins du monde, et l'auteure nous laisse la place avec une posture en retrait et un style journalistique . Je crois que c'est sa manière de lutter contre le simplisme et les jugements définitifs et assassins, la tentation du binaire, une forme de réhabilitation de l'humain .
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Lorsque l'on lira ce roman dans quelques décennies, on aura un beau témoignage de ce qu'étaient les années 2010 en France, entre menace terroriste, remise en cause du patriarcat, et explosion des réseaux sociaux.
Karine Tuil raconte ici l'histoire d'une famille des beaux quartiers parisiens. le père est un journaliste politique qui présente depuis 40 ans la même émission à la télévision, la mère est une essayiste féministe reconnue, et leur fils de 20 ans poursuit brillamment ses études à Stanford. Mais la machine bien huilée commence à se détraquer : malgré ses cures de jouvence, le père devient trop vieux pour le petit écran ; la mère le quitte pour un nouvel amoureux plus jeune et moins c*n ; sur un "malentendu", le fils se retrouve accusé de viol. Et alors, on assiste au dézingage à tout va de la vie de ces braves gens -et c'est assez fascinant.
Ce que j'ai particulièrement aimé, c'est que Tuil propose une lecture extrêmement nuancée des événements. Il n'y a ni jugement, ni manichéisme, tous les personnages ont des côtés crispants et d'autres émouvants. Elle nous plonge également de façon très crédible dans les rouages du monde judiciaire, et on ressort glacé de cette expérience. En outre, j'ai partagé ses réflexions sur le couple, j'ai retrouvé les propos masculins blessants que toute femme a entendu au moins une fois dans sa vie, et j'ai déploré le même manque de connaissance et d'empathie des hommes (pas tous, mais...) vis à vis des femmes. Cependant, l'auteur ne tombe jamais dans le militantisme, tant son écriture est ciselée et juste : elle constate et rapporte, simplement. En fait, j'ai ressenti une forme de tristesse pendant cette lecture, tant le monde qu'elle décrit paraît insupportable. Un monde où les jeunes hommes peuvent dire : "Je n'ai jamais pensé au mal que je pouvais faire en humiliant des filles." Notre monde, la France du XXIe siècle.
C'est donc un récit puissant et salutaire, comme une reconnaissance de tout ce que peuvent subir les femmes au quotidien, et qui n'est pas réservé (surtout pas !) à un lectorat féminin ; car heureusement, il y a toujours des chics types sur cette planète.
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Je n'avais rien lu de Karine Tuil depuis La Domination (2008), roman auquel je n'avais pas du tout accroché. À cause des diverses récompenses obtenues par Les Choses humaines et les nombreuses bonnes critiques d'amis Babeliotes, j'ai mis le roman dans ma PAL où, depuis, il attend son tour... Mais le troisième item du challenge Multi-défis m'impose le livre le plus populaire de ma PAL au jour de mon inscription à ce challenge, et il se trouve que c'est ce roman. J'ai retrouvé sans enthousiasme le milieu très parisien et très favorisé qui semble être le décor habituel dans lequel évoluent les personnages de l'autrice. Jean et Claire Farel sont des piliers d'un certain microcosme parisien. Jean est un journaliste qui fait carrière à la télévision. Sa femme, Claire, vingt ans de moins, est une essayiste appréciée et connue pour ses positions féministes. Leur réussite professionnelle s'affiche indéniablement et fait des envieux. Alexandre, leur fils a suivi la voie royale avant de se retrouver à Stanford où, forcément, il excelle. Il se sent cependant mal-aimé et délaissé par des parents trop occupés. Jean et Claire viennent de se séparer : Claire a rencontré Adam, un professeur d'un milieu modeste et d'origine juive, avec lequel elle s'éclate sexuellement. Il quitte sa conjointe, pratiquante stricte, ainsi que ses filles pour s'installer avec Claire. Mila, une des filles d'Adam, les rejoint.
***
Ce roman à clés est divisé en trois parties : Diffraction, le territoire de la violence et Rapports humains, parties pendant lesquelles on suivra essentiellement les Farel et très peu Mila. La première partie (vraiment longuette) plante le décor et, si on insiste beaucoup sur les relations sociales et sur le pouvoir du couple, la séparation est liquidée en quelques lignes... J'ai d'abord cru que l'accusation de viol annoncée en quatrième de couverture allait concerner Jean Farel (ça me rappelait quelqu'un), qui entretient une liaison avec une collègue depuis des lustres, mais drague aussi toutes les femmes de son entourage avec plus ou moins d'élégance. Mais non, c'est Alexandre qui sera poursuivi après que Mila aura porté plainte. Ils ont couché ensemble et, si pour Mila, il s'agit d'un viol, pour Alexandre, la relation était consentie. Dans les deux parties suivantes, le lecteur tentera de démêler le vrai du faux (?) et assistera à la progression du scandale qui va toucher toute la famille. Au fil de l'histoire, on découvre l'effarant égoïsme des Farel, les trois !, comme d'ailleurs celui d'autres personnages de pouvoir. La question du consentement est évidemment primordiale, mais j'avoue que j'ai trouvé que l'on tournait en rond assez rapidement. On aborde tous les thèmes dont on parle dans la presse people, du polyamour à #metoo, de l'enfance délaissée aux ravages des réseaux sociaux. Ce qui m'a le plus gênée, c'est l'esprit de classe et la condescendance envers les plus modestes, les subalternes de tout poil… Il m'a semblé, parfois, que la romancière n'en était pas consciente. Seuls Françoise, la maîtresse de longue date, et Claude, le chien, ont éveillé ma sympathie. Il faut croire que Karine Tuil n'est vraiment pas une autrice pour moi.
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Les Farel sont au top.Lui, présentateur vedette, malgré ses 70 ans vole de succès en succès. Elle, la petite quarantaine, essayiste fait aussi partie des gens qui comptent. Leur fils, polytechnicien, est étudiant à Stanford.
Pourtant, l'équilibre est bien plus fragile qu'on ne le croît et la famille va se disloquer en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.

Il y a beaucoup à dire sur ce livre. Tout d'abord, il est difficile à lâcher. Bien écrit, sans temps mort, c'est un livre qui nous parle nous plongeant dans l'actualité à chaque page.
Une grande partie de l'histoire est autour du viol, ou plutôt du présumé viol : L'affaire du premier de l'an à Cologne, #balancetonporc et donc les actes des personnages du livre. La narration du procès ne peut qu'interpeler le lecteur, devant le déballage sans aucune pudeur qui y est fait, l'absence totale d'humanité qui plane , sous prétexte d'éclairer les jurés. Quelle que soit l'issue du procès, il n'y a que des perdants.
Le sexe est très présent dans le livre , sans voyeurisme ni redondance déplacés. Le sexe et le pouvoir , le sexe et l'image, le sexe et la domination. Le milieu de la télé en prend pour son grade mais cela est sans doute transposable.
Mais ce n'est pas qu'un livre sur le sexe. Attardons nous un peu sur Jean, lui qui s'attarde sur tout ce qui bouge.
C'est l'archétype du gars détestable. Certes parti de rien et arrivé au sommet, c'est l'arriviste égocentrique absolu, symbole d'une époque où tout est bon pour rester en haut. Car ce livre renvoie aussi une image bien pourrie de notre époque: C'est ce genre d'"individus" qui est valorisé par l'état, adoubé dans la presse.Pas l'infirmière qui sort de 24 heures de garde ou le prof des écoles en banlieue bien raide. La société a perdu ses repères et l'émergence des réseaux sociaux, permettant anonymement au dernier des abrutis derrière son clavier de jeter son fiel renforce ce sentiment . Il faut être, paraitre , être aimé pour exister. On est dans l'instant , le buzz. L'humain n'existe plus . Elle a raison Karine , tout part en couille.
Mais , ça ne suffisait pas, le troisième fléau actuel de notre société , l'intégrisme religieux, est aussi présent et j'avoue qu'elle aurait pu s'en passer, cela charge un peu une mule bien tassée déjà . Si on ajoute ainsi une connotation à certains personnages , on tombe aussi facilement dans le cliché. Dispensable à mon goût.

Voilà, roman contemporain , un peu chargé en clichés, mais qui met le doigt sur les tares et vices de notre modèle , en montrant bien les ravages d'une "relation", ou d'un viol, différemment vécue par un homme et une femme et détaillant sans doute avec précision l'inexorable travail de la machine judiciaire.
Un bon roman, qui se disperse un peu trop pour être à mon goût un grand livre.
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Titre : Les choses humaines
Auteur : Karine Tuil
Editeur : Gallimard
Année : 2019
Résumé : Jean Farel est un présentateur vedette de la télévision française. Son épouse Claire est une journaliste engagée et tous deux forment un couple de pouvoir, un couple qui évolue dans les hautes sphères de la société française. Leur fils, Alexandre, est un jeune garçon brillant. Polytechnicien, étudiant à Standford, le fils de bonne famille voit sa vie voler en éclat lorsqu'il doit faire face à une accusation de viol. La machine judiciaire et médiatique se met alors en branle.
Mon humble avis : Depuis l'insouciance, paru en 2016, je tiens Karine Tuil comme l'une des plus grandes écrivaines françaises de notre époque. Ce roman fut un choc. Rares sont les auteurs capables de radiographier notre société contemporaine de la sorte, rares sont les romancières capables, comme elle, de porter un regard aussi acéré sur les maux qui gangrènent notre époque. J'attendais donc la sortie de son dernier bouquin avec impatience et autant le dire en préambule, je n'ai pas été déçu. Si les choses humaines m'a paru moins achevé, moins ample que l'insouciance, reste un texte rare, brillant, décortiquant avec acuité de nombreux thèmes tels que la médiatisation et ses dérives, le pouvoir des réseaux sociaux, les rapports de force entre hommes et femmes, les rapports sociaux mais aussi et bien évidemment, le consentement. Ce roman se divise en deux parties distinctes. D'abord une présentation des protagonistes où l'auteur excelle à décrire en quelques pages la vie d'un homme puissant et l'ombre qu'il fait porter sur le reste de sa famille. Puis c'est au tour du procès où la vie d'Alexandre, mais aussi du reste de la famille est jeté en pâture aux médias et où l'implacable machine judiciaire se met en branle. C'est cruel, réaliste, tiré d'une affaire réelle ayant eu lieu aux USA mais c'est aussi et surtout brillant, jamais manichéen et courageux. A la manière d'un Tom Wolfe, et la comparaison est flatteuse, Tuil n'hésite pas à plonger sa plume là où ça fait mal, dans cette fameuse zone grise où les destins basculent. Si la vie dorée de Sherman MC Coy basculait à cause d'une sortie d'autoroute ratée, celle d'Alexandre Farel basculera pour n'avoir pas su ou pu écouter les signes du refus. À l'époque de #metoo, à l'heure où la parole s'est un peu libérée, le texte de Tuil est sans doute un peu caricatural par moment, mais il dégage une puissance rare et il met des mots sur la confusion des esprits qui règne dans la société française actuellement. Engagé dans la course aux prix, je ne serais pas étonné que nous entendions encore beaucoup parler de ce roman, et c'est tant mieux.
J'achète ? : Oui sans hésiter. D'autres en parlent bien mieux que moi en ce moment mais ce roman est, à mon humble avis, l'un des meilleurs ouvrages de cette rentrée littéraire. Surement moins abouti que son roman précédent, les choses humaines reste néanmoins un excellent moment de lecture.
Lien : https://francksbooks.wordpre..
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L'inconvénient lorsque l'on est un lecteur retraité-petit-budget, c'est qu'on ne peut pas s'autoriser la lecture de tous les bons livres qui sortent au moment où ils sortent.
L'avantage - puisqu'une grande partie de nos vies est consacrée à compenser nos manques -, c'est, en ce qui me concerne, de pouvoir lire un peu de nouveau, davantage de moins nouveau, et beaucoup d'ouvrages multigenres et "a-temporels".
C'est aussi lorsqu'on a affaire à un roman "sociétal" comme - Les choses humaines -, l'effet "radioscopie", comme aurait dit Jacques Chancel, et le bénéfice comparatif qu'offre le recul du temps.

Roman sociétal donc.
La genèse de ce livre, comme le raconte Karine Tuil, son évènement déclencheur, c'est en 2015 aux États-Unis "L'affaire de Stanford", dans laquelle une jeune femme accuse un étudiant de Stanford de l'avoir agressée sexuellement derrière une benne à ordures au cours d'une soirée festive.
En 2016 se tient le procès qui voit "l'agresseur", reconnu coupable des faits, condamné à six mois de prison dont trois mois fermes.S'ensuit un tollé, féminin dans sa grande majorité, les femmes reprochant un verdict inique car trop clément pour le coupable et ne rendant pas justice à la victime, à son traumatisme et à sa vie brisée.
Karine Tuil, marquée par cette affaire, décide de travailler sur le sujet et d'en faire la matière d'un roman.
Son angle d'approche choisi étant de donner la parole à l'homme, à celui qui est soupçonné d'avoir commis l'agression, elle va s'emparer du sujet, le rendre réaliste, crédible en fréquentant pendant deux ans le Palais de Justice, en assistant à des procès pour viol aux assises de Paris, en ayant accès à de nombreux documents ( PV d'audition(s) et PV de police...), et ce faisant, maîtriser toute la mécanique judiciaire qui va du dépôt de plainte jusqu'au procès.
Au passage, c'est la partie du livre la plus tonique, la plus intense, la plus haletante, la plus touchante ; deux années de formation plus que payante !
Entretemps le réel s'invite dans le roman à travers " l'affaire Weinstein ", la révolution #metoo, la parole qui se libère avec les conséquences dont nous avons toutes et tous été les témoins.
Karine Tuil se sert donc de tous ces évènements, de tous ces bouleversements sociétaux pour réfléchir sur les femmes, leur condition en cette deuxième décennie du vingt-et-unième siècle.

L'histoire, c'est celle de " la comédie humaine " version années 2000, qui met en scène un couple de pouvoir : Jean et Claire Farel.
Lui, c'est une espèce de " PPDA" qui se serait élevé à la force du poignet, un autodidacte forçat du travail. Devenu un grand journaliste, il anime une matinale à la radio, une émission politique à la télé, quand il ne présente pas un Journal.
Il a soixante-dix ans, a peur de vieillir et fait donc tout pour " rester jeune ".
Célèbre depuis quarante ans, il s'accroche à son miroir aux alouettes, prêt à lui sacrifier tout le reste.
Elle, a un peu moins de trente ans que lui. C'est une essayiste reconnue pour ses engagements féministes.
Moins sur le devant de la scène que lui, ils forment un couple " people ", pourrait-on dire.
Ils ont un fils de vingt-et-un ans, Alexandre, brillant étudiant à Stanford Californie.
En apparence, " une famille formidable ".
En réalité, une entente et un bonheur de façade.
Jean a une double vie depuis vingt ans avec Françoise, une journaliste de son âge, à laquelle il promet régulièrement le mariage...et qu'il aime en dépit de ses nombreuses incartades ; un jeu de la célébrité auquel il se prête comme à celui des autographes ou des selfies...sans plus...
Claire de son côté est follement amoureuse d'Adam, professeur de français de son âge dans une école juive, marié et père de deux filles.
D'ailleurs, Claire et Jean sont séparés depuis un an.
Jean vit dans un de ses appartements.
Claire habite un appartement modeste avec Adam, séparé de sa femme exilée aux USA avec sa fille cadette ; l'aînée Mila cohabitant avec son père et sa presque belle-mère.
Jean et Claire vont une dernière fois donner à ce que fut leur couple l'occasion d'une ultime représentation par l'entremise d'une réception à l'Élysée au cours de laquelle le grand journaliste est fait, par le Président en personne, grand officier de la Légion d'honneur.
Alexandre est présent à la cérémonie, cérémonie qu'il quitte pour se rendre chez sa mère où se trouvent Claire et Mila.
Alexandre s'ennuie et prétexte une soirée d'étudiants pour leur fausser compagnie.
Claire pousse Mila à accompagner son fils.
Mila accepte sans réelle envie et se retrouve au milieu de jeunes gens qui lui sont étrangers.
L'un des jeunes étudiants propose un jeu : séduire une jeune femme que le hasard a désignée et pour preuve de sa réussite, il devra ramener la petite culotte de la demoiselle en guise de trophée.
Celle que le hasard a désignée pour Alexandre n'est autre que Mila...
Une coupe de champagne, un joint, une promenade et le lendemain Mila accuse Alexandre de l'avoir violée dans un local à poubelles.
Dès lors, pour chacun des protagonistes commence une longue descente aux enfers, un chemin de croix pavé des plus mauvaises intentions.

Comme dans beaucoup d'histoires de ce genre, Karine Tuil plante d'abord son décor, expose ses personnages avant de les faire basculer dans le drame.
L'exposition est réussie tant sur la forme que sur le fond.
J'avoue avoir cherché qui pouvait être derrière chacun d'entre eux... à commencer par Jean, naturellement.
L'histoire se déroulant, j'ai fini par me dire qu'en fait il y avait certes des inspiratrices ou des inspirateurs derrière les uns et les autres, mais qu'en définitive leur rôle consistait à porter les masques de ceux qui font vivre cette comédie humaine dans laquelle nous sommes entraînés.
Le procès ou plutôt la séquence qui va de la garde à vue jusqu'au procès, est comme je l'ai dit précédemment une réussite exemplaire.
Pas de décors en carton-pâte, de la chair, du vivant, du " vécu " ou du parfaitement maîtrisé.
L'opposition, la confrontation, le narratif de Mila, jeune fille vulnérable, portant le traumatisme de ces élèves de l'école juive Ozar Hatorah, victimes de l'attentat terroriste perpétré le 19 mars 2012 par Mohammed Merah... " c'était un calme assourdissant, un calme qui hurlait ", Mila qui n'a pas pu se reconstruire quand ses parents ont quitté la France pour Israël...Israël qui n'a pas su les accueillir... Mila qui après leur retour en France a mal vécu la séparation de ses parents, l'éclatement de sa famille, l'installation de sa mère aux États-Unis, cette mère qui se cloître de plus en plus dans le religieux. Mila perdue qui est venue habiter chez son père et la mère de celui qui...
Le narratif d'Alexandre, fils de l'élite bourgeoise, enfant aimant mais mal aimé par une femme ne sachant pas ou n'étant pas prête ou faite pour ce rôle, par un père porteur d'une violence héréditaire, léguée par une mère polytoxicomane et prostituée... assassinée par un mari délinquant davantage présent au parloir que chez lui. Aimant mais mal aimé, Alexandre vit la pesanteur de l'enfance et la solitude affective. Puis Alexandre devenu étudiant convoité par les chasseurs de têtes, ces débusqueurs de talents, Alexandre chouchou de ces dames sur les réseaux sociaux, mais Alexandre qui a fait une tentative d'autolyse pour cause de "dé-pression ", Alexandre qui ne s'est pas remis d'une histoire d'amour passionnel, Alexandre qui est persuadé de ne pas s'être bien comporté, d'avoir blessé Mila... pas de l'avoir violée...
Leurs narratifs qui se font face, ce face à face irrésolu est " tripal ".

Ce drame ou ces drames brillamment restitués par Karine Tuil nous offrent une radioscopie balzacienne sans complaisance sur l'état de notre société.
Certes il y a la force toxique (?) des réseaux sociaux, des médias face auxquels la justice peut être fragilisée, détournée, influencée.
Il y a les hommes, les hommes de pouvoir et les autres.
Et puis il y a les femmes.
Une des grandes réussites de l'auteur, c'est de les avoir fait vivre, fait dire à travers la jeune Mila, à travers Claire la femme mûre et à travers Françoise la femme vieillissante et malade...un trio, un panel de choix.

Un drame de la comédie humaine dans lequel les humains ( y est recensé l'essentiel de ce qui les anime ) jouent parfaitement la comédie.

Un livre très prenant, d'une grande qualité de pensée et d'écriture.
Un livre où les failles sont à rechercher, le cas échéant, uniquement du côté du lecteur...
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Thèmes : écriture , féminisme , luttes politiquesCréer un quiz sur ce livre

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