Le voilier aux marionnettes

Réédités au début des années 90 par les éditions Phébus - dont je ne chanterai jamais assez les louanges - Flamand des Vagues et le Voilier aux marionnettes sont aujourd'hui les deux seuls titres à peu près facilement trouvables de Jan van Dorp, auteur très largement oublié mais qui fut en son temps, au tournant des années 40 à 50, un grand nom du roman de mer. Largement, et fort injustement, à lire ce roman découvert en fouinant dans un bac à occasions de chez Boulinier.

A bord du Berseker, l'un des derniers clippers marchands de la voile finissante, les histoires et les rêves des marins s'entrecroisent. Certains sont venus à l'océan pour chercher quelque chose, d'autres pour fuir ce qu'ils avaient, mais tous conservent au fond du coeur le souvenir d'une terre ou d'un être qui les poursuit, lancinant, d'escale en escale. Pat le Rouge, colosse irlandais à la barbe flamboyante, a pour but un nom bien précis. Une vengeance qu'il rêve implacable, avant un retour au pays tant et tant fantasmé. Il faudra du temps à ses compagnons de fortune pour connaitre son histoire - une histoire d'amour, de guerre et de trahison, que le destin un jour, peut-être, dénouera dans un port inconnu. Mais une vengeance trop longtemps poursuivie devient-elle beaucoup plus qu'un fantôme, une fumée qui s'efface lorsqu'on croit enfin la saisir ? Et que reste-t-il, alors, au terme de l'absence ?

Sur une histoire dont la simplicité n'enlève rien à la force, le Voilier aux Marionnettes dit superbement le monde de la mer, ses fantasmes, ses mirages, ses bonheurs, ses beautés et ses souffrances. L'appel du large et la vie des marins, rudesse et poésie mêlées, bitures magistrales, bagarres épiques et rêves insaisissables. C'est drôle souvent, savoureux et salé. C'est triste aussi, terriblement triste, à l'image d'une condition humaine qui ne sait plus si elle cherche son but ou tente juste de se fuir elle-même, sur ce que la terre offre comme plus belle illusion d'absolu.
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