VOLT
les tours penchées les cieux obliques
les autos tombant dans le vide des routes
les animaux bordant les routes rurales
avec des branches couvertes d'hospitalières qualités
et d'oiseaux en forme de feuilles sur leurs têtes
tu marches mais c'est une autre qui marche sur tes
pas
distillant son dépit à travers les fragments de mémoire
et d'arithmétique
entourée d'une robe presque sourde le bruit caillé des
capitales
la ville bouillonnante et épaisse de fiers appels et de
lumières
déborde de la casserole de ses paupières
ses larmes s'écoulent en ruisseaux de basses
populations
sur la plaine stérile vers la chair et la lave lisses
des montagnes ombrageuses les apocalyptiques
tentations
perdu dans la géographie d'un souvenir et d'une obscure
rose
je rôde dans les rues étroites autour de toi
tandis que toi aussi tu rôdes dans d'autres rues plus
grandes
autour de quelque chose
Signal
extrait 2
je ne puis pas t'écrire
je suis trop sale du mélange de sommeil de suie
que le train a agité toute la nuit
dans la bouteille de la nuit
et pourtant les paysages juxtaposés aux solennelles indécisions des hanches
par mille détours de croupissantes ciselures te feraient comprendre
qu'entre l'amour et la maudite coïncidence
j'ai planté le grain de ton savoureux chagrin
mais nous sommes si éloignés de la chantante étreinte
qui unit à l'amitié la chair flexible de destins
les couloirs des wagons sont sales
les coussins se durcissent sous nos têtes comme nos têtes
et le pouvoir de celui qui nous envoie à travers le monde
en longues files d'orages migrateurs
dans les canots et ses trains de calcinants sortilèges
annonce l'éclipse des voix au thermomètre de nos veines
vois nos veines
chahutées basculées sursauts que la balance entraîne
mais quelle obscurité soudaine enlève les couleurs comme des chemises
leurs chemises
aux collines voluptueuses
la lumière de tes cheveux étouffe dans le tunnel et le tunnel
BIFURCATION
je ne veux pas te quitter
mon sourire est attaché à ton corps
et le baiser de l’algue à la pierre
à l’intérieur de mon âge je porte un enfant gai et
bruyant
il n’y a que toi qui saches le faire sortir du coquillage
comme l’escargot avec de fines voix
parmi l’herbe il y a
les mains fraîches des fleurs qui se tendent vers moi
mais il n’y a que ta voix qui soit fine
comme ta main est fine comme le soir est impalpable
comme le repos
Signal
extrait 1
Entre les trames bridées d'une robuste légende
mon vers hésite au-delà des pas
la route me happe à l'étincelant tournant
dans les mailles cahotantes où le mal engrenant
engloutit la clé de ma raison errante
malle vide abandonnée dans la brumeuse hôtellerie du sort
sur les routes — faut-il que je les parcoure toutes —
qui n'a pas encore trouvé sa dalle arrosoir de mélancolie
pourquoi t'ai-je quittée de la prodigieuse tristesse marquée
que tu guérisses aussi vite que la parole du lumineux est vraie
l'oiseau à ta trace accroché de nuit élaboré
tête de flèche a glissé plaintif archet le long du rail
la nuit a éteint la vive distance en berne
versant des seaux de terre entre nos éveils de flamme se dresse
…
125 ans depuis la naissance de Tristan Tzara