J'avais l'intention de lire Nègres Blanc d'Amérique il y a des années. Je l'ai commencé à la date propice du 24 juin 2023. J'ai bien fait d'attendre, j'étais prêt.
J'aurais aimé rencontrer
Pierre Vallières, je lui aurais posé beaucoup de questions. En 2023, je pense avoir une compréhension raisonnable de cet homme compliqué.
Vallières a écrit Nègres Blanc d'Amérique d'une seule traite, alors qu'il était incarcéré dans une prison new-yorkaise pendant la seconde moitié des années 1960. La transcription a été sortie clandestinement par ses avocats. La plupart de ses codétenus étaient noirs, et il les identifiait comme des membres de la lutte des classes qui se trouvaient dans une position d'infériorité.
Nègres Blanc d'Amérique traite de la lutte des classes.
Fils d'un ouvrier d'usine mal payé et d'une mère qui n'avait aucun espoir d'un avenir meilleur, si ce n'est l'espoir désespéré que son adhésion à l'église catholique pourrait, à long terme, porter ses fruits un jour, ou peut-être après sa mort, Vallières est allé à l'encontre des souhaits de ses parents et a fait des études.
Je m'identifie fortement à cet aspect de sa vie, venant d'une famille où mon père, un fondamentaliste ultra-catholique, considérait mon désir de faire des études supérieures comme une perte de temps, alors qu'une entreprise familiale m'attendait.
Je n'ai cependant pas eu la lucidité de Vallières dès son plus jeune âge. Il comprenait la collusion entre l'Église, l'État, les entreprises, le contrôle étranger de l'économie et leurs efforts conjoints pour maintenir la classe ouvrière souple et fragile.
C'est son désir non seulement d'un Québec indépendant, mais d'un nouvel ordre social qui m'a fait faire les comparaisons inévitables avec le changement politique qui s'est produit en Afrique du Sud pendant mon séjour prolongé et continu dans ce pays.
Vallières est d'avis que les élections ne nous donnent guère plus qu'un choix entre divers degrés de banditisme qui, quel que soit le choix de l'urne, maintiendra le statu quo - les travailleurs resteront pauvres et enrichiront la classe dirigeante, avec la connivence de l'Église. À ce stade de la vie (la sagesse vient souvent tard), j'ai tendance à être d'accord avec lui. En Afrique du Sud, cependant, les élections de 1994 ont apporté un changement significatif - non pas dans le système, mais dans les couloirs du gouvernement. le Congrès national africain, contrairement à Vallières et au Front de libération du Québec dont il était membre, n'essayait pas de changer un système, mais plutôt de prendre le contrôle d'un système - les pauvres restent pauvres et les riches restent riches, et il n'y a pas grand-chose, voire rien, en place dans le nouveau régime pour remettre cela en question. En fait, les nouveaux patrons sont tellement désireux de s'enrichir rapidement qu'ils ne se soucient guère de maintenir le système qui leur permet de le faire, tant qu'il continue à céder à quelques élus.
Un Québec indépendant suivrait-il la même voie ? Je n'en sais rien. Cela n'a pas été tenté. À mon avis, un Québec indépendant continuerait d'être dominé par ceux qui contrôlent les leviers du pouvoir - non pas tant les politiciens que les multinationales qui ont fait du Québec, du reste du Canada et d'une grande partie du monde des économies qui ne sont guère plus que des succursales.
L'Afrique du Sud DEVRAIT connaître l'expérience de 1994. L'économie est peut-être en difficulté 29 ans plus tard, mais il n'y a pas de prix à payer pour la dignité que des millions de Sud-Africains ont retrouvée après que le racisme institutionnalisé a été rayé des livres de loi.
De même, le Québec devrait être autorisé à tracer sa propre voie. le statu quo risque de voir ce coin francophone de l'Amérique du Nord devenir un peu plus qu'un parc d'attractions si les tendances actuelles se poursuivent. Dans ce livre, Vallières m'a aidé à comprendre ce qui était pour moi une énigme vieille de plusieurs décennies, à savoir l'antipathie d'une grande partie de la société québécoise à l'égard de Pierre Trudeau et de son entourage. Cela fait longtemps que je me débats avec cette question. Nègres Blanc d'Amérique a contribué à dissiper une partie du brouillard (d'une manière similaire au nouveau livre de
Jonny Steinberg sur Winnie et
Nelson Mandela).
Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'écrit Vallières sur le chemin vers une société égalitaire. Je pense que c'est une bonne idée, mais, comme c'est peut-être toujours le cas, la nature humaine s'y oppose.
Je pensais que le communisme était une bonne idée (je le pense toujours) mais je crois aussi que la nature humaine ne le rend pas pratique.
Comme c'est souvent le cas, j'aimerais avoir tort.
J'attendrai d'autres écrits de Vallières.